Rod Modell – Incense and Black Light

Posted in Chroniques on October 22nd, 2008 by Dat'


Acouphènes







La tête enfouie dans mon écharpe. Le casque sur les oreilles, qui hurle une musique implosant dans ma tête. Tellement forte qu’elle en devient informe. Tellement forte que tout est flou. Tellement forte qu’elle invente une nouvelle norme de perception, qu’elle singe les effets d’une drogue fracassant mes synapses, cadençant mes pas, rétrécissant mon champ de vision, ralentissant le monde. Plus la musique est abrupte et empressée, plus la vie semble diluée. La foule ne se traduit plus que par une myriade de couleur, masse informe en constant frémissement, bouillonnant sous les objectifs pressés de chacun. Cris, remontrances, bavardages, ronchonnement, éclats de rire, rien ne peut percer cette carapace sonore semblant englober mon espace, ma route, et la cible brumeuse de cette balade. Les escaliers sont des paliers, les tunnels des sas, et le métro un simple moyen d’arriver plus vite à ses fins.
Etre bousculé ne m’extirpe même pas de cet état comateux. La musique hurle, mes oreilles se blessent, mes jambes s’engourdissent, mais je reste là, planté, tentant de trouver l’issue la plus proche, en évitant de m?arracher à ce mode automatique.

Perte d’équilibre, gouffre de silence s’ouvrant sous mes pieds, un Bip fracassant mes esgourdes sonne le glas de mon épopée musicale. Piles mortes, impossible de refaire démarrer la machine. A peine le temps d’écarquiller les yeux, de voir les contours se redessiner, de sentir pointer le brouhaha urbain qu’une oppression ancrée au plus profond de mon être refait surface : Un sifflement, ultime, renversant, écrasant, perle, s’agrippe, viole mon audition. En continu, persistant, acharné, constant. Le tapage sonore de l’attroupement de voyageurs permet d’étouffer un minimum le phénomène, mais ce sifflement est toujours là. Il s’installe en fond sonore, il s’immisce dans ta vie, dans tous les pores de ton être.



Cet acouphène rythme tout depuis quelques années. Ce son aigu, vécu comme un “après concert” qui ne s’arrête jamais. Il parasite les jours, les nuits. Les balades, les moments de repos, l’abandon, le travail. Il empêche de dormir, il empoisonne le sommeil, il étreint les sentiments. Dilue le bonheur, exploite la tristesse. Tu l’entends constamment, il parasite n’importe quel moment d’une vie. Les repas, les balades, les étreintes. Dès que l’on pleure, dès que l’on boit, dès que l’on court, dès que l’on souffle. Il s’impose comme tierce personne irrémédiablement, quand on s’affale dans le silence, quand on marche en regardant le soleil, quand on embrasse, quand on prend sa douche, quand on baise, quand on parle et dès que l’on se tait. L’impression de devoir constamment dealer avec une autorité qui ne dérange que toi, qui ne s’agrippe qu’à toi, qui n’étouffe que toi. Quand la belle t’enlace, elle te caresse, toi, et ton parasite. Jamais l’un sans l’autre. Une relation de couple dans le couple. Le silence devient une notion bien fallacieuse. Voir utopique. Tinnitus.


La seule façon de couvrir ce bruit, c’est de le dompter. A coup d’auto persuasion stérile, ou de médicaments divers, abêtissants et abrutissants. Mais dompter n’est pas effacer. Annihiler le parasite pendant une courte période, c’est devoir noyer ce dernier. Le noyer par le son, par la musique, par le bruit. Aller au cinéma, se balader dans une rue piétonne bondée, camper dans un stade. Ou écouter de la musique, casque vissé sur les oreilles. Sans trop abuser sur le volume, histoire de ne pas nourrir le parasite, et lui donner l’opportunité de prendre de l’ampleur, perspective qui se révélerait apocalyptique.


Vous imaginez donc la panique d’entendre la musique se dérober de la sorte, pour une histoire de piles. De simples piles qui vous rebalance violemment dans une réalité que l’on aurait bien évité encore quelques minutes.

















Tenir la main de ce parasite, c’est se priver instantanément de sommeil. Ou choisir de s’assommer avec des produits chimiques. Les cernes s’installent, les joues se creusent, le dos se courbe, les journées s’allongent. On se transforme petit à petit en ersatz de camé. Un phénomène de Slow Motion étire la vie. Presque perdu, et bien décidé à recharger les batteries de mon discman, je tente de me frayer un chemin au milieu de la station Aloeswood. Mais la nuit quasi-blanche de la veille, couplée à une fatigue générale, n’arrange pas ma perception des choses. Le bruit du métro est ralenti à l’extrême par mes sens, et se transforme en une masse grondante, compacte. Les bruits de pas étouffés des passants agissent comme un métronome sourd dans ma tête. Seul le bruit d’un gaz lâché par un tuyau coupé, et des bruits métalliques assourdissant, permettent de m’extirper d’un enlisement certain, voir d’une perte totale de conscience. Je marche, je tâtonne presque, orphelin de ma musique, de mon cocon rassurant.
Escalier, air frais, les échos peuplant les tunnels du Subway s’éloignent. Première surprise : il pleut. La pluie, c’est encore le meilleur moyen d’étouffer le sifflement, quand la musique fait défaut. Ce lourd manteau liquide distille un semblant de bruit blanc apaisant, épousant parfaitement les tympans, pour prendre totalement la place du parasite. J’aime la pluie. Il pleut ! Je vais pouvoir m’oublier pour un petit moment encore. Deux solutions s’imposent alors : Allez au plus vite à mon Hotel, Chez Moi pour voir s’il me reste des piles, ou trouver un magasin dans les environs. Le risque de faire un aller-retour pour rien me pousse à m’enfoncer dans la ville. La place collée à la sortie du métro est impressionnante. Il fait nuit mais la luminosité est violente. Chaque parcelle, chaque centimètre carré des immeubles me faisant face sont bardés de lumières, de néons et d’écrans géants vomissant musiques et réclames hystériques. Pourtant, ce son ne parvient que faiblement à accrocher mes tympans, la pluie étouffant le tout. Je m’élance, et semble percevoir, au milieu des milliers de piétons, des joueurs de djembés, assis à même le sol, entre une statue canine et un espace fumeur. Toujours abasourdi, je laisse ma conscience étourdie par les médocs divaguer sur ce mélange rythmique de tambourin, de réminiscences métalliques provoquées par un zozo tapant sur le banc en fer, le tout toujours et constamment enveloppée de cette averse qui semble tomber sans jamais sourciller, se confondant graduellement en bruit blanc hypnotique.









Avec difficulté, je m’élance alors vers le passage piéton dantesque, fondant au milieu de cette myriade d’éclairages, de sons crachés par ces buildings en fusion, magma de lumières et de publicités. La pluie fait rage, je me glisse avec difficultés entre les ombrelles jetables tenues fermement par une rangée infinie de mains. Avec étonnement, un beat sourd, presque House, s’immisce dans mon cerveau. Je me fais violence, lève la tête, pour voir l’objet du délit. Agression de la rétine, l’écran géant lâche une énième campagne sur des lotions cosmétiques, le Body Sonic, bien connu de ces dames. Heureusement, les piaillements de la nymphette prêchant la peau douce ne parviennent pas à mes oreilles, et seul le rythme appuyé se taille un chemin au coeur de l’ondée.
“There will be Cloud Over the city tonight” m’avait lâché un pote en début d’après midi, tentant vainement de me faire sourire avec son accent hésitant, et connaissant mon attachement pour le mauvais temps. Il a eut le nez creux, pensais-je, en optant pour une petite rue tout aussi bardée de lumières. Les magasins où s’ébattent bon nombre de flâneurs tentant de se protéger de l’eau, laissent paraître des musiques électroniques plus ou moins hypnotiques, happant mon esprit.
Première escale, ce magasin ouvert 24h sur 24h. Mais une salle de jeu, entichée d’un énorme Into the Day en néon rose fluo, attire mon attention. Le bruit de billes s’entrechoquant par millions semble encore plus assourdissant qu’un ouragan. Etant complètement décalqué, cette masse de son se mue en véritable monstre, organisme de profondeurs insondables, à peine dérangé par les quelques pointes mélodiques lâchées par certaines bornes. Complètement embué par le son, limite asphyxié par le marasme ambiant décuplée par mon état complément lamentable, je préfère sortir à la hâte de cet enfer, préférant le rideau de pluie au mur de bruit. La parano me reprend, l’acouphène hurle durant la montée des marches, avant de tirer sa révérence une nouvelle fois, dès la première foulée en extérieur.









Superette investie, piles achetées, batterie remplacée, je presse frénétiquement le bouton play, attendant que la musique redémarre. Sans succés. Ce lecteur semble mort, définitivement atone, ayant lancé son chant du cygne dans le métro il y a une demi-heure. Il va falloir se résoudre à finir le chemin avec le casque dans la poche. La fatigue m’étreint soudainement. La nuit dernière se fait sentir, passée en grande partie à tenter d’escroquer le sommeil. Inconsciemment, j’ai continué à avancer. Le quartier se fait plus glauque, moins lumineux. Il me faut de toute façon passer par cette colline, raccourci évident pour rejoindre ma piaule.
Je m’essouffle. Mes sens s’embrouillent une nouvelle fois. Je m’adosse à un mur, attenant à ce qui semble être un club aux activités plus ou moins prohibées, au nom évocateur, le Red Light. Salon de massage bizarre, ou boite à striptease, il s’échappe de l’escalier en colimaçon une musique techno bien pute. Avec mon dos, presque drogué par la fatigue, je n’en perçois que les basses et les vibrations. Ce qui emplie mon âme, empoigne mes tympans, c’est cette pluie qui tombe sans discontinuer, qui se mue petit à petit en froissements épais, érigeant un édifice sonore abyssal. Les seuls sons de la rue qui me parviennent sont completement disloqués par des échos créés par mon esprit malade, transformant la contemplation de cette allée en véritable Dub visuel.

Les mains salies par le bitume, je m’escrime à divaguer dans les artères du coin, débouchant sur une avenue surprenante dans sa propension à n’être quasiment pas éclairée, dénuée de commerce et presque vide de piétons. Simple tube bétonné de part en part, animé par de faibles lampadaires, ce passage se laisse envahir par un vent assourdissant, passant en vague, se mêlant à la pluie pour me museler dans un Ultraviolet World inquiétant. Une aubaine, je ferme les yeux, écarte les bras, et laisse ce souffle cingler mon corps, en tentant de ne pas vaciller. En tendant l’oreille, une mélodie cristalline se fait entendre, semblant appeler au secours au milieu de ce tourbillon, comme si une église se nichait au plus profond de cette rafale bétonnée.
Presque hagard, je débouche sur un tout petit jardin, cachant entre ses branches un Temple prisonnier entre deux immeubles gigantesques. Un pied Techno perle de l’une des structures, pilonnant une atmosphère presque trop calme, occasion parfaite pour que mon parasite laisse échapper quelques sifflements entre deux accalmies. Complètement desséché, perdu dans mes pensés, tâtonnant dans le noir, je perds pied, le monde tourne autour de moi, vertiges. Un mal de tête déboule sans prévenir, dédoublant, triplant les réminiscences technoïdes perçues jusqu’alors, leur donnant presque une allure tribale. Les yeux écarquillés, le corps engourdi, je m’affale sur le sol, la tête dans un étau, l’envie de gerber se faisant tenace. Les acouphènes reviennent en force, m’obsèdent, m’assiégent, me brisent. J’en ai marre, j’abandonne. Perte de conscience, trou noir.

La circulation me tire de mon semi-coma. Il fait beau, le soleil est aveuglant. La sérénité du temple, petite encablure mystique au milieu de la jungle urbaine me touche, me rassure. It’s Morning Again, et une étrange sérénité s’empare de mon être. Même en me rendant compte que le lecteur a explosé sous mon poids, en dormant dessus. Complètement abruti, et brûlé par la luminosité, je me lève, respire, et profite de ce petit coin de paradis. L’esprit toujours embrouillé, l’effet de voir la vie défiler au ralenti toujours effectif, je perçois l’éveil de cette mégalopole comme un ensemble de sons cristallins, calmes et éthérés. Mon inconscient tire sûrement la sonnette d’alarme en me faisant entendre, distinctement, des anges chanter au loin, perdu dans des nappes apaisées, constituées de bruits de circulation et embrassé d’une brise matinale.







Il ne pleut plus, pourtant mon oreille est muette. Comme si, pour quelques secondes encore, le parasite s’était décidé à me laisser en paix, à reporter pour un instant son concert incessant, me laissant profiter de cette quiétude revenue.



Moi qui donnerai ma vie pour quelques secondes de silence, je me retrouve à espérer que ce moment s’étire à jamais, trouvant enfin l’apaisement dans le bruit de cette ville qui se réveille, après m’être enlisé vainement dans celle qui refuse de s’éteindre.











10 titres – Plop Records
Dat’












Videos µ°7

Posted in Chroniques on October 18th, 2008 by Dat'


Animation Movies


7eme salve :











Archive – Again












Ken Ishii – Extra












Hifana – Wamono











Etienne De Crecy – Scratched











Descriptions en commentaire !
Dat’








Restiform Bodies – Tv Loves You Back

Posted in Chroniques on October 15th, 2008 by Dat'


Ants, assassinating other ants.







C’est apparemment l’année des gros retours, après de bien longues absences. On ne va pas tous les citer, même si ceux de Portishead ou Leila viennent directement en tête. Pour le coup, il y a, sur 2008, tellement de bons disques émanant de groupes “confirmés” que l’on n’a presque plus le temps de se pencher sur les nouvelles pousses, celles qui débarquent en catimini pour nous refiler un premier essai éclatant, façon découverte-totale-featuring-grosse-mandale. Les Restiform Bodies avaient balancé il y a 7 ans un album complètement allumé reflétant encore la quintessence du son Anticon, avec ce Hiphop electro expérimental oscillant entre le débile jouissif et l’hermétisme compact. Pourtant l’album ne fut pas, au départ, officiellement affilié à la fourmi noire. Reste que ce Re$tiform Bod1es avait permis au groupe de poser leurs bagages sur le label, laissant le projet collectif de coté pour aligner de très bons albums en solo, celui de Passage (voix du groupe) en tête, ou le dernier Telephone Jim Jesus (sur lequel Bomarr, le troisième larron, est pas mal présent).

Annoncé en grande pompe sur le site du label il y a quelques temps, entre des sorties de plus en plus éloignées du son originel de la maison, ce Tv Loves You Back semblait bien parti pour nous refoutre une bonne tranche de bordel Anticonien, d’une façon bien plus frontale que le dernier Sole, qui avait décidé d’embrasser (ave brio) une veine plus acoustique…














Couleurs criardes, dessins de gamins partout dans le livret, ce dernier ayant le mérite de nous proposer tous les textes du disque. Ce qui est une excellente initiative, au vu de la complexité de certains lyrics, qui seraient presque à ranger aux coté de ceux de Subtle and co.
Il fau être clair, ce Tv Loves You Back est une galette clairement inclassable, et cela dans toutes les facettes qu’elle met en avant : Outre les textes parfois abscons déclamés par Passage, c’est bien la voix de ce dernier qui pourra surprendre. Groupe à lui tout seul, le Californien change de flow comme de chaussette, alternant sur trois phases majeures, au sein même d’un morceau : d’une voix ronde et grave, le Mc va très souvent passer à un flow incisif et aride, scandant ses lyrics avec véhémence. Mais il est très courant que Passage se mette à chanter d’une voix claire, et pas désagréable (contrairement à 98% des Mc s’essayant à l’exercice), donnant un coté Pop à des morceaux souvent complètement flingués. Mais si cette livraison est inclassable, c’est aussi grâce aux instrues fignolées par Telephone Jim Jesus et Bomarr. On passe du coq à l’âne sans prévenir, on balance un morceau super accessible pour le défoncer par une Mpc hystérique quelques secondes après et l’on alterne passages debilo-jouissifs et atmosphères sombres et cradingues.







Le premier titre du disque ne pourrait pas mieux introduire et représenter ce qui va suivre sur ce Tv Loves You Back. Dans la grande tradition du morceau foutraque qui semble compiler plusieurs bouts d’instrues, Black Friday, se pose en modèle du genre. “Hey sympa, il envoie bien ce teaser !” “Non mais c’est la première piste du disque là” “Ah…euh… t’es sur ?”.
La première partie du morceau est très hip-hop de stade, avec un beat lourd, un Passage qui lance des Yo / Yeah bouffés par des échos et le passage chanté est presque pimp. Saturations, parasites, la ligne rythmique se nécrose, et part dans un trip presque Autechrien, sorte de breakbeat explosé, mutant, entité incontrôlable. Passage est toujours aussi content, il rappe sans discontinuer sur une instrue qui fait “scrrriiiiittchhhfiiiizzprrouuulipfouuublupblupkataklakkataklak” le tout défoncé par un pied bien sourd. On étouffe, mais c’est cool car une nappe sombre et inquiétante finie le boulot, transportant le morceau dans une electro de cimetière placé sur l’anneau de Saturne. Le tout en trois minutes. Schizophrénie musicale, cela intéressera les médecins.

Que l’on rassure les estomacs sensibles, les montagnes russes du disque ne seront généralement pas aussi accidentées. Les morceaux, bien barrés, restent généralement construits, et préfèrent développer une idée folle sur une piste plutôt que 5 en deux minutes. Restiform Bodies se permet même d’aligner des petits tubes tout le long du Lp. Des tubes drogués, mutants, foireux et complètement flingués, mais des tubes quand même. Foul prend presque le contre-pied de son voisin psychotique du dessus, en partant sur une base presque limpide : Grosses nappes de synthés bien grasses, beats ronds, éclatants comme un enfilade de bulles de savon, et Passage qui alternent phrasés secs imparables avec quelques excavations plus réfléchies. On croirait presque à de la ghetto-tech passée à la moulinette. Mais c’est les refrains qui propulsent le titre sur MTV alien. Le mec se met à chanter en regardant la lune, soutenu par des claviers conviés à faire une bronca des grands jours, mi-hip, mi-pop, le tout saupoudré d’un semblant de New-wave. Ca passe parfaitement, à mettre dans sa voiture, la fenêtre ouverte et les lunettes de soleil sur le front, juste avant de se faire interner dans son hôpital favori. (A choisir en fonction des plateau repas.) La dernière partie chantée est superbe, cristalline, concluant parfaitement le tout. Pour schématiser, on a un peu l’impression d’entendre Depeche Mode se faire chahuter par un Mc en train de se noyer dans sa baignoire.
Même Tarif pour A Pimp Like God, qui aligne une entrée débile, presque niaise ( “A pimp like goooooood needs all his gold on his mouuuuuth / A pimp like god ain’t equipped to settle dooooooown” ), avant de fracasser le tout sur une instrue sourde, poisseuse, aux basses bien rebondies, et de repasser sur un refrain bien saturé. Ca n’arrête pas de changer, le métronome s’emballe pour se stopper net quelques secondes après, et Passage est affolant, alignant des phrases juste inconcevables avec un aplomb énorme : “I’m the frostiest funkiest feather haired customer / Slick as a freudian slip, crisp as a cucumber / As handsome as a carriage on my pay as you go / You know i’m fronting but i’m obligated legally to let you know”. Merci pour les métaphores, on les garde dans un coin.








Dans une veine plus sérieuse, mais tout aussi explosée par les aspérités, Panic Shopper balance du lourd. L’entame du morceau fait même assez penser à du Sole ancienne période : Flow grave et haché, teintes sombres et rythmes en retrait, toujours près à nous gicler à la gueule. Mais le tout prend vite son envol quand un synthé très analordien vient se greffer au tout, donnant un ton melancolico-mortuaire à des textes encore plus indéfinissables, à base de “It’s not a well preserved pre historic bird / It’s a 747 Behaeded nursing seven sorched feathers / … / A pirate on the carpet licks the legs of the Cadaver / A pirate on the carpet licks the legs of the Cadaver / Cadaver abra ca dabra cadaver cadaver cadaver ! / Abra ca dabra cadaver” Moui t’es gentil, prends bien tes médicaments. Et ce n’est pas la suite du titre qui nous ramènera sur des terres plus saines, vu que Passage va littéralement s’envoler sur une montée fantomatique, lâchant ses lyrics à la vitesse de la lumière, arguant la foule comme un illuminé au milieu de Central park.

Bobby Trendy Addendum fera lui presque penser à du dDamage, explosant dans tous les coins, écrasant des semblants de samples sous des effets crasseux et saturés. On perçoit des notes de claviers accueillantes au milieu du marasme, donnant un semblant de mélodie sur lequel on pourra se raccrocher quelques instants, aidé par un Passage qui se décide à pousser la chansonnette un petit coup, avant de repasser en mode cintré du micro. La deuxième partie sera plus traditionnelle, avec un beat clairement plus identifiable et quelques handclaps cramés. Rassurant, ça permet enfin de put ses hands dans les air, même après avoir perdu tout son liquide rachidien.
Plus direct et moins bousillé (toute proportion gardées), Restiform Bodies donnerait presque sa vision du Hip-hop calibré tube avec Pick It Up Drop It, au tempo ralenti et vrilles de claviers. On se fera plaisir quand le rythme s’accélérera méchamment replaçant le titre dans des espaces un peu Ghetto-tech évoquées plus haut.








Mais on sentait la chose perler sur certains refrains (voir couplets) du disque, Passage aime chanter, donner de l’air à des pistes parfois asphyxiantes niveau lyrics déclamés en tgv (les textes d’un morceau tiennent parfois sur une page et demi, en double colonne ).
Il devient donc presque naturel de croiser sur ce Tv Loves You Back quelques morceaux où le flow passe au second plan, pour laisser le Mc susurrer au micro des litanies bizarres, à l’instar d’un certain DoseOne. Si Opulent Soul jonglera constamment avec un Hip-hop âpre et des phases chantées étonnantes, comme si Passage se dandinait sur le comptoir d’un bar une bouteille à la main, deux autres titres s’engouffreront dans une brèche périlleuse mais foutrement bien négociée :
Le bien barré Consmer Culture Wave verra Passage ralentir son débit au maximum pour se la jouer hip-hop chanté sur une instrue pétant les plombs, entre synthés bien gras et accélérations de rythme claquant comme un fouet. On sent que le truc veut s’emballer, veut sauter dans les coins, sans pour autant prendre réellement l’initiative.
C’est vraiment Ameriscan qui poussera le vice au maximum, en laissant Passage miauler sur un lit de synthés, martelés par un beat industriel très étouffé, placé à quelques kilomètres de là. Surprise, c’est super beau, on pensera presque à un ersatz de Thom Yorke reconverti en Mc qui s’essayerait à la New Wave droguée. On aura bien un versant Hip-hop bien convulsif sur trente secondes, mais c’est vraiment ces passages lunaires, en apesanteurs, dénués de toute envie d’expérimentation, qui prendront nos tripes pour en faire de la confiture. La montée finale file la frousse, et conclue l’un des meilleurs morceaux de la galette, alors qu’il s’en détacherait presque complètement sur la première écoute. On était presque convaincu d’assister à une tentative maladroite du groupe pour se la jouer Why ?, et l’on se retrouve devant une superbe conclusion, presque inattendue après un album aussi barge et accidenté.










Ce Tv Loves You Back est une tres bonne surprise. Pour ses qualités évidement, et ses compositions complètement barrées, inclassables et versatiles, avec une marque electro extrêmement présente, et un Passage complètement dingue, impressionnant quand on le compare au premier disque du groupe, et qui se posant désormais comme l’un des meilleurs dingo du label de San Francisco. Mais ce disque fait aussi plaisir car il prouve qu’Anticon peut encore nous sortir le Hip-hop qui reste, dans l’inconscient collectif, sa marque de fabrique, sa matière première. Attention, le label a sorti d’excellent disques ses derniers temps (Le Odd Nosdam, le Sole, le Why ?, le Thee More Shallows) mais cela faisait pas mal de temps qu’il n’y avait pas eu, au final, de véritables disques Hiphop Anticon. Comme si après avoir tourné en rond, le label ne voulait plus se risquer de tomber dans une redite, voulant pousser à l’ouverture exagérée, en laissant les fondations aux vestiaires.

Alors évidement, ceux qui ne pouvaient pas blairer cette marque de fabrique ne pourront toujours pas encadrer ce nouveau disque des Restiform Bodies. Quand à ceux qui ont justement peur d’une redite, qu’ils se rassurent, ce Tv Loves You Back prouve que l’on peut étonner, dérouter, faire du neuf avec une recette déjà bien utilisée, sans pour autant regarder une seconde en arrière.
Ceux qui ressentaient un manque de Hiphop barré au vu des dernières sorties des labels tel que Anticon, Mush ou autres seront aux anges. Il ferait presque même de l’ombre au tout dernier Subtle, pour ceux qui ont été déçu de voir le groupe définitivement foncer dans une Pop bizarre.



Bref, ce disque fait énormément plaisir, il est bien jouissif, bien barré et reflète le meilleur de ce que peut encore fournir le label dans sa facette Hiphop. On ne lui ne demandait pas plus.









Mp3 :


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Restiform Bodies – Bobby Trendy Addendum Clic droit / Enregistrer sous









10 Titres – Anticon
Dat’











Magnetic – Silent Storms

Posted in Chroniques on October 8th, 2008 by Dat'


Metropolis







Je clamais il y a peu mon amour immodéré pour l’abstract Hip-hop, qui se fait de plus en plus rare. Mais un autre genre a empoigné mon petit coeur pendant bien des années : L’electro-dub à la française. Tombé dans la marmite grâce aux prémices de petites groupes devenu grands, à l’aube où Jarring Effects sortait son premier LP estampillée High Tone. Dévoilant des paysages affolants, draguant mes esgourdes à base de samples world matraqués par des saturations énormes noyées dans les reverbs, le Dub français m’a accompagné pendant tout ce début de siècle. A sauter sur toutes les sorties touchant de près ou de loin au genre comme un mort de faim. Comme tout mouvement qui prend de l’ampleur, les disques fusent, les projets naissent, vague énorme, French-touch avec des dreads, pour finalement s’étioler peu à peu. Les meilleurs se nourrissent d’influences diverses, les autres disparaissent. Depuis deux ans, c’est presque le calme plat, le mouvement étant largement mis au second plan, face à un Dubstep de plus en plus présent (En parlant de ça, nouveau disque de Distance annonçé pour mi-novembre, bonne nouvelle). Chaque sortie un tant soit peu ambitieuse est donc un presque événement en soi, et le dernier disque de Kaly Live Dub nous avait déjà ravi les tympans cette année.

Magnetic, je ne connaissais pas vraiment. Je suivais le groupe depuis quelques temps sur leur myspace and co, sans savoir qu’ils avaient déjà sorti un disque il y a quelques années. Naïvement, je pensais que ce Silent Storms allait être leur première livraison, interloqué par une charte graphique mystérieuse et assez sublime, mélangeant mégalopole asiatique et teintes cyberpunk.


















Contrairement à pas mal de formations du genre, Magnetic donne de la voix, avec un Andrej 747 déclamant en anglais ses griefs sur tous les morceaux, d’une voix oscillant entre le super posé et le survolté (les textes sont tous inclus dans le livret). Sûrement la première chose qui saute aux oreilles pour celui qui s’attend à une galette Dub plan-plan.

L’artwork ne ment pas sur la marchandise. Ce disque de Magnetic est sombre, électronique, poisseux, bande son parfaite pour errer dans les méandres d’une ville cradingue, étouffante et étouffée. L’énorme Silent Storms qui ouvre le bal, ne me fera pas mentir.
Le premier contact avec l’album est impressionnant, déroutant, asphyxiant presque, avec cette nappe gigantesque peuplée de sons industriels bizarres. Comme si un vent tempétueux faisait trembler une usine entière. Une voix, perdue dans ce maelstrom, égrène des pensées, alors qu’un semblant de sitar laisse couler une belle mélodie.
Imaginez un atterrissage dans la mégalopole de Blade Runner, avec ses rues métalliques, ses âmes perdues et ses échoppes asiatiques à perte de vue. L’atmosphére s’adoucie, comme si un rayon de soleil perlait de nuages trop noir.
On lève la tête, on apprécie, on prend un bol d’air, avant de reprendre la cavale dans ce dédale désincarné. Grosse Drum & Bass qui se mêle aux cordes, le Mc arrive au premier plan, balance ses phrases d’un flow super clair, ça prend aux tripes, avec cette montée orientale défoncée par un lit de rythmes métalliques et de zébrures noisy, ça fuse dans tous les coins, le pied est total. Le morceau est ultra massif, chaque seconde de son est imagée, puissante, violente ou planante, le tout sur 6 minutes. Il se greffe reellement comme la peinture musicale d’un homme déambulant dans une ville pourrie jusqu’à la moelle, avant de se faire poursuivre par une entité gouvernementale belliqueuse, courant à corps perdu dans des rues cradingues, à bousculer passants et semi-cadavres sur pattes.

No Protection démarrera d’une façon plus conventionnelle, laissant directement la parole à Andrej, sautillant sur une mélodie bien Dub. Les refrains se transforment en vraies baffes, grosse vague electro-indus, crissant dans tous les coins, qui doit filer une vraie correction en live. Le break coupant le morceau laisse la rythmique se saccader, vriller sur elle-même, avant de repartir dans une charge bien massive, pour une dernière montée extatique, mêlant guitare électriques, beats carnassiers et saturations salvatrices. Bonheur.
Le titre ne se déparait pas de cet effet “chape de plomb” entendu sur le précédant, cette résonance transformée en noire immensité qui va couvrir toute la première moitié du disque, imprimant une ambiance profonde et opaque au disque.









Mais la vraie claque de ce disque survient avec Amnesia, tuerie absolue de ce Silent Storms. Apres une intro très Ez3kiel, un rythme ahurissant vient se fracasser sur la clochette mélodie, comme si dix mecs tapaient sur une colonne de glace avec des marteaux. On est déjà complètement con de ce prendre une telle attaque dans la gueule, que le Mc égrène à la vitesse grand V des tonnes de mots, sans prendre le temps de nous laisser respirer. “Trainstations, airports, carpark, terminal, elevators, polices and thieves, bank accounts, shells, clouds, real estate, social welfare, unemployment, television, loneliness, fax, mail, mobile, files, folders, prozac, antivirus… and dancefloors”
Et c’est justement au moment où la piste de danse est évoquée que le morceau s’envole dans une fusée de nappes cristallines, avec le chant qui fonce dans les étoiles en lâchant des Everybody’s trippin… pour mieux repartir dans des couplets épileptiques. Deuxième refrain, deuxième incartade dans la galaxie après nous avoir éclaté la tête dans les caniveaux, reverbs, pause, le morceau part dans un gros trip Drum & bass à arracher la colonne vertébrale. Ce morceau est juste monstrueux.

Même sur les deux titres plus calmes ( Lost In High Tides et le presque tubesque Glorious Days avec son refrain à chanter sous la douche si on a pas dormi depuis 48 heures, pour simuler des reverbs avec son cerveau) encadrant le susnommé, l’enveloppe sonore sourde fait son travail, et se pose sur vos oreilles, s’immisçant dans votre cortex d’une façon presque instantanée, parasitant vos envies de légèreté en vous plaquant dans un dôme façon ville futuriste souterraine.










Et c’est d’ailleurs à la moitié du disque que la donne change un peu. Apres un long et sublime titre de 8 minutes, Blind qui part sur une base très électro bien progressive, pour finir sur une excavation jazzy, et un Love Blood & Dust extrêmement serein, dub tribal drogué laissant la place aux ambiances asiatiques et aux percussions (le travail sur les rythmes est admirable), Silent Storms va se révéler plus clair dans ses ambiances. Mais aussi parfois beaucoup plus déstructuré dans la construction des tracks. Le lourd manteau s’échappe peu à peu, pour laisser place aux attaques cramées et aux beats drillés. Comme si, après avoir essayé de survivre dans les rues sales remplies de camés, de putes et de fraîches overdoses d’une cité écrasée par un état totalitaire, on ne se décidait qu’à se perdre dans des Clubs underground où la fête sert de dernier rempart à la désillusion extérieure. Plus lumineux mais plus fracassé. Goodbye Country (Hello Breakbeat).

How Many en est sûrement le meilleur représentant, avec cette rythmique un peu folle, entre bleeps non contrôlés et beats qui se nécrosent en saccades. Le refrain serait presque ensoleillé s’il ne croulait pas sous les attaques d’une fondation presque organique, giclant de tous les cotés. Vlan, passage en slow motion, une énorme ligne de basse embarque tout, on à l’impression de se retrouver dans une track techno meurtrière, avant que le tout retrouve son coté détruit et jouissif du départ, tentant de résister aux assauts monstrueux du monstre précité. Et ce n’est pas l’entracte cristalline qui permettra de respirer, vous que le tout va repartir dans un dernier bouffé par les saturations, histoire de reprendre son pied un maximum.

Two enemies se chargera de finir le travail d’une façon plus sombre, mais tout aussi enlevée, avec cette rythmique appuyée, marbrée de parasites indus, la rythmique Dub tentant vainement de se frayer un chemin au milieu de cette offensive explosée. Plus le titre avance, plus il devient imparable, s’alignant presque comme un délire techno dégueulant des synthés implacable, nous obligeant à danser en sautant contre les murs.
Quand à After Me il démolirait presque les limites de la perceptions pour nous enfoncer dans un Funk-dub completement disloqué, bourré de reverb jusqu’à la moelle, mettant en valeur des percus toujours aussi bien foutues. Le seul moment normal sera incarné par une guitare crachant un gimmick entêtant, avant de laisser les volutes sous acides vous violer le cerveau. La fin sublime, laissant perler un semblant d’accordéon spectral, me laisse sur le carreau à chaque écoute.

My Head’s Like a Radio se chargerait bien d’être le titre le plus évident du disque, avec ce beat Hip-hop cinglant, s’il ne se finissait pas dans une montée Noise effrayante, détruisant le coté direct du morceau, pour le foutre dans un bac de lave en fusion. Ca crisse, tout se déchire, les machines hurlent, et pilonne un refrain évident. A croire que le groupe s’est rendu compte de l’agression salvatrice car il terminera le disque avec un Day Dreamin’ presque en rupture totale avec le reste du disque : super aérien, super clair, presque pop. Andrej ne scande plus ses textes, il les chante, les susurre, les étire. Les percussions du début, bien présentes, s’étiolent petit à petit à force que les “Am I trippin’ ? Do I move right, Am I dreamin’ ?” se répetent. Les paroles se dédoublent, s’envolent, des nappes à tomber débarquent, nous envoyant au dessus des nuages, c’est tout beau, presque fragile. Les portes métalliques s’ouvrent sur un champ de blé aux couleurs éclatantes. Superbe conclusion.











Je ne m’attendais sincèrement pas à quelque chose aussi abouti, aussi plaisant et aussi flingué en achetant ce Silent Storms. Arrivé presque en catimini, le groupe me file une belle mandale. Pour le coup, oubliez le nouveau disque d’asian Dub Fondation, ce Magnetic le tue sur place, et étrille le reste de la concurrence cette année. Certains titres sont, au risque de me répéter, monstrueux (Amnesia évidemment, mais aussi Silent Storms ou How Many), tout se tient parfaitement, et la voix, omniprésente, est parfaitement greffée à la musique du groupe. Pire, elle est même le guide d’une ville oppressante mise en musique, seule âme encore lucide dans ce paradis de crasse et de matière.


Car la principale qualité de ce Silent Storms, c’est bien cette patte, cette personnalité implacable qui court tout le long du disque, cette ambiance sublimée par la pochette qui vous plonge dans une mégalopole pervertie, une sorte de Neo-Tokyo, Neo-chicago ou neo-ce-que-vous-voulez. Cette chape de plomb assure le travail à la perfection, vous tenant la tête dans les égouts, à renifler la merde, malgré tous les regards jetés vers le ciel. Le coté déstructuré et foisonnant de certains titres vous renverra à l’aspect grouillant des rues, blindées de lumières et de corps anonymes, fuyant la réalité pour quelques fugaces paradis artificiels.
Ce Silent Storms de Magnetic c’est parfois ce concert de Dancehall donné dans la cave d’un club coupe-gorge où des prostituées robotisées sucent un client qui ne pense qu’à s’ouvrir les veines. C’est aussi l’électro dub sortant des interstices d’un mini appartement où le monde se marre encore un peu en écoutant de vieux vinyles et en se frôlant les uns les autres, malgré une montagne de textures grises et d’amer béton dès que l’on se penche à la fenêtre.



Grosses textures électro, sonorités dub extatiques, attaques rythmiques jouissives, titres imparables et completement flingués. Magnetic ressusciterait presque l’étendard du Dub Français. Celui que j’aime profondément, celui qui m’envoie dans la stratosphère tout en me filant des coups dans le bide. Celui qui laisse encore la place aux racines de cette musique, tout en les lacérant avec des rythmiques cinglantes. De bout en bout, l’album se tient, nous flingue, nous transporte dans l’univers que l’on veut bien se créer, alignant de superbes fresques musicales sombres et escarpées.


Magnifique disque, gros coup de coeur.









12 Titres – Ozore Age
Dat’









Tv On The Radio – Dear Science

Posted in Chroniques on September 28th, 2008 by Dat'


Science killed the radio star







Certains groupes muent d’une façon assez impressionnante, passant de bizarreries claudicantes à véritables machines de guerres. Tv On The Radio (TOTR) fait clairement parti de ces derniers. Le crade, grouillant, minimaliste mais céleste Desperate Youth, Blood Thirsty Babes reste pour moi un chef d’oeuvre parmi les chef d’oeuvres. Une oeuvre trop grande, que je continue d’aborder petit à petit, un disque télescopant les grondements d’un rock expé avec le miracle de deux voix sur-aigues, celles de Tunde et Malone, s’envolant sur des refrains qui pouvaient, dans le meilleur des mondes, tuer le top 50 en un passage. Genre Jackson 5 dépressifs chantant sur une guitare mal branchée avec un sample de réacteur d’avion pour métronome.
En écoutant pour la première fois ce disque à sa sortie, au hasard, sur une borne Fnac, je m’étais pris un Tgv dans le bide. Le morceau d’ouverture était incroyable. Ca grondait, ça tremblait, espèce de matelas drone percuté par des samples malades, saisissant contraste avec les voix angéliques des deux chanteurs. Le morceau King Eternal reste aussi pour moi le diamant parmi les diamants, un truc te balançant la tête hors de la stratosphère, tout en se permettant de pouvoir être chanté sous la douche, (en passant obligatoirement pour un con si l’on ne possède pas une voix de castra)
Return To Cookie Mountain opta presque pour la voie opposée, tout en gardant cette magie experimentalotubesque, délaissant le minimalisme cradingue pour des morceaux avec trois mille couches de son, genre immeuble de guitares couplé à un camion de percus. Même résultat, réussite totale, album de folie.

Impossible de croire au fait que TOTR allait faire aussi bien pour un 3eme album. Cela serait presque inhumain. Il faut savoir lever le pied. Mais évidemment, quand on est presque groupie d’un groupe qui vous flingue encore la gueule à chaque écoute, on espère dur.

















Ce nouveau disque, Dear Science, c’est d’abord deux “singles” potentiels, Dancing Choose et Golden Age, dévoilés avant la sortie de l’album, et laissant penser que ce nouveau disque allait changer pas mal de choses. Beaucoup plus funky, très énergiques, avec un Tunde Abimpe au chant plus saccadé, presque expulsé. Pourtant ces deux titres sont assez trompeurs. Tubes imparables et indéniables, ces derniers se révèlent être au final les seuls vrais ressortissants d’un son plus Funk, la nouvelle galette étant au final très TOTR dans l’âme. Pas de révolution donc. Ce qui évidemment, n’altère en rien à la qualité des (désormais) 5 illuminés.

Dancing Choose est affolant, démarre sur les chapeaux de roue, vitesse maximale, Tunde, seul, déballe son texte comme un dingue sur une rythmique épileptique. On gigote immédiatement du cul, on plie les bras et on danse le Jerk en se déshabillant. Vlan, le refrain en est le contraire, super soyeux, super aérien, sublime, tout en choeur. Il coupe tout, donne le temps de respirer, avant que la cavale folle revienne, hystérique.
On pense immédiatement à Subtle. D’ailleurs le titre aurait très bien pu faire parti du dernier disque de la bande à DoseOne sans problème. Pas étonnant quand on sait que Tunde a passé un an à poser sur les disques de la sphère Anticon et consorts, des précités Subtle à Odd Nosdam, en passant par Atmosphère.

Golden Age étonnera encore plus dans la direction prise. Base bien funky, dans le rythme comme dans le chant, handclaps bien cheaps, le morceau bascule dans un refrain encore superbe, encore aérien, qui fait intervenir une masse d’instruments (grosse liste dans les crédits) débarquant en paquet, tous ensemble. Ca s’envole, ça s’illumine, pour revenir aux fondations plus vicieuses des couplets. Tunde & Malone ont le feu au corps, ça susurre un énorme Oh Here it comes like a natural disaster / Ah blowin’ up like a ghetto blaster / Here it comes bring it faster / ah here it comes bring it faster ! avant que le morceau prenne definitivement son envol. L’arrivé du violon, sur la dernière exaction du chanteur, est sublime, et le tout hésite constamment entre gros tube et truc larmoyant.










Pour les sceptiques, Dear Science contient évidemment des brûlot à la TOTR. Red Dress en est sûrement le meilleur représentant, reprenant les bases du groupe, là où ce dernier sait se mouvoir à la perfection : La mandale gratuite, sans sommation, et distribuée avec un grand sourire. Le métronome, constamment percuté par une note cristalline un peu dub, permet au vocaliste d’être méchamment vindicatif. Bam le refrain débarque avec un rythme pachydermique ahurissant, les chanteurs hurlent à la lune et des cuivres impériaux renforcent la puissance du tout. Les couplets ne sont au final que de simples préparations à l’orgasme, pistes d’atterrissages pour ce Boeing majestueux qui déboule sur notre tronche.

Autre claque, encore plus pernicieuse, DLZ se la joue plus malsain, plus sombre, tout en restant imparable. La totalité du morceau est plongée dans un écrin intemporel, donnant un “espace” saisissant à la chanson. Au fur et à mesure que cette derniere avance, au grès des lalalalaaaalala du Tunde, l’apocalypse est doucement invoquée, provoquée, invitée par la grande porte. Les rythmes de Sitek (moins distinguables que sur les précédents disques, vu la foisonnance de ce dernier) s’emballent, crissent, implosent. Le chant devient dingue, balançant des Never you mind, death professor, my love is better ! completement possédés, pour une fin affolé et affolante, mourrant sur le sifflotement de la litanie candide du départ.

On pourra aussi compter sur le gros alien Shout Me Out pour se la jouer napalm sonore. L’amorce est pourtant très calme, petite pop song apaisée, sans grande dimension. Mais très rapidement, une grosse Drum & bass s’écroule sur vos oreilles, dynamitant les prémices du morceau, même si Tunde tente de suivre le coup en continuant de chanter comme si de rien n’était. C’est la grosse folie, ça pête de partout, on a même des Wouhou pleins d’échos genre free party au fond d’un garage. Break, les beats électro sont crades, la guitare se la joue fils barbelés, avant de repartir dans une course folle. La gratte fulmine, le rythme s’est oublié, et l’on fini dans un gros trip completement encrassé. Gros bonheur.









Mais beaucoup soutiendront, à raison, que TOTR, c’est aussi des morceaux qui font faire des noeuds à votre colonne vertébrale. Rassurons nous, il y en a pléthore dans ce Dear Science. A dire, vrai, c’est une tradition, tous les disques de la formation ont, en leur milieu, un petit chef d’oeuvre de dépouillement, une chanson qui ne se base sur rien ou presque, mettant en exergue les voix de Tunde Adebimpe et Kyp Malone, qui semblent nées pour être mêlées l’une à l’autre. Sur le premier disque, c’était carrément un acapela à arracher le coeur tellement c’était beau, et sur le suivant, une superbe chanson habitées de cliquetis métallico-tribaux. Dans la logique, Family Tree aurait du prendre facilement l’écharpe de miss alien beauté 2008. Manque de pot, cette jolie pièce est bien loin de ses anciennes camarades, n’apportant pas le surplus d’émotion légitimement demandé. Attention, c’est très joli, bien qu’un peu plan-plan, mais il n’y a pas cette alchimie sublime qui prenait automatiquement auparavant.

Pour les frissons, on ira plutôt s’adresser à Stork & Owl, sublime piste, hantée par des choeurs graves et un violon à tuer sur place n’importe quel sentimental. Le rythme rampe au milieu de tout cela, s’immisce en vrillant sur quelques secondes avant de repartir dans le néant.
Halfway Home, en plus énergique, ouverture du disque, offrira un magnifique shoegaze, avec les murs de guitares réglementaires et atmosphères diffuses. Mais là où le morceau tue, c’est dans ce refrain, lumineux, qui décolle en même temps que les guitares, histoire de planer au maximum en regardant la lune. Des à-coups genre marteau-sur-plaque-de-fer entérinent l’envie de survoler le monde, avant la déflagration finale, filant un coup de pied au cul, partant dans une conclusion rageuse.
Mais pour moi, l’Everest du disque, en terme d’émotion, est bien Love Dog. Difficile de réellement étayer le propos, tout est parfait, entre les hululements des deux zozos, le rythme rond mais bien présent, cette mélopée lâchée entre deux échos, taillée à la serpe. Tunde Adebimpe se fait poignant, ne forçant jamais, se laissant aller sur un morceau qui s’intensifie graduellement, avec un violon qui me broie les viscères dès son arrivée. Le moment où le titre laisse seul le duo cordes / voix pour quelques notes me fout la chair de poule, avant que le tout parte sur un manteau de reverbs sublime, qui s’amplifie, enveloppe tout votre être, pour se nécroser sur ce putain de violon, un peu salopé par une griffure indus.

Le disque se terminera sur un Lover’s Day, qui, comme le veut l’habitude chez TOTR, se prévaut d’être le titre le plus long du disque, partant bien en couille, dans un délire rock-free-psyché aux lyrics pour le coup bien salaces, relatant une partie de baise qui finira en Have the neighbors call the cops. La fin du morceau laissera un saxo se débattre pendant presque 3 minutes sur une marche militaire un peu droguée, avant que le groupe entonne un dernière bronca en coeur, renvoyant presque à certains essais d’Arcade Fire.











La réaction immédiate, et j’imagine presque naturelle, que j’ai eu en écoutant pour la première fois ce Dear Science, fut de me dire Merde, il n’y a (presque) plus le son bien cradingue qui faisait le charme de Totr. Autre grosse révolution, Kyp Malone a perdu la moitié de ses cheveux et de sa barbe (Ce qui représente environ l’ensemble de la chevelure des habitants de la ville de Paris) et chante un peu moins qu’avant, ou pas en meme temps que son compere, laissant donc Tunde Adebimpe gazouiller sur pas mal de couplets. Moins d’envolées lyriques donc, plus de textes balancés et scandés.
Mais on est forcé de se dire que les mecs se sont encore arrachés pour nous façonner un album grandiose.
Si l’on excepte l’assez morne Family Tree, le disque s’avère flamboyant, sublime, affolant, enlevé en diable. Le travail de production est énorme. Le son de TOTR est plus ouvert, plus clair aussi, moins expérimental, mais joue dans la continuité sans perdre de sa superbe. Peut être plus difficile d’accès car plus accessible (on se comprend), on vit la première écoute d’une façon un peu hésitante, avant de frôler la dépendance totale sur les écoutes suivantes : Les tubes barges sont toujours là, les cathédrales d’émotions aussi. Pire, cela dépasse même les espérances sur certains morceaux. (Les diamants Love Dog, Dlz, Red Dress, Stork & Owl, Golden age…)


Je m’y risque, Desperate Youth, Blood Thirsty Babes reste l’oeuvre majeure du groupe, et il est encore difficile de savoir si Dear Science aura la même aura que ces prédécesseurs. Ce qui est par contre évident, c’est que pour la troisième fois, les Tv On The Radio nous ont balancé un grand disque. Tout en confirmant désormais qu’ils ont la stature pour se placer tranquillement à coté des grands du rock indé actuel.



2008 est décidemment une belle année.











Tv On the Radio – Golden Age
Le réal a du prendre quelque chose de bien violent avant de faire clip







MP3 :


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Tv On the Radio – Golden Age clic droit / enregistrer sous









11 Titres – Touch & Go / 4AD Records
Dat’











Lone – Lemurian

Posted in Chroniques on September 25th, 2008 by Dat'


Beach and Boards (of Canada)






Difficile de trouver une electronica rêveuse, un peu Idm, un peu vaporeuse, parfois poignante, ces temps ci. La vraie, la belle, celle qui sort un peu de l’ordinaire. Depuis que Warp diversifie ses cartouches au maximum, que Planet Mu fonce dans le Dubstep ou que Rephlex semble presque définitivement atone, le genre est de moins en moins mis en avant. Trouver des disques ayant la “patte” des grands ( Boards Of Canada, Plaid, les Chris Clark) s’avère bien difficile dans un magasin rempli de joyeusetés en tout genre. Les Net-labels s’emploient à devenir la force nouvelle du mouvement, et l’on trouve encore quelques trésors dans les bacs ici et là, sortant sans faire trop de bruit (Mrs Jynx, Alias… d’ailleurs quand est-ce que son dernier disque va-t-il enfin débarquer chez nous ?)
Compliqué aussi de citer plus d’exemple de mon coté, ayant un peu lâché le truc, attendant patiemment le retour des patrons et me restreignant à tomber completement au hasard sur quelques bons disques, noyé dans une masse de productions pas super affolantes.


Lone, from Nottingham, a du méchamment baigner dans le moule décrit plus haut. Cela s’entend des les premières mesures du disque, des le premier frémissement de synthé. Pourtant ultra référencée, son disque m’a hypnotisé comme rarement par les temps qui court. Ce qui prouve que même avec une recette bien connue, on peut encore surprendre.















Et là, c’est le drame. Ce n’est pas une blague, je ne vais pas parler du dernier Summer Hit vol75, ne paniquez pas. Ce bel artwork estival (et une photo intérieure dévoilant une curieuse illusion d’optique au milieu de tahitiens) cache presque le contraire de ce qu’il semble annoncer. A l’instar d’un Shitmat balançant un disque de Hardcore ultra violent derrière une cover habillée façon compile tuning, Lone se la joue versatile :

A l’écoute, la filiation entre Lone et Boards Of Canada saute aux yeux. C’est presque instantané, immédiat, voir naturel pour ceux qui ont au moins une fois écouté le duo anglais Warpiens.






Il suffit de lancer un titre pour s’en convaincre, n’importe lequel. Prenons Banyan Drive. L’intro pourrait même sortir de Geogaddi sans problème. Même teinte de claviers, même atmosphère duveteuse emplissant vos esgourdes, et même nostalgie sous-jacente. Des nappes imposantes dealent avec des synthés cristallins. Petite différence : le rythme. Plus appuyé, plus sec, plus hip-hop. Il claque tranquillement, assaillit directement votre nuque, pendant que le tout virevolte et s’élève, chapeauté par un soleil vert. C’est super beau, un peu candide, un peu bucolique, un peu mélancolique. Cela n’a l’air de rien, et pourtant ça happe en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

Cali Drought optera pour le même manteau, en surenchérissant avec des handclaps bien placés, donnant un aspect super entraînant à une mélodie hésitant constamment entre jouer l’ingénue et la chagrinée. On pense aussi au dernier µ-ziq dans la façon de saupoudrer ses compos avec des claviers un peu malades, un peu crevés, un peu joyeux. Comme des zombies souriant en regardant des photos de leur défunte famille. Quand le titre s’illumine sur la fin, en flirtant avec les nuages, on est tenté de lâcher prise, de se laisser bercer par le beat bien présent, et la ritournelle diffuse.









Tout l’album est dans ce schéma, les morceaux sont courts, arrivent et repartent comme si de rien n’était, s’effacent dans un fondu discret pour laisser place au suivant. On se retrouve dans une valse lumineuse mais chagrinée. C’est profiter d’un joli moment présent tout en étant étranglé par un vieux souvenir inspirant quelques regrets. Marcher sur une plage de paradis en pensant que l’avion est à prendre dans deux heures, qu’il va falloir plier bagage dans l’urgence, lâcher son dernier moment d’évasion, serrer une dernière fois la belle autochtone rencontrée au détour d’un lit de coquillages. Puis on regarde le tout du coin de hublot, souriant une dernière fois de voir cette île s’éloignant, emportant avec elles tous les bons moments que l’on a pu passer dessus, s’éffaçant au profit d’une couche de nuages de plus en plus impénétrables. On se dit que l’on aurait du plus profiter, moins tergiverser. On tient son appareil numérique comme un forcené, à faire défiler toutes les photos bardées de sourires, pour se résoudre enfin à avaler un plateau repas dégueulasse.

Girl commence sur une boucle, finie sur la même. Entre temps, un clavier cristallin aura distillé sa petite mélopée poignante, avant de se barrer à son tour vers d’autres horizons.
Certains titres sont plus exubérants, à l’instar de Maya codex, bénéficiant d’un beat pachydermique et de boucles virevoltants, scintillants comme de l’écume s’écrasant au ralenti sur un rocher. Ou Borea, très hip-hop dans l’âme, passant de notes de piano noyées dans du coton à une grosse ligne de basse parfaite pour balancer sa nuque un petit coup. Le tout toujours chapeauté par des fantômes étreints par l’amertume.

On pourrait aussi parfois penser à un Madlib qui aurait troqué ses vieux vinyles crépitants contre un disque de Boards Of Canada. Oui, Boards Of Canada encore. Mais que voulez vous, en plus d’avoir un son assez comparable, l’album lui-même adopte une structure quelque peu similaire. Enfilade de nombreux titres, ambiances délétères et petits interludes mystérieux et sereins. Korean Angel, Green Sea Pageant, Atoll Mirrored, Buried Coral Banks ou Sunken seront là pour en attester. On fait tourner des claviers, rien de plus, pour des mini-pieces faisant le lien, assurant un rôle de pont, entre chaque poignée de plus gros morceaux.










Difficile d’en dire plus, vu que l’album est extrêmement homogène, parfait pour la rêverie, et qu’il est difficile, même en l’analysant un peu, de ne pas partir dans un trip, les yeux à moitié fermés, à rêver de tranquillité, de ciel, de nuages, de pluie, de plages, d’endroits vierges et sereins. Que cela soit sur une plage écrasée par le soleil ou sur une pleine enneigée, blanche comme la mort. Tiens, au final, l’artwork n’est pas si trompeur que ça. Que cache la demoiselle derrière ses larges lunettes ? Peut être se balade t’elle, elle aussi, sur une plage en ravalant ses sanglots. Sentir ses larmes sécher au soleil, avec un sourire se dessinant sur le visage de se sentir bien malgré des souvenirs qui assaillent.
Ce disque de Lone s’écoute comme un dernier jour de voyage. Où comme bande son d’une fresque de pensées brassant de bons moments passés. L’heureuse mélancolie.



Pour être plus terre à terre, ce Lemurian est presque la synthèse parfaite entre Boards Of Canada, Prefuze73 et le dernier µ-ziq. Rien que ça. Evidemment, l’album ne se prêtant pas d’avoir la dimension de ses derniers. Il n’aura de toute façon jamais le même “poids” musical. Mais le tout est tellement bien fait, tellement bien tenu, qu’il se pose comme un album à écouter obligatoirement pour les amateurs des références précitées.



Il est de toute façon tellement rare, ces temps-ci, d’avoir un disque mêlant si bien mélodies rêveuses et rythmes mi-hiphop mi-electronica, qu’il serait dommage de ne pas se pencher dessus.



Chaudement recommandé.











MP3 (extraits, titres non entiers donc, mais parfait pour se faire une idée) :



Cali Drought clic droit / enregistrer sous

Interview At Honolulu clic droit / enregistrer sous











17 Titres – Dealmakers Records
Dat’











Boredoms – Vision Creation Newsun

Posted in Chroniques on September 20th, 2008 by Dat'


Newsun







La discographie des Boredoms est semblable à un vrai grand huit. J’avais un peu parlé de leur période déglinguée, entre ultra violence et débilité effarante, avec en point d’orgue le disque Chocolate Synthesizer. Mais ces Japonais ont justement, après ce disque, viré sur une trajectoire bien différente, étonnant par un changement presque radical, bien que perceptible en écoutant toute la série des Super Roots, gros Ep lâchés en parallèle aux “vrais” albums.

Bef, d’un maelstrom débridé constamment explosé par des changements de rythmes et autres trouvailles rigolardes, on est passé avec Super Ae à de vraies fresques psyché-rock-prog, noyant notes de guitares et hululements de Yamantaka Eye dans des échos affolants. Et cela sans oublier quelques digressions expérimentales ou autres phases renvoyant à des Mr Bungle plongés dans la voie lactée. On en reparlera.

Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est ce qui arrive après ces délires spatio-temporels. Le groupe s’est alors (évolution naturelle ?) engouffré dans une brèche droguée assez affolante, cristallisée entre autre par ce Vision Creation Newsun, dernière balise avant que le groupe s’abandonne réellement dans des trips quasiment insondables (d’ailleurs le 8 août dernier, ils ont refait un concert avec 88 batteurs ( !?!) dans un parc de Brooklyn, après les 77 de l’année précédente).



Ce Vision Creation Newsun, c’est comme si le groupe avait une illumination, une soudaine envie de s’extirper de leur enveloppe corporelle, d’utiliser leur cerveau pour atteindre les lisières de la conscience. Apres avoir désintégré leurs cerveaux à coup d’assauts absurdes et régressifs, ces derniers semblent finalement plus enclins à tester la near death expérience, à franchir des dimensions parallèles à l’aide de prières extatiques. Brûler doucement à mesure que le soleil approche, observer ses propres lambeaux de peau virevolter dans l’espace, tout en riant comme des damnés.

















Pour l’anecdote, ce Vision Creation Newsun est le seul disque des Boredoms qui n’a pas pour pochette des collages zarbs, des dessins naïfs ou de belles fresques. Ici c’est une photo, concrète, présentant un soleil éblouissant, thème central de ce disque, voir d’un pan entier de la carrière du groupe. Le tracklisting lui sera completement abscons, les chansons étant représentées par des symboles. C’est aussi dans cette pochette qu’est tiré la sublime photo/poster où l’on voit Yamantaka Eye littéralement s’envoler, tenu par un fil de micro imprimant une courbe parfaite. Une image fascinante, presque incroyable dans sa prise de vue, et dans la perfection du mouvement capturé par l’appareil du chanceux ayant pu graver l’instant (rappel sous la balise) :








New Sun ! C’est par ce murmure que le marathon Circle aka Vision Creation Newsun, ode de 13 minutes à la transe collective. Eye balance des sun sun sun lointains, noyé dans un océan de larsens, de percussions étouffées. Tout est doux, presque en horizon, ça s’agite à mort, mais sans pénétrer dans notre espace vital… Grosse montée, accélération de cymbales, saturation aigue qui t’envoie au paradis, explosion, un rythme de folie débarque comme si une tribu de 30 allumés matraquait leurs percussions, une guitare lâche une mélodie instantanée, et le groupe assène un gimmick qui, à l’instar du “Acid poliiiice”, reste dans toutes les mémoires des amateurs du groupe : Vision creation newsun ! Vision creation newsun ! Vision creation newsuuuuunnn !. Les guitares tonnent, la saturation revient, comme l’accélération folle d’une machine qui tourne sur elle-même jusqu’à l’explosion, ça porte au coeur, à la tête et au corps, avant de se retirer, et de nous laisser sur un lit d’impulsions folles, un break tribal completement flambé, qui tient autant de la Drum & bass que de la cérémonie au fin fond de l’Amazonie.
Le puit est sans fond, le mental déjà aliéné, persécuté par ses superbes oscillations électroniques. Mais voila que le groupe revient en force, avec cette ligne de gratte qui part en vrille et ce slogan martelé du haut d’un nuage, tout se mélange, on attend des proportions de bordel extatique presque indescriptibles, la conscience est arrachée, l’enveloppe charnelle ne se transforme qu’en sas permettant de relier l’âme à la musique, des hippies se font percuter par des comètes, les étoiles implosent dans une myriade de couleur, on est aveuglé par le soleil, étouffé par une couche de percussions haute comme l’empire state building, y’a des grillages qui sont frappés, un piano qui tente de se débattre, des scriiitchfiiiz dantesques, des animaux qui font du bruits, un grondement qui nous renvoie au centre de la terre. C’est la folie, on n’existe plus, submergé par une allégresse presque pétrifiante cristallisant presque le trip ultime, celui qui te donne envie de crier de bonheur en courant à poil en contresens sur l’autoroute. Vision Creation Newsun, c’est accepter que son cerveau soit assiégé par dix milles tambours et une guitare tarée, le tout hosté par un allumé mental qui parle de soleil sans discontinuer. Ce n’est pas la fin beaucoup plus apaisée qui nous écrasera violemment dans le monde réel, mais une digression bien massive qui va débarquer, annonçant un deuxième morceau presque aussi dantesque.










Star sera moins cavalière dans son déroulement que sa grande soeur, mais se présente comme le deuxième tour de force du disque. Ce mélange de synthés super aériens et de cette saturation grave mais au combien gracieuse (aucune agression à l’horizon) va se faire pilonner par une batterie completement hystérique, au groove affolant, accompagnant les paraboles droguées d’un tableau en constante mutation. Tu te mets tout en haut de la tour eiffel, tu tournes sur toi-même jusqu’à avoir la gerbe qui titille ta glotte, puis tu sautes dans le vide, les yeux injectés de sang. Le tout sous Lsd. On plane comme jamais, avec une distorsion des perceptions poussée au max, et un rythme dingue qui se substitue aux battements d’un coeur près à se voir aplati contre le béton.
Vlan, ENORME rupture, un synthé hérissé déchire ce rêve affable avec un fracas aberrant, comme si un train débarquait dans nos synapses en faisant hurler sa sirène, en tranchant le vent façon pièce de boucher, tout explose, tout se nécrose, se rembobine, accélère, part en vrille. La notion même de musique est fracassée en mille morceau, piétinée par des dingues qui ont eu l’idée absurde de faire passer un TGV au milieu d’un champ de blé, ou de mettre un bus en travers d’une course de F1 sans crier gare, et observer le résultat apocalyptique en perdant son âme. Le plaisir est absolu, le souffle est coupé. On n’a toujours pas pigé ce qu’il se passe que la marche du début revient, avec des fûts qui harcèlent les hanches, la vie reprenant son droit, comme si rien ne s’était passé.









On passera sur Heart, assemblage de rythmiques et d’oiseaux qui tourne un peu en rond, pour débouler sur Spiral portant bien son nom, avec Eye qui susurre des Chachachacha et autre phrases incompréhensibles, avant que le titre bascule dans un trou noir hallucinant, bourré de reverbs, de batteries matraquées et de guitares qui jouent en long, large et diagonale. On chute, on chute, le marasme est gigantesque, comme aspiré dans un tube par une force trop grande, à errer dans un gouffre avec un tsunami au dessus de nos têtes et un vent de 300km/h dans les oreilles. Vlan la gratte part en couille, portée par des saturations aliénées pour une dernière bronca, avant un calme presque olympien.

Le calme, Tilde le cultive sur son premier tiers, avec une simple batterie lâchant une Drum & bass très aérienne, légère, presque timide. Deux trois effets, des oiseaux qui volent, un bruit de rivière, lumiere : Le rythme devient super enlevé, flirte avec la transe paisible, miracle, une guitare acoustique débarque et balance une mélodie latine étirée, paisible, se greffant pourtant à merveille sur la base escarpée. C’est super beau, loin des montagnes russes des titres précédents. Parfait pont pour Two Circles au début tout aussi apaisé et acoustique, les percus se laissant petit à petit englober par des bleeps électroniques, avant de déboucher sur un nouvel habillage tribal, avec des synthés lunaires, presque pop, qui s’enroulent à n’en plus finir. Le morceau, de plus de 7 minutes, ce la joue ascenseur, sans escale, sans étape, il monte, il monte, les synthés se transformant en déchirures étranges et des murs de guitares électriques se substituant graduellement aux atmosphères douce du départ, façon shoegaze vu par une bande d’incas allumés.
Le soufflé retombe encore, Arrow Up se range, gratte acoustique de nouveau, noyée, dub-isée cette fois-ci dans un océan de reverb, Yamantaka Eye qui revient enfin au micro pour quelques borborygmes, ya des phasers dans tous les coins, ça fait piiiiouuuu et fiiiiiizzzz et parfois zzziiiouuuuuummmmm, le tout devient imparable, pop song complément stone, comme si Panda Bear avait demandé que l’on remixe son disque avec les bruitages de la guerre des étoiles. Larsen infâme mais au combien jouissif, on retrouve Eye et sa copine à 6 cordes pour une conclusion toute fragile.








Omega va renvoyer aux ambiances de Super Ae avec ce début mystique, façon musique de temple, les Boredoms lançant des prières bizarres sur des rythmes indiens. Les grésillement psychédéliques reviennent, emportent tout, nous embarquent dans un paradis maculé de drogue, les boucles d’effets prenant toute la place, se déroulent tranquillement, laissant à peine surnager les deux trois exclamations des musiciens. Ça dure tout le morceau, comme une piece Noise ambiant, dénuée de toute violence, de tout rythme. Rien que des effets, des synthés, des volutes qui s’étalent, envahissent vos tympans, vous font planer, cassant toute notion de temps et d’espace. Silence. Etrange. Seul silence du disque depuis le début, les chansons s’enchaînant les unes avec les autres. Le silence est long en plus. Presque 45 secondes. On croit que le disque est fini.
Pourtant Zutto débarque à pas de loup, avec ces éternels tambourins, marchant main dans la main avec une voix modifiée, genre vocoder cassé. C’est super paisible. Les notes de guitares s’égrènent avec timidité. Limite tu prends ta guitare, un pote qui tape sur des bouts de bois, et tu joues pépère autour d’un feu, en buvant une bière et en refaisant le monde. Bon il y a le zozo du fond qui a trouvé où brancher sa machine à torturer les sons, mais quand même ça reste super serein. Même quand la pédale à effet se fait de plus en plus présente. Avant le vrai silence, habillé de quelques notes presque trop seules.











Le disque fait tout pour nous envoyer dans les stratosphères. On oublie toutes les considérations personnelles, on se laisse aller dans une transe mentale, à tourner sur soi-même en riant aux éclats, surfant sur les étoiles, courant dans la jungle, fonçant vers le soleil les bras grands ouverts. Le disque, si l’on excepte le dernier morceau, ne s’arrête jamais, avance par strates à chaque nouvelle étape, pourtant bien différentes les unes des autres. C’est une longue dérive extatique, completement allumée, qui commence sur les chapeaux de roue, qui envoie une vraie mandale tribalo-psychotique, pour petit à petit flirter avec les nuages.



Les morceaux se présentent presque comme un vrai processus spirituel sous psychotrope, une longue descente, un apprentissage de la sérénité viciée.
Les Boredoms avaient l’habitude d’avoir pour rythme des casseroles et sonorités lo-fi pourries, comme l’en attestait Chocolate Synthesizer. Ici, la section rythmique est ahurissante, entre armée de percussions ou batteries flinguées, hystériques et matraquées à la vitesse de la lumière. Le tout est tellement entraînant, jouissif, mystique que l’album est ravageur dans son entier. Une tribu de cent hommes qui se mueraient en rouleau compresseur géant, chaperonné par des digressions au relief presque démesuré.




Ce Vision Creation Newsun cristallise presque le trip ultime. L’abandon total de soi, le coeur épousant les rythmiques affolante du disque, et la tête plongée dans l’épaisse cathédrale sonore qui lie votre conscience au soleil.


Distorsion des perceptions, annihilation de la notion du temps. Ouaip, on frise le trip ultime.












Attention, l’effet de la video + musique est doublé apres 24 heures sans sommeil












9 Titres – Birdman Records / Warner Japan
Dat’









The Avalanches – Since I Left You

Posted in Chroniques on September 20th, 2008 by Dat'


Justification du temps qui passe…






Rares sont les disques qui vous accrochent des années entières, traversant les années bahuts, la fin de l’adolescence, les prémices de la vie adulte. Le disque qui vous accompagnait en passant la grille du lycée, avant de se faire épingler par un pion névrosé. Puis à la Fac, pour passer un lendemain soirée étudiante avec une tête ravagée, mais zébrée d’un large sourire. Enfin avant d’aller au taff, illuminant un métro morne, donnant un peu de courage avant d’aller tapiner mentalement avec son boss pour avoir quelques jours de congés.

Difficile de trouver un album pareil. Il faut que le disque se découvre sur des années, paraisse évident sur la première écoute pour accrocher directement, mais assez riche et complexe pour assurer une quasi-constante découverte. Cacher des trésors sous-jacents savamment distillés aux grés des écoutes pouvant s’étirer sur toute une vie. C’est rare de se dire, 6 ou 7 ans après la découverte d’un disque, et après un demi milliers d’écoutes : « putain je n’avais jamais perçu ce passage comme ça, c’est énorme ! » et écarquiller les oreilles et les yeux comme un con, alors que vous bassinez votre entourage avec ce disque depuis des lustres.





Je veux dire, on a tous des albums dit cultes, “favoris” (je ne trouve pas le terme exact), mais la donne est différente du cas exposé au dessus. Par exemple, on ramène une discussion sur le Mezzanine de Massive Attack, ou Goodbye Country, Hello Nightclub de Groove Armada, qu’ils seront vite érigés pour moi comme des albums cultes, que je connais par coeur, qui a explosé ma façon d’écouter la musique. Des trucs qui arrivent en pleine boulimie musicale, en pleine amorce de nouveaux styles fraîchement “acceptés” par vos cerveau, oeuvres jonchant et balisant graduellement votre vie musicale. Genre “Ouai, en 98, Massive Attack a ouvert une nouvelle porte dans mes tympans, j’étais tout fou“. Le truc qui reste ancré à jamais, même si l’on délaisse parfois le disque. On ne l’écoute plus trop, mais il reste, il trône. C’est d’ailleurs celui là dont on parlera à nos mouflards dans 30 ans, qui nous traiteront évidemment de vieux cons radoteurs surannés, avant d’aller prendre de la drogue de synthèse dans les boums du futur, en maintenant que les disques, c’est quand même moins pratique que le lecteur Mp8 intégré dans l’oreille interne. Sales gosses.


Mais il y a une autre facette de disques “majeurs” dans sa vie musicale, au moins aussi importants que ceux exposés si dessus. Des galettes qui vous ont marqués, mais qui continuent à s’infiltrer dans votre cortex des années et des années après le premier rencard. Impossible de vraiment les citer lors d’une discussion d’albums cultes. On n’y pense pas. Logique, ils ne sont pas affiliés à une date précise, car ils continuent de faire leur travail de sape. De pervertir une a une vos synapses, de créer une dépendance qui court sur 10 ans. Ils sont actuels. Pas dans les dates, mais bien dans votre écoute. Dans vos goûts. Ils n’ont pas balisés ses derniers, mais ils les épousent, se révélant assez protéiformes pour mûrir, s’ouvrir, muter en même temps que votre appétit musical.
Ce qui me pousse logiquement à parler de The Avalanches, avec un article qui me trottait dans la tête depuis pas mal de temps. Normal, quand on est parasité de la sorte par un album.



















L’histoire du disque des The Avalanches est assez drôle. La pré-version, forte d’une centaine de Samples, et faute d’autorisation, a été retirée en urgence avant que le disque sorte dans le monde entier 2000. C’était avant que le missile des 2 many Djs popularise l’exercice comme jamais, avant la maison de disque de Britney Spears soit prête à filer du fric pour qu’un morceau apparaisse dans un disque de Mash-up. Le disque est refait et ressort début 2001. Certains parties sont effacées, d’autres rejouées. Cette version traîne à prix d’or dans certains magasins adeptes de rareté. Ne cherchez pas le coté Blind Test partouzeur géant, ce disque, a l’instar du premier Dj Shadow, construit des morceaux, de vrais morceaux, à partir de sources obscures parfois bien inconnues. En écoutant Since I Left You, on en identifie une demi douzaine tout au plus. En lisant la liste (les yeux rendent l’âme tant c’est écrit en petit) présente dans la pochette, on en distingue à peine plus.









Le tour de force de The Avalanches c’est de nous faire oublier, des le premier titre, que le disque repose sur du Sampling compulsif dans une démarche semblable à nos excellents Birdy Nam Nam sévissant quelques années :
Since I Left You, morceau titre et ouverture du disque, étonne. Parce qu’il fait presque office d’alien à la première écoute. Et qu’il se révèle tout simplement comme une vraie composition, un morceau pop tout guilleret, qui se révèle en amont être une vraie pyramide de sons et samples. La voix charme, les beats courent en second plan, les bouts de dialoguent copulent, la flûte nous fait voler dans le ciel, donnant un tout foncièrement optimiste. On a envie de sourire, d’ouvrir les bras en dansant dans les feuilles mortes et se rouler nu dans l’herbe. Pourtant le rythme est bien présent, prend de l’ampleur, sorte de break compressé, avant de se retirer par vague, laissant les violons faire la ronde autour de la chanteuse. Faire attention. Une ambiance commence à se faire entendre, à parasiter cette jolie litanie (accompagnée, à sa sortie d’un superbe clip), révélant l’autre force de ce disque : ses transitions.

Dans cette jungle de sons, les ambiances fluctuent de pistes en pistes, tout en gardant une évidente cohérence. C’est assez drôle, pour passer d’un morceau à un autre, le disque donne l’impression de nous faire passer d’une salle à une autre, comme un Macumba géant reliant vingt salles par des couloirs. On quitte une ambiance pour débarquer sur une autre, mais entre temps, un sas, où la musique se fait sourde, permet de délaisser une fête pour embrasser la suivante. Comme à travers un mur, le son, assourdit par le béton, se fait de plus en plus clair au fur et à mesure des pas, avant d’éclater en pleine gueule à l’ouverture de la porte.

Stay Another Season laisse la chanteuse précitée s’éteindre, chanter au loin, alors qu’un hiphop latin fait son entrée, joyeux, bien balancé, pour chuter sur mélodie belle comme la nuit, à te tirer les larmes. Le beat reprend son entrain, un piano s’envole, un hennissement de cheval sert de scratch (??), c’est beau, ça tue. On change de salle, Radio fout une mandale House-electro, vrai tube, permettant de faire le beau en claquant des doigts. Grosse saturation, instruments giclant de partout, un sample vocal (semble t’il la même voix que sur le premier morceau) transforme le titre en hymne, ça fourmille de détails, ça change tout le temps, tout en nous en nous donnant une insatiable envie de danser.
Et l’enchaînement cultissime continu, enfilant les phases comme des perles, entre ce Two Hearts in ¾ Times qui démarre sur un vieux jazz crépitant pour partir dans une trip-hop song lumineuse, pleine de courbes, avant d’échouer sur une drum & bass soutenue et hargneuse.
Dégagé de toutes préoccupations de style, le disque passe d’un interlude Hip-hop lardé de scratchs à une grosse pièce électro, rouleau compresseur tubesque qu’est Flight Tonight| tabassant avec ses basses énormes, des yeeeaaah très rave et ses bleeps acid. Tiens, le morceau se ralenti, les breaks s’emballent, et l’on part dans un hip-hop bien déstructuré, habité par le Saïan Supa Crew ( ?!? ), pour débarquer sur Close To You dans une électro déjantée, super joyeuse, bourrée d’instruments, de trompettes, de scratchs, de conneries, de dialogues, de rythmes pachydermiques. C’est la grosse fiesta, ça explose de partout, et ça repart dans un refrain pop à faire frémir, pour finir sur un coup de crosse escarpé et rigolard.









The Avalanches arrivent même à nous arracher la colonne vertébrale sur certains morceaux, comme A different feeling : le Funk barré ouvrant le titre, bariolé de couleurs, laisse une jolie voix s’immiscer dans la transe. Un synthé effarant débarque, décrit une grosse parabole et vous soulève dans les airs. C’est énorme, on hésite à lever les bras en criant ou à regarder ce tableau défoncé prendre vie, partir en vrille, amuser et fasciner dans le même mouvement.
Et Vlan, tout s’effondre, un piano et un violon débarquent pour cracher une mélodie sublime. Ils s’enlacent, ils montent vers la lune, épouse un rythme qui revient à la charge, pour s’éteindre doucement. Une chorale débarque, chant cristallin, les anges se posent, ouvrent leurs ailes, et défoncent les portes d’un paradis se révélant en Nightclub puant de sueur, basculant sur un gros tube imparable, charclant les voix célestes sur un dancefloor mué en échafaud. Au fait, on est déjà sur Electricity depuis quelques temps et tout le monde fait du roller en maillot de bain sur les plages de Miami.

Tous les morceaux ont cette petite touche géniale, agissent comme de vraies compositions à tiroir, déversant des idées au kilomètre, sans jamais casser la dynamique du morceau, ni de l’album en son entier. Du Etoh que n’aurait pas renié Dj Krush, à la pop bizarre et cassée de Summer Crane, en passant par le jazzy-flingué-piano-bar Tonight May Have To Last Me All My Life, on change de bord sans modifier le cap, avec le sourire toujours bien imprimé sur la gueule.










Le point d’orgue de ce disque est bien évidemment Frontier Pyschiatrist. Ce morceau, c’est un peu LE tube ultime des Australiens, voir celui d’un abstract ode au sampling, et l’un des morceaux les plus énorme qu’il m’avait été donné d’écouter il y a 7 ans. A rester sur le cul. La cathédrale du détail sonore, une espèce d’épopée débile et jouissive. Cette derniere est construite comme un morceau d’ electro-hiphop ultra barré, avec comme seuls lyrics des bouts de dialogues qui se percutent, se répondent et forment un véritable texte, chevauché par un rythme dantesque et des scratchs qui partent dans tous les coins. La piste est échafaudée avec une multitude de bruits, de sources, d’instruments ou de bruits bizarres, un Où est Charlie ? musical sous Lsd.
Les violons déboulent, les échos perdent les beats dans des déflagrations psychotiques, les dialogues pourris deviennent géants, les choeurs te filent la chair de poule, les beats font trembler les murs, des chevaux hurlent, les vinyles grillent, des pistolets tirent, ça part en couille total, ça fuse de partout, c’est juste gigantesque. Quand le tout se calme, c’est pour laisser place à l’échange le plus débile qui soit ( Can you think of anything that talk, other than a person ? / a bird ? / Yeah sometimes birds are funny when they talk, can you think of anything else ?), prétexte à une vraie décharge de turntabilisme, gros passage scratché qui ravira les amateurs du genre. Comment conclure un titre pareil ? Facile : en invitant des mexicains pour taper un bout de gras musical ( ?!?).
Pour une idée plus précise du tout, mieux vaut se jeter sur le clip en bas de page. Vidéo juste géniale d’ailleurs, tous les sons étant associés à un acteur, comme si les samples revenaient à la vie, boite à rythmes humaine, pour une espèce de pièce de théâtre musicale régressive, au moins aussi énorme que le morceau en lui-même.


Le disque se finira sur deux gros titres : Le tsunami du disque, aka Live at Dominoes, énorme claque électro, reprenant pour base le My Baker de Boney M, pour lui filer un gros coup de boost avec des basses bien crades, des voix aux vocoder, saccades un peu trance et des montées à tuer toutes les hanches de la terre. Tu le passes n’ importe où, le monde deviendra de toute façon fou. Ce titre devrait être l’arme secrète de tous les Dj de la planète.
Extra Kings démarrera lui sur une ambiance toute tristounne, pour laisser partir une mélodie toute jolie, toute candide, se promener en claquant des doigts. C’est beau, on a la tête dans les nuages. Un orchestre débarque, avant que la base enfantine parte dans un trip enfumé, psychédélique, entre expérimentations droguée et vinyle ralenti cent fois.











C’est assez difficile de trouver des qualités objectives à un disque que l’on porte dans son coeur depuis des années, vu que l’attachement devient presque plus sentimental que rationnel.
Mais c’est aussi pour ce que j’expliquais en amont : Le disque, tellement foisonnant, tellement riche, se découvre à chaque écoute. On remarque une trompette que l’on avait jamais entendu avant, on comprend tout à coup un dialogue pourtant anodin de prime abord, on se marre sur un zigouigoui pourri caché derrière une masse de sons, on se plait à défricher des sentiers que l’on n’écoutait que d’une oreille distraite.


Mais surtout, le disque est calibré d’une façon quasi parfaite. Je m’étonnerai toujours de l’arrivé du violon sur Frontier Psychiatrist, du piano sur A different Feeling. De chaque transitions, amenées comme des sas de sécurités, laisser perler des basses sourdes sourdes avant que la piste éclate d’elle-même.
Le disque n’est jamais, au grand jamais, frustrant. Il y a un démon dans la construction des morceaux. Malgré le coté bordélique du disque, les beaux moments ne sont jamais détruits en vol, ils se développent, ne se dérobe pas avant que l’on ait bien profité d’eux. On ne tombe jamais dans l’assemblage orgiaque de samples, tout est distillé de la meilleure des façons.
Les morceaux sont superbes, ou se transforment en véritables tueries, sans jamais sombrer dans la démonstration technique (un miracle, vu le postulat de départ de l?album). La partie de Lego initiale se transforme des les premières mesures en véritable édifice de charpentier.
On se marre, on pleure, on plane, on découvre, on s’extasie, sans se prendre la tête une seule seconde. Les saisons passent, mais on s’esclaffe toujours autant sur Frontier Psychiatrist, on lève toujours les bras sur Live at Dominoes, on s’extasie comme un nouveau né sur les revirements de A Different Feeling, on sautera encore sur Radio avec son dentier et sa canne.



Ce plaisir est assez vicieux pour vous ensorceler sur des années, et pour, au final, ne jamais vraiment vous lâcher.
Pour sa richesse et son inventivité évidemment, mais surtout par sa construction globale d’une justesse infinie. Impossible de parier qu’un album avec des fondations totalement ancrées dans le pillage de sons puisse au final s’affranchir autant de sa base, et proposer un truc aussi barré, prenant et beau.

Un grand, grand disque.


Il est simplement difficile de savoir si ce sont les années, le coeur ou les oreilles qui parlent.














The Avalanches – Frontier Psychiatrist























18 Titres – Modular
Dat’











Les Gourmets – Soyons Sales

Posted in Chroniques on September 7th, 2008 by Dat'


…mais restons mariés







En ouvrant le menu, Les Gourmets, c’était d’abord un énorme album filé gratuitement sur le net il y a 4 ans, Le plus gourmand des gourmets, limite flippant tellement le truc balayait la majorité de ce que l’on pouvait entendre sur le même horizon. Gros délires vocaux, prods drôlement bien foutues et surtout textes qui semblaient jouer au concours de phrases cultes, à faire pleurer le meilleur des champions de la rethorique. Difficile de sortir un grand moment de la galette, tant le tout frisait la perfection dans le genre. Filer ça gratos, c’était un peu comme te vendre un appart sur les champs pour 30 euros, putes, coke et charges comprises. (Ça serait drôlement cool qu’une version Cd sorte un de ces jours, d’autant plus que ce dernier a mystérieusement disparu du net depuis quelques temps…)

Bref, 3 Mc, assez complémentaires dans leur manière de torturer les cordes vocales, avec un Krimen prophétique, un Liqid versatile et un Morbac irrattrapable, genre écoute-ma-phrase-yen-a-5-autres-qui-arrivent-dans-la-demi-seconde. Le tout supplanté par deux paysagistes sonores Tcheep et Bonetrips.
On aurait pu dire que l’histoire était sympa, mais qu’il fallait pas déconner, difficile de jouer la constance. Que nenni, le premier “vrai” disque du groupe fait très mal, entre les morceaux cathédrales comme Trop jeunes pour mûrir (morceau titre), bordels imparables façon Réactifs et lyrics marqués au fer rouge (woutch le couplet de Liqid sur Intervalles de sécurité )
Depuis pas grand-chose, si ce n’est de gros lives (aidés par un Bonetrips bien barge), que cela soit dans des salles cradingues de Paris, ou un peu partout sur Lyon…



















L’annonce d’un nouveau Mini-album (ou gros EP, à voir, 45 minutes de musique tout de même) avait donc forcement de quoi titiller mon coeur tout mou. Surtout quand la liste de feat se dévoile, entre grosses têtes du hip-hop indé et compères de label. On prend sa respiration :
Grems, Sept, dDamage, Radioinactive, NIL, Existereo, TES, Seth Gueko, Carmen Maria Vega… j’en passe et des meilleurs…

Petite explication sur la forme de l’album, qui peut surprendre : le mini album de base, de 9 morceaux, est disponible en digital, un peu partout (Beatsource, Fnacmusic, Itunes… 5 ou 6 euros environ). Un vinyle est aussi de la partie composé de 4 titres.










Deuxième petite particularité, le morceau titre est décliné en trois versions, disséminées en début et fin de tracklisting. Attention, ici, pas de remix fainéants pour bourrer facile ou tester sa nouvelle Mpc, on sort la grosse artillerie. J’y viens. Soyons Sales remplie parfaitement son office de morceau frontal, glissant sur une instrue hésitant entre Knight Rider et drug party épileptique, pour accoucher d’un titre à la fois hymne à gueuler sur les berges du Rhône et mandale cradingue.
Soyons rassurez : Morbac viole toujours autant le cerveau à chaque couplet.


Mais utiliser le terme de refonte pour le Soyons Sales Cypher Version c’est surtout pour le prétexte de rameuter l’une des plus belle brochette de feat qui m’a été donné de voir depuis un bail sur un disque chié par des français : Existereo, Radioinactive, Subtitle, Tes & Bigg Jus. Ok. Le plus le drôle c’est que les Mc partagent tous un flow assez cadencé et tranchant, donnant au tout une facette encore plus convulsée. Existereo et Subtitle font toujours autant le ménage, à croire qu’ils n’ont jamais été aussi en forme depuis qu’ils posent chez des français. L’instrue n’est pas en reste, car si cette dernière garde sa base première, elle se permet de flamber sur des passages plus aériens, et laisse pointer quelques synthés presque trance sur certaines attaques déclamées la bave aux lèvres. Gros morceau.

Et quand on veut faire le remix de la refonte (…) on convie les saccageurs de service aka dDamage pour Stay Dirty Now!, déjà passés maîtres dans la destruction de morceaux hiphop, sans retenue aucune pour clore l’album. On rajoute même un mec à la fête en la personne de The Real Fake Mc, habitué de certains labels Lyonnais. Les deux zozos de dDamage poussent même le vice de jouer les terroristes sur 8 minutes 30, tout en progression. Beat Hiphop ultra massif, zébré de saturations bien sales sur les deux premières minutes, le morceau va vite virer en Breakbeat flingué, avec des voix qui commencent petit à petit à vriller, exploser à chaque agression de machine. Le signe ne trompe part, le rythme s’emballe, vocoder à poussé à fond, on part dans un tunnel qui t’envois direct dans la stratosphère, ça monte, ça crisse, avant d’échouer sur un métronome techno-electroni-concassé, finissant d’éclater les survivants à coups de pelle. On frôle la sauvagerie pure sans jamais franchir la limite, les murs tremblent, les phrases sont explosées, répétées, triturées, bribe de mots giclant dans nos tympans pour simple repère, avant la dernière offensive de rigueur. Epique.











Bon, il ne faudra pas éclipser ce que l’on peut trouver entre l’ouverture et cet assassinat sonore en règle. Avec Lèche Vitrines, Les Gourmets s’étalent sur l’un de leur domaine de prédilection : balancer des textes rehaussés au du vitriol. Sorte de pendant au “Le métier rentre” de la première galette de la formation, le morceau égratigne à coup de barbelés les filles “qui se sentent belles depuis que Paris est ton modèle “. Beat cradingue et sautillant, vocaux balancés en mode Tgv, baffe cinglante à chaque phrase, le titre va basculer, après un break habité par un H.Dictate façon crooner, dans un trip halluciné, entre du Ratatat débauché et kitscherie électronique : Nappes spatiales qui s’envolent sur une guitare cramée, le tout mâtiné de scratchs. La conclusion est jouissive, on croirait le tout completement hors propos à la première écoute, avant de comprendre que tout s’imbrique parfaitement, avec cette rupture mortelle, à se voir voler au dessus des nuages en slip rose, lunette de soleil, fausses planetes qui clignotent et sourires aux dents trop blanches.

Histoire de ne pas nous faire planer trop longtemps, Sèche tes Larmes va nous plaquer la face directement dans le caniveau, avec des coups de talons en prime, histoire de bien t’écraser le nez dans la saleté d’un petit tube évident, avec cette instrue bien folle, son rythme sourd, écrasé et inflexible. En plus d’inviter Le Vrai Ben, un des gars de Puzzle, le titre accueille l’excellent Fayce le Virus, vrai dingue introduit par trois fois sur le Plus gourmand des gourmets, crachant son texte avec un flow façon Gérard Darmon cancéreux super vénér. (Album gratos dispo sur son myspace d’ailleurs, avec des apparitions de James Delleck ou The Real Fake Mc…)
On freinera même brutalement l’ambiance sur le titre partagé avec Seth Gueko, Roi de la jungle. La curiosité de voir Les Gourmets taper un speech à coté d’un des mecs les plus mis en valeur ses derniers temps aurait mérité une prod un peu plus dingue, mais Seth Gueko amènera son lot de punchlines et bleuarg de rigueur pour nous accrocher, sans compter le refrain façon parpaing de Morbac.

On préférera le méchant Garçons Faciles, où les lyonnais, accompagnés Grems et Sept, vont s’amuser à retourner la situation en parlant des quetards forcenés tapant souvent dans le vent malgré une obsession à payer des verres en rafales aux donzelles de passage. Cela entérine encore le fait que Grems reste un des français qui m’impressionne le plus sur disque, balançant ici son envie de “bouillave à mort la standardiste / soulage ma forte envie d’éjaculation / et dieu créa la femme, mon évacuation ” avec une manière d’agencer les phrases comme personne. Il me fout toujours sur le cul en parlant de ce qu’il fait de sa bite avec autant de style et en gardant une telle diction, limite il te rapperait sous Lsd des fabliaux hardcore avec un doigt dans l’anus sans bafouiller ni avaler une seule syllabe.












Mais stoppons les descriptifs superflus, divaguons : Difficile de le cacher, le titre que j’attendais le plus sur cette nouvelle livraison, c’est bien ce Comme Un Plein Temps, avec une prod assurée par NIL, qui m’avait explosé la mâchoire avec son EP Comme un (presque) printemps. Rien de d’imaginer les beats et mélodies de ce dernier mêlés aux flow des Gourmets filait la frousse. Evidemment, Comme un plein temps ne pouvait être qu’une réadaptation du titre éponyme de son Ep. Oui. Mais pas que. NIL ressort sa Datafunk, titre dispo sur son myspace il y a quelques temps, qui se présente comme une alternative à Comme un Printemps.

Ici, le beat est rehaussé, compressé, foutrement plus tapant, tourbillon electro-house qui te taille les hanches à la hache, te tire les bras vers le ciel et flingue ta nuque en moins de deux. Les mecs s’en donnent à coeur joie, plongent entre des bleeps qui virevoltent dans tous les sens, se baladent sur une saturation qui s’affole, le tout rehaussé d’un rythme bien sourd. Le refrain est tubesque, à te parasiter toute une journée. Mais quand le morceau se calme, t’es persuadé d’une seule chose : la mélodie mirifique de Comme Un printemps va démarrer. Alors on y pense, elle commence à tourner machinalement dans le cortex et une seule envie perle à la commissure de nos lèvres, c’est de la fredonner en filant dans les étoiles. La vie est belle, Les Gourmets le font pour toi : tout le monde se met à chanter, on sait pas qui, on sait pas quoi, mais ça chante, ça s’égosille, c’est la bonne humeur poussée sur la jauge maximum, c’est l’envie de partir dans un délire avec ses potes dans les bras, c’est L’affaire Hot Dog d’ATK passé dans une machine à laver sponsorisée par Aphex Twin.
Krimen reprend la parole en temporisant un maximum alors que le processus est lancé à pleine balle, la rupture casse la gueule, dernier tour de piste, avant de laisser la mélodie reprendre ses droits et exhiber sa superbe sur une dernière minute bien trop courte.
Morceau colossal, le meilleur titre de ce Soyons Sales, sans une once d’hésitation.


Le deuxième titre qui attisait méchamment ma curiosité (si l’on part du principe que le celui avec Grems fut balancé il y a déjà pas mal de temps) était aussi une collab’ avec une autre artiste du label, Carmen Maria Vega. Cette dernière avait balancé il y a un an un Ep qui réconcilierait pas mal de gens avec la chanson française, en lâchant des textes acides et ciselés à l’or fin sur guitare/contrebasse. La demoiselle s’est d’ailleurs construit une aura sur scene en très peu de temps, sans réellement balancer de disque, vu sa grosse tournée.
Là Bas aura pas besoin de prendre son temps pour convaincre, la prod est belle, particulièrement sur ce clavier cristallin et pourtant bien massif, charclé par un rythme bien sec. Carmen se chargera des refrains, en injectant une dose de sérénité entre deux phases bien âpres, grâce à une voix que l’on ne lui soupçonnait que peu en écoutant simplement son Ep. Bon, cela aurait été cool si elle avait pu nous balancer un petit couplet pour nous faire profiter de sa gouaille, mais c’est vraiment histoire de pinailler.












Bonne nouvelle que ce Mini album? : Ouaip, à mort. Feats de luxe, qui donnent autant un petit tour d’horizon sur quelques bonnes têtes d’un hip-hop indé qu’une lorgnette sur des artistes de Gourmets Recordingz à suivre. Instrues évidentes, frolant le tube ou partant dans des trips barrés fignolés comme jamais. Flows au poil, toujours aussi rapides pour les uns et implacables pour les autres.
Le seul petit regret qui pointe, c’est que le disque ne laisse que peu la place aux textes incisifs de coutumes chez les Gourmets. Moins de phases saignantes et acides, on privilégie le fun et l’on célèbre le Soyons Sales, sans, heureusement, sacrifier la plume, les textes s’avérant toujours bien escarpés.



Pour les névropates matérialistes dont je fais parti, l’envie avortée de voir cet excellent Soyons Sales sortir en version Cd est aussi légitime (Merde, de plus en plus de sorties n’arrivent qu’en Mp3…), mais on se consolera en se disant que ce mini album de 45 minutes reste la meilleur des façons de préparer une année 2009 qui s’annonce, selon les dires même du groupe, très chargée.

Sans compter qu’il serait dommage de se priver des petites bombes presentes sur ce Soyons Sales.


Sales, indéniablement. Mais Gourmets avant tout.
























9 Titres – Gourmets Recordingz
Dat’










Bilan Disques 2006

Posted in Chroniques on August 30th, 2008 by Dat'





Ratatat – Lp3

Posted in Chroniques on August 29th, 2008 by Dat'


Fuck that, I’m Ratatat !





Difficile de faire plus inexpressif qu’un LP”[inserer un numero]” ou un banal “[inserez-une-couleur] album”. Ratatat, qui avaient déjà osé nommer leur précèdent disque Classics, se complaisent dans le mystère avec un bref LP3. Au moins c’est clair : C’est le troisième disque du duo New-Yorkais. Et cela prouve que si l’on attendait du Ratatat, ben on aura du Ratatat. Ni plus ni moins. Ratatat c’est cool. Bien marrant, bien sympa, parfois beau, franchement atypique même. Dans le positionnement du groupe, offrant une musique completement inclassable, mais aussi dans son refus de faire appel à des voix, qui se fonderaient parfois à merveille sur la musique du groupe. (Et ce qui vaut à la formation de se faire descendre en flamme par pas mal de critiques)

Vu cette année 2008, qui est, en terme de qualité/quantité de sorties, au moins aussi folle que 2007, ce Ratatat est presque sorti dans l’indifférence, pas aidée par une distribution en magasin effective mais méchamment timide. On se dit qu’on le met de coté, qu’on l’achètera lors du creux du mois d’août, avant de prendre le train, histoire de. Non parce que je ne sais pas vous, mais perso, j’adore écouter un nouveau disque dans le train. J’aime bien le train d’ailleurs. Quand je suis assis à coté de la fenêtre. Et qu’un gamin ne hurle pas pendant toute la durée du voyage. Même les salades rachitiques du wagon bar sont bonnes, mention spéciale à la vinaigrette. Bref, c’était le bon plan.
Sauf que l’on tombe par mégarde devant le clip du premier extrait de ce Lp3, et que tous ces grands projets féroviaires se retrouvent bousculés : Il me faut cet album, il me faut cet album, il me faut…


















On outre passe une belle cover accompagnée d’images encore plus énigmatiques dans le livret pour foncer sur le superbe premier titre qu’est Shiller. Ratatat, pour mieux nous estomaquer, semble vouloir ouvrir ce troisième opus en jouant la carte de la grandiloquence, de l’émotion jetée en pleine gueule, le tout dénué de rythmiques dansantes ou martiales. La mélodie de départ débarque à pas feutrée, comme si un disque était joué à l’envers, le tout surplombé d’un superbe piano. On gravit la spirale, on entrevoit le soleil, une gratte acoustique se la joue harpe, une saturation obstrue le passage pour mieux se défiler l’instant d’après. Et vlan, voila que la guitare made in Ratatat déboule sans crier gare, hurlant ses notes comme si ce show était déjà le dernier.

Quand je dis guitare Ratatat, il faut comprendre que cette dernière est au combien singulière. Enfin non, extrêmement banale, kitsch même. Mais singulière, car si cette dernière était légion dans les années 80, elle est mise au ban de la musique actuelle. J’appelle ça le Syndrome F-Zero. Le genre de grattes électriques super claires, que l’on pourrait croiser dans un morceau de Queen, la six cordes qui pouvait soulever des stades, mais qui est reléguée au rang de vieillerie au profit de lignes sourdes et criardes. Le vice est même méchamment plus poussé sur ce nouveau disque. Ici, on croirait presque voir un homme en slibard rose s’élever dans les airs et entamer son solo en surplombant 50.000 personnes au bord de l’apoplexie. Ouai, c’est la guitare des super héros on va dire. Celle qui font dans vos oreilles quand l’inspecteur mic-mac sauve une énième fois la ville en sautant au ralenti d’un bateau en flamme qui explose sur fond de colombes et de veuves éplorées. Bref, avec Shiller on passe du vieux film sentimental et pétri d’émotion aux anciens blockbusters qui assumaient le fait de convier la force d’un rock galvanisant et victorieux à chaque ébauche de pectoraux. Et en plus c’est drôlement beau.


Je ne peux pas attendre plus longtemps l’autre grosse claque du genre sur ce LP3 est incarnée par Mirando, titre dont je parlais en introduction. Apres un début que l’on croirait vraiment débarqué du dernier Black Dice, le morceau part dans une litanie 8 bits à crever la gueule ouverte, soutenue par une rythmique tribale et un piano façon t’es-dans-un-bar-latino-et-tu-ne-peux-t’empecher-de-remuer-les-fesses. Hop, guitare F-Zero syndrome qui explose le tout en te disant que superman a élu domicile chez les Chicanos, on ramasse ses dents, avant un break presque Hip-hop te replonge devant la beauté d’être en vie. On repart sur les chapeaux de roues, on saute en diagonale, y’a des brunes au cheveux bouclés de partout et toi tu demandes pourquoi l’Espagne c’est si loin. Surtout quand le piano revient pour te faire pleurer, tuant un beat écrasé et massif, avant l’ultime moment de bravoure qui t’emporte au paradis, qui te donne des ailes roses musclées au stéroïdes et un bazooka ramoneur, histoire de mettre minable la plus folle des scènes de Die Hard. Une bombe, une tuerie, un délire énorme.

De quoi rassurer sur la bien portance de Lp3. On retrouve toujours ce Ping-pong Electro Guitare, qui se complait ici dans les synthés pourris, les sonorités 8 bits, les solos de guitares kitsch et une rythmique qui emprunte toujours autant aux envolées latino ou hip-hop…









Entre temps, on se tape un énorme Falcon Jab qui se joue de nos tympans en balançant une guitare qui semble mettre à l’endroit une guitare jouée à l’envers ( ???), avant de partir dan une atmosphère enjouée. Vrilles de Gameboy, guitare moins frondeuse battant presque la mesure, on part dans une fanfare bien prenante, joyeuse, histoire de bien faire claquer des doigts en marchant dans le gris de sa ville, les écouteurs vissés dans les oreilles.
Même procédé, et même résultat pour Bird-Priest qui tient autant de la complainte de jeux vidéos old school avec sa mélodie rampante, et du Hip-hop expé en tablant sur un beat cadencé par une page papier qui se déchire. On aura plus qu’à fumer son cigare en faisant tourner les serviettes lors du matraquage de piano final, façon Jazzman qui revient d’entre les morts.

Mais délaissons un temps ces petites perles laid back pour foncer sur deux tubes, radicalement différents, qui se suivent pourtant au sein du disque. Shempi tout d’abord, qui nous débarrasse des bottines de Guitar Hero pour nous envoyer sous le soleil des plages d’Ibiza. Beat House qui tape comme il faut, déflagration électronique, pouet-pouet 8bits, on laisse échapper une ligne de gratte mêlée à un clavier Dance cheesy imparable. On croirait voir ici la résurrection d’un hymne des 90’s mise en pièce par deux fous, genre Tepr remixé par Demis Roussos. On lève les bras, on danse à poil sous une nuit criblée d’étoiles, le sable chatouillant des orteils gémissant d’être pilonnées depuis 24 heures. Le groupe rehausserait un chouïa les basses, que ce morceau pourrait faire le tour des clubs.

Imperials en est son pendant contraire. Ou alors sa suite. La tête plongée dans l’eau, les bulles frémissent sur les premières secondes, avant d’être violemment extrait du bain par un beat affolant. Break avec des synthés mirifiques, c’est beau, mais c’est trop court, on nous re-balance la rythmique tord boyaux. Et c’est là que le miracle opère. Le clavier entrevu au départ revient, se retrouve seul, nous enveloppant de tout son être. On est en apesanteur, dans l’espace, à flotter, à dériver. Le moment est plus long que prévu. On attend une explosion, un rythme, mais rien, juste ce clavier, sublime, qui tourne, qui tourne, qui s’envole, qui te flingue la colonne vertébrale, qui t’écrase le coeur, qui te fait fondre le cerveau. L’univers, les étoiles, l’espace, une peau douce, des vaisseaux, un mec qui tombe pendant des heures, de la drogue, du slow motion. On dérive comme un con, avec pour seul accroche cette ligne divine, tel un cosmonaute perdu à jamais, abandonné par les siens, regardant une dernière fois la terre en s’étouffant dans ses larmes, en sachant pertinemment que seuls des connards d’extraterrestres retrouveront sa dépouille desséchées dans trois mille ans. Au bout d’un moment, qui dure environ entre 30 secondes et une vie entière, des violons débarquent discrètement, emplissent l’espace, finissent d’écrabouiller la dernière de tes expirations. Pas d’explosion, que dalle. Tout se retire dans un écho presque sadique, te laissant seul au milieu de ton désert de sentiments, de frustrations, de souvenirs s’étant joyeusement télescopés le temps d’un tourbillon sublime. Merci pour l’uppercut. La prochaine fois, je ne prends même pas la peine de monter ma garde.









Limite on se retrouve con devant le simili-hiphop de Dura, oscillant entre clavecin bien amenés, avant que le titre prenne une dimension un peu plus candide, laissant la part belle à une mélodie fantomatique renvoyant à Octet. Mais le guitariste de Ratatat n’a pas dit son dernier mot, et dégaine un solo bien Santana-esque, pour filer sur une mélodie toute débile. Et vas y que je te repasse la fin à l’envers, et en plus ça fait beau. Depth Affect meet Santana meet la musique de chambre. Brulée poussera le vice encore plus loin en nous échafaudant une ballade claudicante entre piano claquant et cordes lancinante, plongeant les mains dans des choeurs bizarres et des saturations cradingues. On hésite entre la musique transpirant l’émotion et les digressions noisy d’un Christine23Onna.
Munta Kaz filera la claque transe de l’album, en jouant sur des percus africaines poussées au max, avant que la gratte Ratatat se fringue de sa meilleure cape pour voler en bombant le torse sur l’armada rythmique du truc. Je suis sur que M.I.A aurait aimé gueuler sur ce morceau. Quand à la conclusion, black Heroes, j’aimerai presque ne pas gâcher le plaisir en vous laissant découvrir cette montée anodine et pourtant diablement jolie. Une marche militaire effectuée par des gamins poupons, pensant plus à rentrer à la maison en courant que de tenir le pas en défilant.












Je partirai bien encore dans des délires sur chaque autres titres composant cette troisième galette, mais cela en serait presque inutile, et presque crevant. Déjà parce qu’aucun titre ne fait tache sur ce Lp3, pas un écueil, pas un raté, rien. Et surtout car le disque est tellement foisonnant, varié et fendard qu’il est presque hors de porté d’en décrire la substantique moelle. Les mecs ne se prennent pas vraiment au sérieux, et nous emportent dans leurs délires. (On les entend même se marrer à la fin de quelques morceaux pour le coup…)
Sur Classics, on imaginait le groupe jouer sur une plage, avec une centaine de personne se dandinant tranquillou devant eux. Sur Lp3, on verrait plutot Ratatat survoler la ville en super heros, jettant des rayons de bonheur sur tous les habitants.


Le duo n’oublie jamais de nous émerveiller, de nous coller la larmichette et la petite mélancolie de rigueur. C’est souvent joyeux, parfois franchement étonnant, mais toujours très beau. Oui, on pense subrepticement à des voix qui se colleraient sur les compositions des deux New Yorkais. Attention, pas la voix neurasthénique de rigueur. Nop en écoutant ce disque, on veux voir un hurleur Métal, un Mc rocailleux, une star du r’n’b, John Lennon, un hysterique screamo, Ibrahim Ferrer et un chanteur de rock un peu niais se délécter de chaque morceau, et en se refilant le micro s’il vous plait.




Mais passé la première écoute, on espère qu’une chose, que le groupe continu de travailler dans son coin sans faire appel à des guests prestigieux qui doivent pourtant se bousculer au portillon. La musique de Ratatat se suffit clairement à elle-même et n’a pas besoin de voix, Ca tue, c’est jouissif, et l’idée du dessus est balayée en deux temps trois mouvements.
De plus cela pourrait brider l’inventivité suprême du disque, car Ratatat s’accroche autant au Rock de stade qu’au r’n’hop technoïde et aux sanglots étouffés de l’electronica. Beaucoup trouveront le disque anodin, ou partiront en courant des les premières montées bien kitsch. Mais bordel quel pied !


Ce LP3 c’est juste comme si Santana et Queen jouaient à la Super Nintendo avec Timbaland, Tepr et certains zozos du label FatCat.



Une claque, gros coup de coeur.











Ratatat – Mirando











Ratatat – Shiller











13 Titres – XL Recordings
Dat’









Lindstrom – Where You Go I Go Too

Posted in Chroniques on August 28th, 2008 by Dat'


Royal Astronomy






Il y a des choses que l’on attend comme un damné, sans trop savoir, ni expliquer pourquoi. Une annonce, un rapide descriptif, et l’on commence à harceler un pauvre revendeur qui ne peut malheureusement rien faire face aux retards des fournisseurs. Tenez, par exemple, quand j’étais tout petit, j’attendais à fond un jouet abêtissant, où des pingouins montaient une structure, avant de glisser sur un toboggan, pour directement remonter la montagne ensuite, avec un ingénieux système d’escaliers, formant un mouvement perpétuel hypnotisant pour le gamin ne sachant pas encore aligner 3 phrases. Pourtant je n’aimais pas des masses les pingouins, ni les escaliers. Allez savoir. (Annonce : Si quelqu’un retrouve le nom de ce “jouet” d’ailleurs, qu’il n’hésite pas à m’en faire part.)

Donc bon, les pingouins, c’étaient pas foncierement mon truc, mais après avoir vu la boite de cette drole de structure polaire, j’en pouvais plus d’attendre noël pour enfin voir les manchots tourner en rond pendant des heures, sacrifiant la facture EDF sur l’hôtel du ludisme.




Et bien à l’annonce de l’album de Lindstrom, la situation fut similaire. Pas foncièrement adorateur de son premier disque It’s a feedelity affair (qui était une compile cd de ces morceaux sortis en Ep vynile), qui oscillait pour moi entre le très très bon, et le un peu monotone…
Mais la magie des annonces a encore frappé :

On attendait un album “normal”, près à asseoir la supériorité d’un bonhomme déjà sur toutes les bouches, et voila que le premier vrai disque du scandinave, Where you go i go too, ne sera seulement constitué que de 3 titres ( ?!?) dont un de 30 minutes, portant la durée du disque à 55 minutes environ.

De quoi voir le Space-drug-disco-electro du bonhomme en version panoramique.



















Ah oui, en plus du Tracklisting étrange de l’album, la pochette a pas mal joué sur le capital sympathie d’avant match. Je ne sais pas pour vous, mais je trouve la pochette cool. Rien de spécial hein, mais rarement une photo de musicien a dégagé autant de sympathie sur un disque de musique électronique. Là où Squarepusher, sur son Ultravisitor, te faisait peur en laissant croire qu’il allait éventrer ton chien sans jamais décrocher un sourire, le Lindstrom ressemble plus à ton meilleur pote pris en flag, un peu joyeux, un peu timide, un peu mélancolique. Même le titre de l’album est sympa.
Limite on se balade dans une Fnac, tu tombes nez à nez sur ce disque que tu entends trotter dans ta tête “hey, salut, je m’appelle Lindstrom (c’est écrit au dessus de ma tête hihi) ! Achète mon disque, tu verras, je suis un type bien, fais moi confiance”. Le pire, c’est que ça marche. Le livret virera de bord en présentant une demi douzaine de pages aux photos énigmatiques.









Le disque s’ouvre d’ailleurs sur la longue épopée d’une Demi-heure, Where You Go I Go Too. Comment dire… Ce titre, c’est un peu comme se laisser porter par l’espace, au fond d’une vieille carcasse de ferraille. C’est être le cosmonaute un peu couillon qui est sorti tout seul au milieu des étoiles réparer la fusée, alors que tes potes se marrent avec du jus d’orange transformé en blob grace à l’apesanteur. Manque de pot, tu te prends un météorite dans la tronche, tu lâches prises, ta navette s’éloigne, et tu te résous à profiter de tes dernières réserves d’oxygène pour contempler, une dernière fois, les merveilles de l’espace. De toute façon, personne ne t?entendra te lamenter, alors autant profiter du voyage.
Les premières minutes ne seront que volutes sombres et aériennes, perlant dans des échos discrets. Petit à petit, très lentement, des éléments se greffent au trou noir, une mélodie se fait entendre à des kilomètres, un rythme cavale sur un autre système solaire. Ca monte, ça monte, tout commence à s’enrouler autour de toi, tu divagues, tu te laisses aller. 5 minutes, le processus est lancé, cette réverbération de clavier t’enveloppe, se love contre tes oreilles, et le beat poignant te tapant directement dans le bide.
Et c’est au moment où la conscience se fait chimère qu’un synthé assez kitsch débarque sans prévenir, zébrant le trip spatial d’un geste parabolique, invitant des aliens à nous tenir les mains pour le grand saut. Les bleeps accompagnant cette digression ne trompent pas, c’est bien un morceau de Disco que l’on nous présente ici, étiré comme la mort, planant et foncièrement électronique.
Lindstrom, l’une des grandes têtes du “Space-disco”, ne se contente plus de cette étiquette. Il fait même du Space-Opera-Disco pour le coup. Alors on continue à tournoyer, à planer, tout en ayant une irrépressible envie de secouer les hanches. Littéralement happé par l’édifice, on se rend pourtant compte que le chemin n’est qu’à moitié parcouru. Et c’est pile ici que le scandinave va choisir de stopper les machines, de replonger le morceau dans le trou noir du début, habité cette fois de respirations saccadés, de pchiit pchiiiit et de cris d’enfants presque imperceptibles. Brusque retour dans la réalité.
Le cosmonaute, voyant sa jauge d’air diminuer de moitié, serait il en train de paniquer ? De penser à ses gosses, tout en tentant de rationner l’oxygène ? Ce qui est sur, c’est que l’homme du ciel commence sérieusement à perdre la boule, vu que le morceau répare dans ses belles frises stratosphérique que l’on avait quitté il y a peu. Montée de synthé, étoiles filantes, l’errance reprend, s’étire, s’étale… Mais n’ira pas réellement plus loin dans le trip. Pas d’attaque alien, pas de planète qui explosent, pas de super héros en collants roses, pas de comètes, pas de brouillard de météorite.
Juste une fin qui fout la chair de poule, entre la 20éme et la 25éme minute, sublime moment. Les synthés deviennent anges, des handclaps se perdent dans leurs propres résonances, on perd la vie, on perd la vue, tout s’embrouille.

Mais on attendait quelque chose d’épique, de dingue, de foisonnant, une petite folie, et on aura simplement quelque chose de beau, point barre. C’est déjà pas mal, avant une mort dans le calme, dans la sérénité d’un berceau étoilé. Le Cosmonaute s’éloigne, ne devient qu’un point, avant de se fondre à jamais dans l’infini.


Cette histoire, cette representation musicale d’un pauvre homme dérivant sans but dans l’espace avant de s’éteindre ne terminera pas par un baroud d’honneur, par un soulèvement électronique. On aurait aimé que notre pote le spationaute échoue sur une planete pleine de drogue, avec des extraterrestres verts et roses. Selon son humeur, on se dira que c’est un tout petit peu dommage. Que notre petite bataille spatiale, on aurait bien aimé l’avoir. Que les poils de bras dressés, c’est cool, mais que l’on n’aurait pas été contre une colonne vertébrale broyée.










Mais après cette longue divagation cosmique, Lindstrom veut secouer les troupes, et balance avec Grand Ideas un morceau bien plus appuyé, de 10 minutes, plus techno dans l’âme, parfait pour les afters des petits matins. Une pulsation sourde remplie son office, et accompagne une mélodie saccadé et hypnotique. Encore une fois la montée est graduelle, prenant son temps pour donner de l’importance à chaque petit bout de chanson, avant qu’un clavier un peu Dance vienne secouer le tout à base de tudu dudududu et de piou pioupiou
Re-break, le clavier devient fou, et part dans un trip cosmique rétro à se décrocher la gueule. On lève, et on bouge comme des zombies en tentant de suivre ses synthés semblant être tirés d’un Phaser. Le final, ambiant, étonne avec ces paraboles très Blade Runner.



Pour mieux déboucher sur le dernier titre, The Long Way Home, se prévalant lui d’une durée d’environ 15 minutes. Et quel titre bordel. Le plus grand des trois. Un vrai diamant. Tout en surprises (la seule chose qui manque un petit peu aux deux autres) et variations.
Ces petites notes qui s’enroulent, sublime accroche, permettent à la mélodie cristalline de résonner de tout son être, avant d’accueillir un rythme sourd et des handclaps encore noyées dans l’immensité. Ca se déroule avec une grâce extrême, une fragilité captivante. On se laisse emporter une nouvelle fois, les pensées vagabondent, les rêves se pointent, on s’imagine traverser à pied, sous la pluie, une mégalopole déshumanisée, triste et vide…
Et vlan gros revirement, le morceau nous balance directement, sans prendre de gants, dans une boite du milieu des années 70, avec la grosse boule à facette et les danseurs qui se dandinent en roulant du cul sur la pointe des pieds. D’un morceau stricto électro planant, on se retrouve dans une embrassade Disco Kitsch superbement amenée, avec violons synthétiques larmoyants, rythmique ronde et tintements cristallins. Attention, c’est pas non plus la grosse déconnade, le Dancefloor reste drôlement dépressif, d’autant plus que le tout ne peut se débarrasser des premières notes du morceau, qui continuent de tournoyer au dessus des têtes, qui te font frémir, ravi d’investir la piste de danse pour étouffer toute âme qui vive.
Le break est sublime, cette circonvolution psyché se retrouvant seule à se nécroser sur elle-même, avant de fondre en masse sur un écrin Disco qui refait surface, dans un coup d’éclat à broyer les mâchoires. Ça y est, on là notre colonne vertébrale brisée.
Il faut imaginer un Saturday Night Fever avec tous les danseurs pendus au bout d’une corde, vomissant leurs derniers anti-dépresseurs sur des cadavres morts en riant aux éclats.
Tout ce beau monde va se retirer avec élégance, préciosité et patience, laissant les éléments s’effacer un à un, afin de laisser cette perverse mélodie finir son office, et déjà prête à infecter ses prochaines victimes.












Lindstrom nous sert un voyage assez impressionant niveau “j’abandonne ma conscience pour partir dans un monde parallèle”. Il fallait le faire pour réussir à flanquer une baffe avec un premier album aussi bizarrement constitué.

Pourtant un mini regret perle : Le premier morceau, cette longue tranche de 30 minutes, aurait mérité une fin épique. Quelque chose qui te matraque la gueule tellement c’est beau, qui te laisse comme une merde sur le carrelage, la tête explosée, avec à peine assez de cervelle répandue devant ton nez pour que tu te dises “Putain, je me suis pris un miracle dans la gueule”. Parce que justement, je l’attendais un peu, ce miracle, avorté. B.fleischmann en avait d’ailleurs pondu un d’une façon sublime. Cette fresque de Lindstrom s’annonçait grandiose sur le papier, elle ne sera au final que belle.


Mais Lindstrom ne voulait pas nous casser la gueule. De toute façon, on aurait du s’en douter, il avait l’air trop sympa sur la photo. Lui, il veut nous balancer dans l’espace, et nous laisser divaguer, en prenant notre pied sur la longueur.
D’autant plus que le disque contient un morceau imparable, et surtout un vrai chef d’oeuvre, The Long Way Home, imprévisible, beau, inventif, kitsch et mélancolique dans le même mouvement, volant carrément la vedette au morceau titre. Il aurait pu servir de simple faire valoir pour la grande odyssée, il en devient finalement pièce maîtresse de l’album.



Difficile d’écouter ce disque en toute situation, vu qu’il s’apparente plus à un long trip sans interruption. Il faut découvrir le bon moment, le bon endroit, la bonne humeur. Alors, si et seulement si toutes ces conditions sont réunies, Where You Go I Go too aura toutes les qualités pour transformer votre canapé en véritable vaisseau intergalactique, histoire de chasser les comètes le sourire aux levres.









MP3 :


LINDSTROM – The Long Way Home (version courte / Prins Thomas ) clic droit, enregistrer sous
Version courte de “the Long Way Home”











3 Titres – Feedelity Recordings
Dat’











B.Fleischmann – Melancholia / Sendestrabe

Posted in Chroniques on August 27th, 2008 by Dat'


Sometimes




J’emmerde l’introduction habituelle.

















Le vent. On entend distinctement le vent, envelopper nos oreilles. Petit à petit, il mue. On perçoit une faible mélodie. Grésillante. Fébrile. Quoi dire, à part qu’elle transpire la tristesse. Puis elle se fait un peu plus appuyée, mue, se transforme, déchire sa chrysalide pour devenir violon. Un violon beau comme la mort, grave, qui vous pétrifie. Bordel, quelle mélodie. Elle vous hérisse les poils, tant elle semble belle dans sa tour d’ivoire. Coup de grâce, à la 4eme minute. Un accordéon, bandonéon pour être précis, se fraie un chemin, s’invite, prend le violon par la main pour continuer à arpenter le chemin. Une plénitude absolue. 5éme minute, un beat lent surplombe le tout.
5eme minute ? Cela ne devrait il pas être la fin d’une chanson normale ? Pas ici.

Non, dans Melancholia, on part pour un long voyage. De 49 minutes exactement. Et vu comment le décollage s’effectue, on se laisse aller, obligatoirement. On ferme les yeux, et le tout vous emplie d’un desespoir et d’une beauté absolue. Les deux instruments crachent l’une des mélopées les plus belles qui m’a été donné d’entendre. C’est fascinant, touchant, brillant. On est littéralement saisi par le tout. Le rythme se stoppe, des vagues de sonorités se déroulent, effaçant, pour un temps, les deux âmes bienveillantes qui nous accompagnent depuis le début. Tout se ferme, sauf une contrebasse, moribonde, lente, qui se met à claquer, rapidement rejointe par des bleeps électros. Le violon, qui se re-greffe au tout en est encore plus rayonnant. L’accordéon prend enfin la tête, pleurant comme un accordéon peut pleurer toutes les larmes de son corps. Le tout peuplé d’échos et autres effets discrets mais plus qu’important pour l’immersion.
Puis le morceau va prendre un tournant en faisant intervenir un orgue électronique qui va monter, monter, avant de basculer dans une noirceur que l’on avait pas effleuré jusqu’à lors. Enchevêtrement de claviers distordus s’étendant sur trois – quatre minutes, donnant une allure presque cauchemardesque au morceau. Puis tout se calme, s’efface lentement. Et l’on repart dans un long ballet entre le Violon et le Bandonéon, dans un habillage électronique conséquent mais jamais étouffant. Tout se mélange, s’emmêle, parfois appuyé, parfois diffus. L’un des protagoniste s’échappe, s’impose, puis repart dans le rang. On a juste l’impression d’entendre, de vivre un instant trop rare. Alors on profite de la moindre parcelle de cette grande fresque, on décortique le tout sans, un vrai miracle, jamais s’ennuyer. Pas une seule seconde. A cause de cette sublime mélodie, tout d’abord, dont sa beauté est un vrai tour de force à elle toute seule. Puis ces multiples petites turbulences et digressions sonores qui peuplent ce paysage. Ce bruit blanc qui parfois emplie vos oreilles, larguant le tout à une vague sonorité lointaine, le temps d’une minute, comme si vous passiez sous un tunnel à vitesse grand V. Le « bruit blanc » ? Difficile à expliquer. Simplement l’un des sons qui me fascine le plus dans la musique. Cette espèce de nappe froide, froissée, accueillante et effrayante à la fois, qui, si l’on prend le risque de l’écouter les yeux fermés, vous semble retranscrire une longue chute dans le ciel, le vent frappant vos oreilles.
La fin approche. Alors, comme pour le commencement de Melancholia les deux instruments maîtres reviennent, plus poignants que jamais, pour essorer leurs dernières larmes, s’éteindre sur leur plus beau discours. Un beat presque Hip-hop se permettra même d’amplifier la mélancolie du final. Car c’est bien de la mélancolie, des regrets, de la tristesse que l’on entend ici. C’est inexplicable. Cette lente fin vous écrase votre putain de coeur. Vous fait froid dans le dos. Votre corps s’emplit d’une sensation inexplicable, d’un courant qui résonne dans vos membres telle l’onde provoquée par une pierre lâchée dans un cour d’eau.








50 minutes qui vous prennent bien haut, pour vous retourner comme une merde. Ou vous foutre une claque magistrale, au choix. Première écoute en pleine nuit, lors d’un long retour à pied en pleine ville, dans des rues vides et crades, puis à marcher longuement sur des berges. Je pense ne jamais l’oublier. La piste a complètement habitée, sublimée ce moment. Tout semble différent, comme si notre corps se baladait dans un monde, et notre tête dans un autre, parallèle.

50 minutes, 1 morceau. Cela peut effectivement faire peur. C’est si loin de nos formats habituels, de notre envie d’écouter un morceau sympa avant d’aller au boulot, de sauter de pistes en pistes sur notre artiste du moment.
Là, on doit s’investir. Trouver et saisir le bon moment : Une ballade dans la nuit. Lors d’un voyage en train, à regarder défiler sous vos yeux les images floutées par la vitesse. En caressant tendrement la peau de la personne que l’on aime. En fumant sa clope sur son balcon, en regardant les passants vivre leur vie. Ou tout simplement perdu dans ses pensés, avachi sur son lit, le casque vissé sur les oreilles. Chacun trouvera son moment, il n’y a pas de règle absolue. Si ce choix est fait avec pertinence, ce qui se créé dans votre tête est alors incroyable.









Beaucoup reculeront devant l’ampleur de la tache, et le caractère presque « contraignant » du morceau. D’autres ne s’intéresseront même pas une seconde à ce disque par peur de l’ennui peuplant bien souvent les « longs morceaux ». On peut les comprendre. On n’a pas toujours le temps de s’investir dans ce genre de musique.
C’est franchement pas accessible au final, plus dans la forme que dans le fond d’ailleurs, pour une fois : le morceau en lui-même est limpide. Car, je le répète, ce morceau est SUBLIME. Tout est parfaitement dosé. Ce violon et ce Bandonéon, magistraux. Ces textures électroniques taillées à l’or fin. Et surtout cette mélodie, à vous arracher le coeur, à le piétiner le sourire au lèvre.
Certes, on ne l’écoutera clairement pas tous les jours. Même rarement. Les vraies occasions dans le genre ne sont pas si fréquentes. Mais cela en est de même pour tout les CD exceptionnels. Melancholia m’a foutu la claque de ce début d’année, il n’y a pas plus simple. Le reste ne rentre au final même pas en compte.



Pourtant cet achat est le fruit du hasard. B.Fleischmann, je ne le connais ni d’Eve ni d’Adam. Le disque, bien solitaire, en fin de gondole, et son packaging pas foncièrement attirant ne vous saute pas à la gueule. Seul le label, Morr Music qui a sa place dans l’électronique et la musique Indie, (The Notwist, Mùm, Lali Puna, Mr John soda…) peut donner un indice, rassurer. Pourtant, mon achat, presque compulsif, a été dicté par une phrase, derrière le boîtier :

Melancholia 49 min 15. Cello and Bandoneon By Tristan Schulze.


C’est tout con, mais cela avait été comme une proposition de sombrer dans l’inconnu, dans la découverte, dans une petite aventure de moins d’une heure. De tomber, enfin, sur un disque singulier dans le fond comme dans la forme. Avec deux instruments que j’affectionne plus que tout, notamment quand ils sont plongés dans l’électronique. La surprise de tomber sur une galette touchée par la grâce en est que plus belle.









Et vous savez quoi ? B.fleischmann ne se limite pas à un titre. Car deux CDs peuplent, comme le titre l’indique, ce Melancholia / Sendestrabe. Et comble de bonheur, Sendestrabe pointe aussi à 50 minutes.
Le résultat en sera quelque peu différent. Démarrant sur des parasites plus ou moins maîtrisés, le morceau va longuement se reposer sur une boucle de piano répétée à l’infinie. Presque joyeuse, guillerette, sautillante. Puis le jeu de Piano s’étoffe, s’enrichit. Les Beats aussi, plus rond, plus électro que sur le titre décrit plus haut. Dans son premier quart d’heure, le virage va être plus expérimental. Avant que la tournure devienne assez saisissante : Imaginez un concert classique ou le piano serait maître de cérémonie, coulant ses notes comme lors d’un récital. Mais la clarté du son est comme brouillée. Le piano a un aspect robotique, le tout défoncé, tordu par de multiples effets. Comme un conflit entre la clarté et la pureté d’un piano avec la rudesse et la saleté des machines. Ces dernières, qui vont littéralement avaler le tout, effaçant l’instrument avec ce fameux « bruits blanc », encore plus profond, semblable à une pluie diluvienne étouffé par un filtre électrique.
On parlait d’électronique expérimentale, le tout va littéralement s’y engouffrer. On quitte les sphères du concret, bienvenue dans les longues plages de nappes sales, rugueuses, d’effets survenants par vagues malsaines, pour vous noyer dans une âpre intensité. Le rythme bien appuyé, presque Techno, et les snares galopantes ne nous contrediront pas. On croit presque être plongé dans les premiers Autechre. Tout craque, se tord, grésille, pour laisser, après une longue lutte, un piano calme faire son trou dans ce marasme abstrait, sans pour autant éclaircir le tout. Quand tout se stoppera, pour ne laisser que le piano mourir sur les 5 dernières minutes, la cassure sera presque aussi violente et inattendue qu’une chute brutale dans le vide, le sol se dérobant sous vos pieds.









Sendestrabe pointant vaillamment 49 minutes 53 seconde est un grand moment noir, sombre, profond et abstrait. Mais il est évident qu’il se fait littéralement balayé par son grand frère Melancholia. Pourquoi ? Car le premier est un grand moment d’émotion, de beauté absolue, quand le second se révèle simplement être un grand morceau de musique électronique. L’émotion du premier sublime évidemment son écrin, place le morceau au dessus de ce que l’on peut entendre habituellement.





On ne va pas s’éterniser plus longtemps. Ce double disque, presque unique dans le fond comme dans sa forme, est un véritable trésor, une claque monumentale. Une claque qui fait frémir, qui fascine, qui hypnotise, par sa lumière, par sa richesse, par sa maîtrise, par sa splendeur.




Rien à ajouter.








2 titres de 50 min chacun – Morr Music
Dat’








Shugo Tokumaru – Exit

Posted in Chroniques on August 18th, 2008 by Dat'


The Other People Place






Je serais bien tenté de refaire le coup de la paralysie qui vous étreint par surprise des les premières secondes d’un album, lancé d’une façon presque nonchalante. Manque de pot, Shugo Tokumaru m’avait déjà ravi les esgourdes avec son précédent album L.S.T, sorti en catimini il y a deux ans, orné d’une sublime pochette (Exit n’est pas en reste , ou l’art d’attirer par un simple dessin. Comme quoi l’utilité des pochettes n’est pas prête d’être désavouée). Shugo Tokumaru, c’est un petit japonais multi instrumentiste, qui se plait à bidouiller guitares et samplers pour accoucher d’un folk intimiste, accidenté mais toujours candide et traversé de quelques bizarreries non indentifiables.
Son album L.S.T était sorti au Japon, puis en juste en Nouvelle Zélande et France (grâce a un petit label de musique électro). Rien d’affolant, mais très plaisant, L.S.T était le genre d’album rêveur et diffus, qui vous emportait sur 45 minutes sans vous faire décrocher une seule seconde.
Bref on était en terrain connu lors de l’annonce fin 2007 de la sortie du nouvel album du japonais, disponible seulement dans son pays d’origine pour le moment. Premier extrait, grosse baffe. Shugo semble avoir considérablement aéré sa recette sur Exit, pour nous fournir une musique branquignole géniale.


L’excitation de la découverte s’est rapidement muée en une claque énorme.














N’y allons pas par quatre chemin, le disque est fantastique. Non mais vraiment. J’ai pas été autant retourné par un disque japonais depuis le “Sell Our Soul” de Tha Blue Herb, voir même le “Fantasma” de Cornelius, c’est dire l’ampleur du truc. Découvrir un disque en écarquillant les yeux et les oreilles, en tentant de décrypter le moindre détail musical giclant dans votre cortex avec une joie indescriptible. La sensation est trop rare pour être ignorée.
En vrai gamin, on écoute le disque le sourire aux lèvres, en se demandant s’y l’on va se retenir de crier son bonheur aux passants bougons empruntant le même trottoir. On fait la moue, dans le métro, comme tout le monde, alors que l’on saute partout mentalement dans le wagon en hurlant comme un forcené. Le genre de disque qui vous donne l’impression d’avoir un soleil accroché au cul sur tout le chemin du boulot, alors qu’il pleut des cordes et que vous allez batailler toute la journée pour avoir une simple journée de congé dans 3 mois.








Le premier à vous envoyer directement au dessus des nuages, c’est le bien nommé Parachute : Une guitare dans l’oreille droite, une dans la gauche, tout se croise, et vlan, on caresse les cordes à fond la caisse, avec un rythme sourd pour accompagner la bien précoce montée. La voix de Shugo Tokumaru est toujours aussi doucereuse, apaisée, accompagnant parfaitement cet espèce de folk super speed, qui semble filer au milieu des comètes. Il faut savoir que le Monsieur chante encore et toujours en japonais, ne délaissant donc pas sa langue natale pour un anglais plus ou moins hésitant. La comptine est toute enfantine, ravie les tympans, et imprime instantanément un sourire niais, histoire de zébrer votre visage dans les règles. On entend les cordes crisser, le bois grincer, et les petits tintements finissent de vous faire gicler dans l’au-delà. Pourtant le morceau reste assez conventionnel au vu des précédentes entreprises du nippon.

Et c’est clairement avec Green Rain que le masque va tomber. Outre sa façade sensible et presque empruntée, Tokumaru est un musicien qui aime plus que jamais délirer, expérimenter dans tout les sens, et télescoper bons nombres de genre dans une seule et même chanson. Débutant sur un accordéon rondouillard, le titre va rapidement atteindre une cadence folle, faite de bric et de broc, avec de petites percussions soutenant le manège rigolard, avec un refrain superbe, super joyeux, crachant l’optimisme. C’est l’envie de sonner à toute les portes de votre immeubles pour inviter les voisins à danser en rond qui vous tenaille comme jamais. Mais au moment où la joie attend son paroxysme, tout se ralenti, un piano tristounne balaye le tout pour flirter avec la pop cristalline empreinte de mélancolie. Tout le monde est reparti chez soi, alors on se pose, seul, comme un con, en contemplant le ciel devenir gris sous le poids de la solitude. Surprise, les voisins reviennent en riant aux éclats pour une dernière ronde extatique, libératrice. Le sentiment de félicité à l’écoute de ce titre est absolu.









Clocca a pas fini de m’étonné non plus, malgré un nombre inqualifiable d’écoute. Démarrant encore sur une vieille litanie de manège, des flûtes vont perler rapidement pour donner une allure très guillerette à ce début de titre. Break, on ralenti, tout est distordu, pour mieux accelerer et nous jeter en pleine gueule le refrain le plus marquant de ce disque. Ca balance comme jamais, les percussions sont sourdes, très appuyées, pour donner des allures de TGV au tout. Le musicien se plait à inverser subtilement de toutes petites portions de chansons avant de démarrer ses phrases, pour un resultat complètement halluciné. Et hop, on change encore de direction, pour surfer sur une phase instrumentale où l’accordéon-manege est accompagné de clappements de mains très hip-hop, et de bruits bizarres façon je-débouche-un-syphon. Dernier passage completement affolant, avec le refrain qui débarque une nouvelle fois comme une tornade, nous laissant absolument stupides devant tant d’inventivité et de sublime.
C’est simple, Clocca, c’est dépouiller de son aura dépressive “Like Spinning Plates” de Radiohead, et le mélanger avec “For the benefits of Mr Kite” des Beatles. Fermez les yeux et imaginez le truc. Ben le résultat est encore mieux.

Première petite pause presque salutaire, Future Umbrella va nous laisser tremper dans une petite foire instrumentale, Shugo Tokumaru préférant se taire pour laisser parler ce machin tout bizarre, sorte de générique de série américaine remixée à la sauce acoustique, comme une petite fanfare déglinguée qui aurait trop bu pour interpréter correctement le générique de “Marié deux enfants”.










On navigue de coups de coeurs en coups de coeurs, mais je dois vous avouer que mon palpitant s’est, au départ, clairement emballé pour Button. D’apparence plus simple et linéaire que les précédents essais, le titre déroule une rythmique étonnante, claudicante et métallique, comme si la guitare du japonais avait été taillée dans une casserole. La chanson est, dans sa structure, plutôt carrée, avec couplets / refrains. Mais bordel, quelle perfection! Le refrain est à pleurer, nous filant dans la meilleur des ballades des Beatles, le rythme branquignole fascine, et tous les petits détails se greffant progressivement (sifflements, synthés discrets…) forment un ensemble d’une richesse incroyable. Encore une fois, certains éléments s’inversent pour une seconde avant de repartir dans leur bonne marche, la voix se double, forme un petit choeur à elle seule. On tient là un morceau de pop folk parfait, d’une grâce et d’une pureté impressionante. Si D.P.O tape dans le gros délire, façon “je tente de faire un morceau de rockabilly énervé avec un banjo”, c’est pour, (encore !!!) échouer sur deux morceaux absolument extraordinaires :

Hidamari fait penser aux chansons du précèdent disque du japonais, avec ce folk mélancolique, tout en retenu, à se laisser bercer par une guitare à la mélodie toute belle et un chant parfaitement placé. On se laisse donc trimballer sur cette ballade, jusqu’au choc frontal.
Indescriptible. Le procédé est utilisé dans les films, avec un personnage torturé qui en a vu des vertes et des pas mures pendant une heure trente. Scène finale, on le retrouve sous l’eau, dans la mer, à dériver vers les profondeurs, fermant les yeux, happé par tant de bien être. On tient là l’équivalent en musique. La guitare se retrouve noyée dans un amas d’échos créant un vide immense. Lointaine, elle égrene ses cordes émanant directement des profondeurs. A tomber. Mais l’air manque, et il faut se diriger vers la surface, foncer en direction de ce cercle de lumière rassurant. Les cordes s’entremêlent, on superpose une dizaine de guitare pour un amas en directe concurrence avec la plus belle des harpes. On sort la tête de l’eau, on prend la bouffé d’air vitale, et la mélodie de l’introduction reprend ses droits. Allez, j’ai du me repasser ce morceau 5 fois de suite pour essayer, sans succès, de piger pourquoi le break du milieu de piste est-il aussi saisissant…



Dernier bijou absolument gigantesque de ce “Exit”, La La Radio est aussi le titre le plus long de l’album, flirtant avec les 6 minutes. Flirtant aussi avec le chef d’oeuvre ultime. Seul titre qui peut se prévaloir d’avoir des sonorités “asiatiques” (si l’on excepte le chant évidemment). Car après un petit couplet, c’est une véritable coulée de cordes cristallines très traditionnelles qui se déversent dans vos oreilles, comme un manteau de diamant. Shugo continue de souffler sa petite histoire sur cette structure sautillante mais touchée par la grâce, surplombée de choeurs angéliques. Bref, on est dans un rêve de coton. Mais le japonais semble bien apprécier les cassures, et va refaire tourner le manège croisé précédemment, pour nous emporter dans une valse à vous raidir l’échine, tout tourne, se balance, pour échouer sur un passage bien planant, presque Chill-out.
Mais des percussions sourdes se font entendre, et l’on débarque dans une ascension absolument divine, à vous arracher le coeur en deux secondes. La guitare est complètement lâchée, et part directement vers le ciel, bastonné par les tambours et les cordes folkloriques japonaises. C’est absolument SUBLIME, on respire plus tellement on est estomaqué par ce truc. Aberrant. Là, on se trouve vraiment con, à ne pas comprendre pourquoi n’y comment on s’est retrouvé catapulté à trois milles kilomètres de la terre, à courir à poil sur une planète inconnue en hurlant de bonheur, parce que c’est humainement pas supportable de ce retrouver dans un morceau pareil. Au secours. Au secours. Comment un mec a pu créer un truc pareil ?

Shugo Tokumaru a du bien comprendre le choc qu’il allait engendrer avec un coup de massue pareil, et nous sert en guise de conclusion un très plaisant The Wedding, où le chant est laissé de coté, secouant sa guitare pour un titre assez country, bien enlevé et sympathique. On se croirait presque dans O’Brother des frères Cohen.











Je ne vais pas tergiverser, ce disque se presente pour moi l’un des meilleurs albums de 2008, et cela même si cette dernière est encore peu entamée. C’est un vrai bonheur, un diamant comme l’on en croise peu dans sa vie d’amateur de musique flinguée et joyeuse. Des titres comme La La Radio me donnerait même presque envie de chialer. On n’avait presque pas parlé de L.S.T à sa sortie, très confidentielle. Il est presque impossible faire de même avec ce nouveau disque, sous peine de crime de lèse majesté. Le plus drôle, c’est que le disque n’est pas encore annoncé en Europe, bénéficiant d’un simple et évasif “2008” pour le moment.
(Bon il est prévu, c’est bien le principal, surtout pour un disque Japonais, il atterrira donc bien un jour ou l’autre dans tous les bons disquaires /EDIT/ Le disque sera finalement disponible le 2 septembre en Europe )


Mais croyez moi, on va en parler de ce Shugo. Parce que son Exit est une vraie perle. Un disque comme l’on en fait peu. Si vous n’avez pas le courage de passer par l’import, guettez sa sortie dans cette moitié d’année. Je ne peux pas croire que ce disque sorte à nouveau dans l’anonymat, voir l’indifférence générale. Et faite moi confiance, je re-sonnerai les cloches à sa sortie officielle en Europe.
Parce que sous ses petits airs anodins, le disque abrite, pour les amateurs du genre, une musique qui ne pourra pas laisser de marbre, le parfait mélange entre Animal Collective, les Beatles et Cornelius.

Cette livraison de Shugo Tokumaru est exceptionnelle, qui ferra clairement date dans ma pile de disque.



Si jamais Exit n’est pas un des disques de l’année, je m’éventre en direct sur W9.













Shugo Tokumaru – Green Rain













Shugo Tokumaru – Button












10 Titres – P-Vine Records
Dat’











Super Collider – Head On / Raw Digits

Posted in Chroniques on August 13th, 2008 by Dat'


Another Way






On parle beaucoup de Jamie Lidell ces temps ci. Passages radio en rotation massive avec l’excellent Another Day, couvertures de magasines se demandant si l’anglais serait le nouveau Amy Winehouse ou article dans Elle parlant d’un anglais sexy… On peut dire que le Jamie Lidell fait les bonheur de Warp, le label qui a vu un psychopathe sadique à faire pâlir Autechre se transformer petit à petit en vrai prince Soul, et se positionnant dans le cercle tres fermés des gros vendeurs du label.


On ne peut le nier, Jamie Lidell peut etre abordé comme un énième artiste arrivant, comme de par hasard, en plein revival soul, là où Amy Winehouse affole, Duffy rassure en brossant dans le sens du poil, Micky green charme et Nneka fascine (énorme album). Un mec qui se retrouve parachuté sur les ondes avec un single évident, la tête un peu bouffie, prêt à nourrir des oreilles qui attendent qu’une anglaise sorte d’une énième cure de désintox.
D’ailleurs Jamie Lidell ne cesse de le marteler : son nouveau disque est commercial à fond, il veut en vendre le plus possible. Pour le coup, je suis malheureusement près à parier que si revival il n’y aurait pas eu, le Jamie n’aurait intéressé que France Inter et les suiveurs des références Warp. Ce qui, on avouera, aurait été bien dommage vu la qualité du disque, Jim excellente version upgradé et plus sage de son excellent Multiply, qui file la peche à chaque écoute. On sent clairement que le tout lui vient des tripes, une envie viscérale de cracher ça, envie qui est perçue depuis ses tous premiers disques, et n’a pas été taillé à la serpe par un producteur qui serait tenté de proposer les bonnes choses aux bons endroits. Mais même si ce nouvel album me fout la banane comme jamais, on rale quand même un peu.



Mais Jamie Lidell, c’est aussi un mec qui a navigué pendant une demi douzaine d’année dans une électro rude, bruitiste et presque absconse. Le mec n’a pas fait ses armes exclusivement dans les Jazz-band ou les piano bar, comme tout chanteur qui se respecte, mais dans sa piaule, à bidouiller des paysages industriels et défoncés. Son premier disque, Muddlin Gear, était presque un manifeste de la destruction sonore, poussant les limites de l’abstrait à l’extrême, renvoyant 99% de l’IDM dans le bac à sable, en terme de complexité. Bon par contre c’était parfois un peu lourd, un peu trop éclaté, ne laissant pas une seule seconde d’espoir à des rythmes qui semblaient brûlantes. Bref, Muddlin Gear, c’est un peu le vilain petit canard de Jamie Lidell, celui qui va fracasser les oreilles de tous les amateurs du visage actuel du crooner. J’imagine avec délectation mes collègues de bureaux, qui, plus que fortement séduits par le titre Another Day à la radio, veulent se chopper la discographie de l’anglais.


Alors d’un coté, on a un disque d’electronica bruitiste ultra opaque et de l’autre un disque Soul pur et dur, sans une seule once de machine fracassée.
D’un avis purement personnel, je n’ai jamais été totalement séduit par la facette electronica bruitiste de Lidell sur son premier solo. Son dernier disque, lui, est flamboyant, mais sa facette très old-school ne pourra pas toujours s’adapter à l’humeur du jour. Difficile de passer sans accroc de paysages accidentés à tableaux policés sans grincer des dents. Pas de juste milieu chez Lidell ? Heureusement si. Son projet, pour moi, le plus intéressant, reste son groupe Super_Collider, en compagnie du sorcier techno Christian Vogel.


Les disques de Super_Collider, bien que sortis en 1999 et 2002, se posent presque comme le résultat de l’énigme Jamie Lidell, seul musicien sur terre à être passé d’un style Autechre-ien à un quasi-hommage à Stevie Wonder. Si l’on prenait tous les disques et Ep de Lidell pour en fait un Puzzle, Super_Collider en serait l’image finale, le résultat d’un grand écart immense et impossible à prévoir, cristallisant le mélange parfait de ce que semble aimer le musicien.

Le concept est simple : un chant cristallin tentant de s’infiltrer sur des rythmes électroniques arides et hallucinées.
















1/ Super_Collider – Head On





Bon, à la base, je voulais parler du disque Raw Digits, vu que ce disque est à mille lieu de ce que l’on peut entendre habituellement, n’ayant aucun équivalent dans ma mémoire en terme de “son” et de direction arpentée, et juste intemporel dans son résultat final. Mais il était difficile, voir impossible, de ne pas parler un minimum du premier album du groupe, Head On, véritable machine de guerre bourrée à craquer de tubes electro-expé funky imparables.
Niveau packaging, mention spéciale à celui de Raw Digits, qui se déplie de tous les cotés, dévoilant les lyrics et remerciements façon pochette surprise.

A dire vrai, si Raw Digits annihile tout les repères que l’on pouvait avoir précédemment, Head On brise les genres sans pour autant les plonger dans un bain d’acide. Vogel et Lidell veulent faire du Funk, de la Soul cradingue, mais ne peuvent s’exprimer que part des déflagrations électroniques, et des brisures géantes.
On retrouve presque la même approche chez Mr Oizo, qui noie ses amours pour M.Jackson et James Brown sous des cavalcades de rythmes, torturant une base ultra dansante grace à des effets en tout genre.








Suffit de prendre Cut The Phones pour comprendre le concept de Head On. Apres une saccade immense vrillant dans des échos, un pied massif et crade comme la mort tape dur, marquant au fer rouge les circonvolutions de la voix de Lidell. Ce dernier se laisse aller aux petits Yeaaaah I cut the phone yeaaah tout en feulant comme un chat de gouttière qui n’aurait pas trouvé de chatte depuis des siècles. Obligé de claquer des doigts, de bouger la nuque, même si le cassage de rythmique embarque plusieurs fois le titre dans un torrent de reverbs. Pour le coup, si vous faite écouter ce disque à quelqu’un, il vous répondra que votre galette de Funk a l’air cool, mais qu’elle est cassée.

Moins bizarre, mais carrément jouissif, Darn (cold way o livin’) va balancer un énorme rythme dance, sur une saturation qui va se répéter jusqu’à overdose. Tu l’écoutes dans la rue, tu marches en roulant des épaules, claquant des doigts, en souriant comme une baleine tellement ce titre, c’est la classe. Il passe dans un Nighclub, tout le monde devient beau. Il sortirait aujourd’hui sur Ed Banger que cela ferait un gigantesque carton.

Mais le tube ultime de ce disque, qui d’ailleurs est pourtant l’un des titre les moins évidents de Head One, c’est bien l’affolant It Won’t Be Long. Jamie Lidell chante comme s’il était au fin fond d’une grotte, avant qu’un rythme rampant vienne se terrer dans tes oreilles. C’est lent, poisseux, lourd, dérangeant. Le chant est imparable, décline des couplets que l’on croirait avoir toujours entendu. Mais la pièce maîtresse de ce titre, c’est cette ENOOORME ligne de basse, qui vrombit comme jamais, qui explose et se comprime dans le même mouvement, semblable au plus gigantesque des monstres, trop paresseux pour se bouger un centimètre de cul afin de chercher à bouffer.
C’est un train qui passe en slow motion, c’est un dragon qui ronfle dans une cathédrale. Si à l’écoute de ce titre, on pousse les basses et le volume à fond, je vous jure que vos vitres vont vibrer comme jamais. Limite, tu le fous dans une voiture le disque, qu’elle ne survit pas à l’attentat. Ce n’est pas agressif hein, juste que le grondement est sans pareil. A part cet espèce d’amas gluant, on nage donc dans ces rythmes aussi acérés que des lames de couteaux, et une ligne mélodique aigue, qui accompagne les envolées de Lidell. Un mot, un seul : Massif.









Le plus drôle, c’est qu’en écoutant ce disque, qui commence à avoir un peu de bouteille, les références actuelles pleuvent, comme si certains de ces morceaux étaient les premiers tests, presque visionnaires, de ce que l’on pouvait avoir 5 ans (ou plus) après. Outre le très Ed Banger Darn dont on parle plus haut, on pourra se plonger avec délectation dans Pay It Away qui pourrait, sincèrement et sans rougir, se mettre au milieu du disque d’un Mr Oizo, et affiche un mimétisme assez drôle avec le Patrick 122 de notre français préféré, 10 ans avant, mais en plus malsain. Flingué au maximum, flirtant avec l’autodestruction, tout en ne se dépareille jamais, de ce coté funky dansant imparable. Le morceau va alors se payer le luxe de partir vraiment (mais alors vraiment) en couille en faisant intervenir des trompettes folles après un break impromptu. On capte plus rien, en se demandant si la fanfare a vu de la lumière pour débarquer dans nos oreilles sans s’essuyer les pieds. De loin le morceau le plus bizarre de Head On.
Close To Change tentera de jouer dans la même court, en beaucoup plus sourd et sombre. Faut imaginer Prince enfermé dans une cave depuis 10 ans s’amusant à faire de la musique avec ses menottes et les tuyaux de sa cellule. Explosions rythmiques, passages presque Breakcore, nappes fantomatiques et fugaces murs de bruits blancs. Pay It Away était la montée sous ecstasy, celui-ci en sera la terrifiante descente, le bad trip ultime, à peine rassuré par un Lidell croonant comme jamais.









N’ayez crainte, Take Me Home remettra les choses en place d’une façon affolante, en balançant sur une gratte funky éclatée un gros beat Techno et des montées extatiques façon sirènes rave. La voix de Jamie Lidell est juste hallucinante, possédée, tapant dans le James Brown bourré de coke. Il te harangue comme si tu étais dans une salle de concert puante de sueur, à danser contre 100 personnes au bord de l’orgasme. Yeah live that shit, ah ah baby stand to that shit ! lets go ! etc etc. Ouai, c’est James Brown qui veut chanter sur du Daft Punk, le tout massacré par un psychopathe en rut. Rouleau compresseur ovni, habité par des grondements monstrueux en arrière plan. Le morceau attend le firmament quand des coeurs démultiplient la voix de Lidell, qui se lance dans des Lalalalalaaaaaa communicatifs.

Head On terminera d’une façon moins barge et plus directement dansante, comme dans ses premiers titres, avec Alchemical Confession et You Loosen me Human.
Le premier nous balance dans un Funk technoïde planant, moite, presque sexuel, spatial. Un pied Techno rond est balancé pour supplanter les couinements romantiques du chanteur, alors que les nappes de Vogel enveloppent le tout pour te faire planer dans le ciel. Superbe. Bon, à partir de la moitié, on échappera pas à un break bizarre presque industriel, remplaçant peut être les solos de Saxo habituels, avec un Lidell qui semble littéralement se nécroser dans le monde des machines, et se perdre à jamais. You Lossen Me human versera plus, lui dans un dub aquatique et lancinant, doublé d’un pied presque hip-hop assez efficace. Le morceau va petit à petit évoluer dans une Drum & Bass vrillée, en ascension constante, avec ses petits synthés fragiles. Jolie conclusion de disque…



















2/ Super_Collider – Raw Digits





Raw Digits, le deuxième album, 4 ans apres, aborde le clash machine VS Soul-funk d’une façon bien plus radicale, noyant les racines de la musique du groupe dans un maelstrom de sonorités dignes de certains Autechre. Fini (ou presque) les rythmiques évidentes qui claquent et les mélodies imparables, bien que déjà saccagées comme jamais. Non ici, c’est bienvenu la guerre des machines, c’est un futur dévasté, c’est une terre où règne androïdes torturés.


Pourtant, Messageascomin agit presque en trompe l’oeil. Ok, il n’est pas aussi évident que ses potes du disque précédent, mais garde un semblant de folie, de beats fou, d’envie de parader en claquant des doigts et en levant les bras. Il faudra être sacrement cramé, certes, mais quand même. On peut dire qu’il incarne le pont parfait entre les deux disques.
Le début pourra pourtant pétrifier, avec ces sons grouillants, et ces paraboles métalliques tournant autour de votre tête. Vlan, rythme pachydermique, appuyant des nappes passant sur vous, lancinant, imposant, tel des vaisseaux aliens à l’abordage d’une mégalopole américaine. On à l’impression de capter des bruits survenant de partout, comme si l’on se retrouvait à se balader des rues d’un quartier futuriste. Lidell est fou, n’a point perdu de sa superbe, sautillant sur ce lit métallique de la façon la plus naturelle possible. Dansant, oui, mais surtout écrasé, broyé et paranoïaque

Et c’est dès Closetails que l’on va plonger dans l’Idm la plus opaque et flinguée, à mille lieux de ce que l’on pourrait proposer à un chanteur ayant un minimum de stabilité mentale. Ici aussi, un rythme hip-hop subsiste, mais qui se retrouve étouffé par un concerto de barres métalliques s’entrechoquant, de bleeps en spirales et autres grondements non identifiés. Tu prends un Night-club, et tu remplaces les usagers par des aspirateurs et des mixeurs sur patte.









La descente continue de plus belle avec le pétrifiant Bug Trackin, qui après une intro clownesque malsaine, nous embarque dans un funk-dub fantomatique, un slow au pays des morts, décharné, bourré de reverbs. L’immensité du tout est impressionnante, et un semblant de guitare donne un cachet mélancolique au tout. La voix de Lidell touche en plein coeur, et l’on se laisse bercer par cette comptine puant le désespoir et l’abandon. Comme si on dansait un dernier slow avec le cadavre de la femme de sa vie, le tout dans un égout, avec les jambes rongées par des rats vomissant la peste, avant de s’étouffer petit à petit avec les ordures.
Gravity rearrangin rassurera un minimum en se prévalant de la compo la plus “normale” des deux disques réunis, proche des exercices de l’abum Multiply de Jamie, en laissant le monsieur crooner sur un simple beat Hiphop un peu ralenti, tranquille et apaisant.

Spillin Visions agira lui comme une bouffée d’air à retardement. Très sombre et opaque en ses prémices, presque claudiquant, et habité par des nappes à filer la chair de poule, il va laisser Jamie Lidell reprendre le pouvoir, en poussant d’une voix cristalline un couplet à faire chavirer les coeurs tant la voix tue sa maman. Il lâche ses tripes en offrande à la mère lune, sur des claviers d’aliénés et autres sons paraboliques façon voiture-qui-vole-dans-blade-runner.

D’ailleurs, pas mal de ces sons renvoient directement au Go Plastic de Squarepusher. Je ne parle pas des délires bruitistes de ce derniers, mais des sons sourds et des nappes malsaines qui perlaient tout au long du disque. Par exemple, le trip-hop déglingué et caverneux de In The Beams aurait presque pu se retrouver dans le disque de Jenkison. Mêmes réverbérations malsaines, mêmes kicks glaçants, même sonorités “rotatives”, avec en plus cette gratte perdue, solitaire comme jamais, qui pleure ses notes dans l’immensité d’une cave sans lumière.









Sans contestation aucune, ce disque cache un vrai chef d’oeuvre, un tour de force, un diamant qui tient autant à la musique expérimentale qu’à la plus belle des excavations Soul : Radianations On the Rise. Le début, transporte directement dans le ciel, tant il tranche avec les sonorités métalliques émises jusqu’ici. Jamie Lidell nous sort un chant sublime, grave, multiplié pour donner un effet de chorale, un petit interlude flamboyant, d’un charme fou, à faire chavirer n’importe quelle demoiselle. Vide astral, désert ou seul le vent souffle, petits bleeps bizarres qui sonnent. Vlan, un beat Hip-hop à tirer des larmes de bonheur débarque, lancinant, assuré, plein d’aplomb mais bien en retrait. Des nappes cristallines tournent, vous percent le coeur, c’est beau à pleurer. Des cordes orientales explosées d’effets débarquent, et Jamie Lidell, avec l’assurance d’un champion du monde, débarque pour t’en mettre plein la vue. Et là, on pense immédiatement, à Timbaland, et particulièrement à son We Need A resolution avec Aaliyah. Si si, on croirait presque reconnaître la même mélodie de corde, se glissant fugacement entre deux rythmes. Alors évidemment, ça pourrait etre le titre d’Aaliyah, mais immolé et jeté dans une hélice d’avion.
Reste que le truc humilie presque le producteur américain, semble en constante mutation, vrille, flambe, sans jamais se déparaitre de cette assurance et de cette retenue. Les choeurs montent, tout explose sans exploser, les cordes nous frôlent, se font plus présentes, et Jamie Lidell se transforme en crooner fou, assurant un mimétisme presque frappant avec Mike Patton. J’ai presque revérifié sur la pochette que le chanteur de Mr Bungle ne venait pas taper un petit featuring tant le tout est affolant. Le morceau s’envole, se nécrose, s’enfuit dans un maelstrom de bruits blancs, de machines effrayées et de mélodies caverne-de-glace à vous arracher le coeur, le tout sur plus de 7 minutes. Radianations On the Rise est un morceau sublime, impérial, la pièce maîtresse de TOUT ce qu’a pu pondre Jamie Lidell et Vogel.


On pourrait être blasé après cette folie, surtout quand on nous annonce que le dernier morceau de Raw Digits est totalement instrumental, les deux zozos se planquant derrière les machines. Rejouissez vous, Collide n’Conquer est pour moi tout simplement l’un des plus beau morceau d’electronica qui m’a été donné d’entendre dans ma vie. A ranger au coté des plus belles compos d’ Autechre ou de Plaid. Les fondations du titre sont au moins aussi secouées, avec cet enchevêtrement affolant de rythmes, de bruits, de machines. Ça crisse, ça grince, ça prend vie. Et, au milieu de ce dédale électronique sûrement perle une mélodie sublime, à faire chialer, qui ne tient pourtant qu’en quelques nappes tenues, difficilement indentifiables, entre le grincement d’une machine et le clavier rouillé. Break, on repart dans une rythmique barrée, grouillante, explosé, avant de laisser perler de nouveau la mélancolie de ce robot pleurant sur son sort, sur sa solitude, noyé par ses congénères, écrasé sous le poids de mille tonnes de métaux. Tout s’éteint progressivement, nous laissant seul, presque retourné d’avoir pu partagé un petit moment d’une mélancolie si intense avec un bout de métal, comme si l’on avait fait des adieux déchirant à sa machine à laver préférée.











Expérimentation, destruction, beauté, mouvement, rythme, les deux disques poussent le vice au maximum, dans des directions complémentaires. Impossible de parler de l’un sans aborder l’autre, d’où l’obligation de faire un “double” article.
Chrstian Vogel et Jamie Lidell avaient réussi avec Super_Collider à créer un mélange completement antinomique de prime abord, cristallisant, pour les deux, ce qu’ils ont pu faire de meilleur. Les deux disques écrasent sans remissions les productions annexes des deux compères, mais explosent aussi la plupart des disques d’electronica un peu frappadingues.


En écoutant ces galettes, on comprend que le virage operé par Jamie Lidell est logique, que ce dernier à pousser son envie viscérale de faire de la Soul, du Funk, dans les règles de l’art. Et il le fait bien. Le seul truc dommageable, c’est que la notion de “risque” a malheureusement disparue de ses productions. Je rêve d’un nouveau disque de Super_collider avec le Lidell et le Vogel d’aujourd’hui. Pour le coup, le groupe n’a jamais été arrêté, il est juste mis en parenthèses jusqu’à nouvel ordre. C’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. En esperant que les deux aient, tout à coup, une envie irresprecible de repousser les limites du possible, de reprendre des risques.




En attendant, on peut toujours se délecter d’un Raw Digits impressionnant, intemporel, qui pourrait sortir cette année et paraître incroyable, ou dans dix ans, sans prendre une ride, et d’un Head On ravageur, à filer le tournis à tout amateur de sons expérimentaux et imparables.
Les deux disques de Super_Collider répondent de toute façon à un vieux fantasme : télescoper le Funk le plus pur avec l’électronique la plus désaxée, la plus futuriste possible. On ne pouvait pas rêver à meilleur résultat pour ce mélange.




C’est la Soul du futur, celle que l’on entendra dans les clubs crades des megalopoles puantes et futuristes, entre la cité labyrinthique de Blade Runner et les ordures de Zalem. Là où “l’organique” n’est plus. Là où la chair se retrouve noyée, accouplée, déchirée, annihilée par le métal. Indispensable.



















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Pyramids – Pyramids

Posted in Chroniques on July 25th, 2008 by Dat'


Where we’re from the Zombies sing a pretty song






Je parlais de trains il y a peu. Sur le fait que j’aimais les salades maigrelettes du Wagon restaurant. Intéressant. Mais ce que j’aime particulièrement dans ces tubes de métaux estampillés SNCF, c’est poser ma tête contre la fenêtre et voir le paysage défilé en écoutant de la musique diffuse, pénétrante, évasive, et accessoirement, belle. Qu’elle soit violente, calme ou expérimentale, il faut qu’elle ralentisse le temps, vous enfourne le corps et le coeur dans un drap brumeux, ouaté. On regarde les plaines, les arbres, les bâtiments défiler d’une façon completement absconse, entrecoupés de vides psychiques, dans un état semi comateux. Je m’endors souvent dans un train d’ailleurs, à trop me laisser bercer par ce mouvement perpétuel agréable et sécurisant. Avec un peu de chance, ce genre d’état annihile presque le mouflard qui hurle en fond de voiture, chose inhérente à chaque long trajet.



Il arrive, au détour d’un champ de maïs et autres étendues occupées par de jolies vaches gambadantes, que l’on croise un Ovni virevoltant dans le ciel, rapidement éclipsé par la vitesse du Tgv. Résultat d’une saturation musicale résonnant violemment dans vos oreilles ou réelle visite impromptu de nos voisins martiens, difficile à dire.
Ce qui, par contre, est assuré, c’est qu’avec ce Pyramids, le ciel risque vite de se transformer en véritable champ de bataille pour une armada d’humanoïdes à la peau verte ayant plus d’yeux sur le corps que de poils de cul.

















Derrière cette drôle de jolie pochette, aux artworks interieurs qui tuent, se cache un groupe qui, justement, se cache bien. Même chez Hydra Head, (label abritant de grosses têtes comme Jesu, SunO))), Boris, Dillinger Escape Plan ou Neurosis), on ne sait pas vraiment d’où sort cette formation, en ne rencontrant qu’une fois un seul mec du groupe, pour les procédures de rigueur. Le groupe semble sorti de nulle part, avec aucune trace de concerts ou disques derriere eux…
Les Pyramids semblent bien mystérieux et allumés, même pour leur maison mère, sans pour autant cultiver le secret absolu à la Burial. Des originaux simplement, qui ne se cacheront pas pour faire leurs lives. (Attention, ce groupe Pyramids est à ne pas confondre avec les The Pyramids un groupe, parait-il, de punk rock.)








C’est en lançant Sleds que l’on comprend rapidement ce dont je voulais parler plus haut. Mur de guitares étirées et ralenties, flottant dans vos oreilles comme le ferait un nuage de fumée, le titre étonne par la voix super haut perché du chanteur, qui hulule au milieu du marasme. On croit au début entendre le chant du morceau Derek de Animal Collective en slow motion, avant de filer sur quelque chose de très Sigur Ros. Et rien de plus. Une centaine de guitares, mille peut être, qui grondent, qui tourbillonnent autour d’une prière déclamée par une âme errante. Steppes arides ou caverne de glace, difficile de trancher. Une seule certitude, on est seul, planté au milieu d’un No Man’s Land, en train de contrôler les derniers spasmes provoqués par une mort certaine. Le titre est très beau, frise le sublime, et ouvre parfaitement l’album. Il nous balance surtout en pleine face un jugement hâtif : “Ok, ce disque, ça va être du shoegaze pur et dur. Je me calle dans mon canapé et je me prépare à flotter dans les limbes de l’inconscience”

Et là, c’est le drame. Enfin la surprise plutôt. Car Igloo s’il se couvre du même manteau de guitare effarant, se retrouve pilonné par une rythmique acharnée, ultra violente, qui emprunte autant au Black Metal qu’à la Techno industrielle. Pourtant, rien n’est agressif. Tout est en retrait, comme si vous étiez posté en haut d’une montagne, à regarder une ville se faire écraser par un tapis de bombe, très très loin. On assiste à la naissance d’un vrai alien, d’un mille-feuille musical sans précédant :
Les guitares, massives, ahurissantes, nous plongent dans un Shoegaze lunaire, décharné, détruisant tout repaire. Le rythme flirte avec l’épileptique, tout en étant étouffé par une cathédrale de nappes qui se fondent dans du bruit blanc. On ne pourra même pas distinguer si le tout est fait avec trois cent guitares ou une bourrasque de vent amplifiée par mille. A moins que cela ne soit le chant de zombies affamés revenant sur terre en hurlant. Et au milieu de tout ça, un chanteur habité par la mort, qui se lance tranquillement une petite litanie pop, comme si Radiohead venait se taper tranquillou un petit refrain directement en enfer.
Au secours.

Encore completement retourné, hébété, voir détruit par ce 38tonnes pris en pleine face, The Echo Of Something Lovely se pointe la gueule enfarinée, renouant avec la beauté retenue de l’ouverture, se reposant sur des nappes cristallines superposées en immeuble, et une mélodie semblant survenir d’un manège encore en marche, enfoui sous la banquise, gamins figés à jamais dans un dernier sourire morbide. Tu peux même jouer ce titre le jour de ton mariage si tu es un ours polaire mangeur d’eskimos gothiques. On sent des battements sourds pointer au loin, mais ces derniers passent au dessus de nos caboches comme des paraboles. On se balade dans une église ensevelie sous la neige, avec pour seuls visiteurs des squelettes prisonniers dans leur cercueil de glace.









On pense alors saisir ce Pyramids. Sauf que le tétanisant End Resolve débarque pour nous fracasser la gueule en mille. Deux secondes. Allez trois. Seules les trois premières secondes semblent normales. Apres, c’est plongé en apnée dans une piscine emplie de coton (agréable) où s’ébattent des piranhas sanguinaires (pas agréable). Heureusement, tu fais l’amour avec plein de gens (agréable) mais l’organisateur de la partouze décide dans une crise d’hystérie de tous vous cramer au napalm (pas agréable).
Un mur pachydermique de guitare et de nappes, à s’arracher la colonne vertébrale tellement c’est beau. Des saturations suffocantes qui te donnent l’impression d’être coincé sous une bombe atomique. Une voix hallucinée, qui halète d’une voix aigue, entre orgasme malsain et tube Mtv façon Britney la slave pour toi. Le plus drôle, c’est que le mec part au final dans un chant à te filer la chair de poule de ton été, tellement il s’envole genre Rock de stade. Sinon, il y a aussi une rythmique façon AK-47 déréglée, qui fait trembler le moindre centimètre de tes intestins. Et je ne parle pas de la montée finale, qui cramera n’importe quel neurone encore en marche après une telle syncope musicale. Le plus frappant, c’est que tout est tellement parfaitement dosé que l’on est jamais bousculé, jamais mis à mal. On vole, on est bien, l’air béat, on plane. Au dessus d’un brasier sans fin. Immense morceau.
Pour résumer, ce titre, c’est Sigur Ros vs My Bloody Valentine vs Une usine à métaux vs Merzbow vs Mayhem vs Radiohead vs Du vent à 250km/h dans un tunnel sans lumière.









Le groupe va même pousser le vice de noyer un morceau de Pop Blues dans son maelstrom étourdissant avec This House is like any other world. C’est très drôle. Imaginez Chris Isaak prendre sa gratte, mettre son chapeau de cow-boy, et commencer à chanter de sa voix de velours son diamant Wicked Games. Toutes les filles sont en pamoison, les hommes se redressent, les briquets s’allument, les verges se tendent, l’atmosphère est tamisée, on danse un slow en se laissant bercer par le crooner d’un soir, lové contre la personne que l’on pense pouvoir aimer pour toute une vie. Mais voila qu’une bande de désaxés débarquent avec un hélico, se servent du bruit de l’hélice comme rythme en l’amplifiant jusqu’à overdose, et tirent dans la foule pour rigoler, le tout en tapant sur une dizaine de guitares branchées sur pédale à effet. Genre le groupe Hanatarash qui débarque en plein bal de promo avec un bulldozer, histoire de mettre l’ambiance. Ils se taperont d’ailleurs les fonds de verre avec Hillary, véritable réminiscence post-traumatique industrielle.

Quand à Ghost, c’est encore le morceau Pop qui va se faire enfiler par un matraquage de fûts épileptique, une couche glacière de nappes shoegaze façon apesanteur zéro et des guitares qui montent percer les nuages, la stratosphère et les étoiles, pour virer violemment de bord et t’envoyer directement chez le diable en personne. On est attaché à une chaise, les yeux bandés, et jeté dans un ravin sans fond, avec vent qui souffle à t’en faire exploser les tympans. Mais la morphine afflue dans nos veines, donc c’est cool, on apprécie le voyage, presque apaisant ( ?!?).

Le premier titre du disque était clairement le seul à pouvoir être affilié à un style sans hésitation, le Shoegaze, sans que celui si ne soit plongé dans un empilage presque excessif de couches sonores. 1, 2, 3, concluant Pyramids fera de même, en étant un (presque) pur morceau de Black Metal, avec sa guitare acérée, sa rythmique de folie et ses grognements semi-hurlés à la clef. Sauf que bon, faut pas déconner ici aussi, le tout sera auréolé d’une enveloppe sonore à faire flipper le producteur de Phil Collins. Quand à la voix, elle n’émane pas d’un chanteur un peu énervé par pleins de trucs, mais bien d’une armée entière de trolls drogués au Lsd placés dans une cuvette sans issue.










Avant de se lancer dans une conclusion qui n’aura pas énormément de sens, il faut préciser que l’album est vendu avec un deuxième disque qui propose des remix/relectures des morceaux de l’album par des invités d’Hydra Head et consorts. Bon je ne suis pas très amateur de ce genre de trucs, les remix étant parfois bien gadget, mais on ne va pas rechigner sur un disque bonus.
On peut néanmoins affirmer que le groupe Jesu signe de loin le meilleur remix du lot, en transformant littéralement The echo of something lovely, devenant de toute beauté, s’étirant sur presque sept minutes, nous emmenant sur des terrains electronica absolument sublimes, proche de M83, et écrasant l’original à coup de talons, sans hésitation. James Plotkin s’attaque au même titre avec presque autant de réussite, rajoutant un petit coté organique au morceau avec ce semblant de piano, et fait muter le cramé 1, 2, 3 en véritable attentat industriello-hardcore. Le reste oscille entre le le bon ( Celui de la triplette Toby Driver / Ted Parsons / Marston ou de Blut aus Nord) et l’inutile.










Difficile, vraiment difficile de décrire un disque pareil. Du Métal et de la pop passés à la moulinette Shoegaze. Ou le contraire. Ou les deux. Voir carrément autre chose. Le son est en plus tellement massif, tellement imposant, mais dans le même mouvement tellement aérien qu’il forme une mixture presque inédite dans nos tympans. J’ai beau chercher, je ne vois pas vraiment de comparaisons, d’équivalent pour imager le propos.
Etonnement, les chansons sont assez courtes pour le genre, mais elles sont tellement foisonnantes que le tout passe comme une lettre à la poste. (Même si j’e verrais bien une ou deux pistes s’étirer sur 8 ou 9 minutes…) On reçoit mille informations à la seconde dans nos oreilles, tout en ayant l’impression de errer dans une cathédrale grande comme le monde, hanté par les cadavres de tous les rockeurs du monde, bien décidés à jouer le même accord de guitare en communion.

C’est du Shoegaze, oui. Mais ce dernier est tellement massif et ravagé que le Loveless de My Bloody Valentine, à coté, c’est du Shakira. Rassurez vous, je ne parle pas en terme d’émotion ou de qualité hein, mais de façon factuelle, en prenant le “son” en lui-même : Ce disque nous donne l’impression de se prendre un train en pleine figure couplé avec une avalanche et six moteurs de Boeing 747.


Disque rare, grosse curiosité ou simple marasme inextricable, à voir. Reste que ce dernier renferme de superbes compositions, alternant plénitude totale et terres dévastées, sans jamais user d’artifices violents et dérangeants. (Et sans oublier le sublime remix par le groupe Jesu, argument de poids vu la beauté du morceau ) Enfin si, la violence est bien présente, mais Pyramids la noie dans un ras de marée de nappes et une muraille de guitares cristallines, désamorçant donc toute tentative d’agression frontale. Je dis bien frontale, car si l’agression est évitée, il n’en reste pas moins une forte perte d’équilibre, une annihilation complète des repères, et un sentiment de déstabilisation frôlant le sadisme.


Pyramids est un peu au Métal ce que Fuck Buttons est à la musique électronique : Un indescriptible mélange entre beauté pure et chaos total, jouant sur les extrêmes avec une insolence presque autiste.







MP3 (casque fortement conseillé) du tétanisant End Resolve et du très beau Sleds :



Pyramids – End Resolve (Clic droit / Enregistrer sous)


Pyramids – Sleds








Hydra Head – 10 Titres + 9 titres
Dat’