I’m so wet that the pussy get mad at me
Bon, on a tous des disques que l’on défendra jusqu’à la mort. Contre vents et marées, à faire chier ses potes pendant 5 ans à base de « hey au fait je t’ai déjà fais écouter xxxx ? » « Oui, et je t’ai dis au moins dix fois que je n’étais pas fan » « Oui ok, mais tu as vraiment bien écouté la 3minute de la track 9 ? Attends je te la remet » et donc à force vous perdez toutes vos connaissances, puis votre job car vous êtes écrasé par la tristesse, et l’on vous retrouve un an après pendu dans votre salon le froc souillé. Le bonheur de la musique.
Alors oui, des Cd dans le genre, il y en a une poignée, que je traine avec moi partout, au cas où, si un jour je peux croiser une personne qui aura la même révélation en les écoutant. Alors je tente de les coller dans les bars, dans la rue, de faire du prosélytisme musical un peu partout. Le Bad Thriller d’Abstrackt Keal Agram, le Wxfdswxc2 de Raoul Sinier, le premier Ep de Nil Hartman, le Sell Our Soul de Tha Blue Herb… Et donc, (on arrive au gros du sujet) le Totally Rad And Dj Fuck de Watkin Tudor Jones. Qu’est-ce donc ? Petit retour dans le passé.
Il fut un temps où un groupe français, Interlope, avait sorti un énorme album de Drum’n bass, au moment ou cette dernière commençait sérieusement à sentir le fenouil. Ce Talk To The Beat m’aillant bien marqué à l’époque, on part en bande avec la bagnole pour aller voir le duo dans une MJC pourrie de Bretagne, où il y avait plus de mecs dans les chiottes à prendre des pilules que dans tout le reste de la salle. Bref, après une bonne baffe live, les deux bonhommes confirment l’arrivé sous peu d’un nouvel album assez différent, beaucoup plus Hiphop. Je saute dessus comme un mort de faim, et outre Jamalski, on retrouvait sur les morceaux un mec complément inconnu, Mc Totally Rad, avec un flow complément cramé, malléable à foison, génial. Ses incursions devenant mes passages favoris de ce Electrified, je cherche pendant quelques mois d’autres morceaux de ce type, sans succès. Quelques années après, il y a 4 ans pour être précis, Jarring Effect sort une compilation d’albums from South Africa. Dedans, un Lp absolument gigantesque, du même Mc Totally Rad aka Waddy Jones. Et là c’est la claque absolue. LE Monstre.
Que cela soit dit, ce Mc Totally Rad and Dj Fuck, qui est sorti en France sous ce nom, et en Afrique du Sud sous le nom de l’artiste, Watkin Tudor Jones, reste l’une des plus grosses baffes de ces dernières années en Hiphop déviant. Tout est parfait, dans les beats concoctés par Sibot, et dans le Flow de Waddy Jones, incroyable, protéiforme au possible, Mike Patton de la parlotte, passant les vitesses comme un enfoiré, changeant de voix et de rythmes toutes les trente secondes, pouvant maitriser n’importe quel beat avec une facilité hypnotique (Super Evil, génial à ce niveau là). On entendait le mec sur des trucs débiles ou banger expérimentaux sans disctinction, avec en point d’orgue Visitor, ou le monsieur se met à râper sur la thème song de Megaman 2, le génial Sun On My Face et l’écrasant World Champion, superbe diatribe sur la musique/création, et tellement efficace que tu te demandes encore pourquoi il n’a pas grillé toutes les radios. Je sais, ce n’est pas très sérieux de dire ça, surtout que le disque sort de nul-part, mais ce Fuck’n’Rad est carrément dans mon top 10 disques of all times, sans soucis.
Quelques mois après sort une nouvelle galette de Waddy, Maxnomal.tv, assez énorme (Total Fuck Up, parfait résumé d’un pan du hiphop, ou RapRaveMegamix, dont on va reparler plus bas) mais reprenant pas mal de morceaux du disque précédant, et des productions moins flamboyantes, ce qui fait bizarre. Le concept est diffèrent, le Mc rappant en costard ou en raveur craqué sur des présentations powerpoint, et commence à changer de personnage comme de chemises, aidé par une nana à la voix hélium (Yo-Landi). MaxNomal.Tv c’était ton DRH qui t’expliquait la vie en hiphop. Puis plus de nouvelles. Rien, que dalle, même en cherchant bien, le mec ne disparaît du radar musical. Et vu que je n’ai pas souvent l’occaz d’aller en Afrique du Sud, ben je reste sur mon Totally Rad en chialant de bonheur pendant quelques années.
Et tout à coup, gros buzz, un clip tourne partout depuis quelques mois, morceau à la débilité extrême, Enter The Ninja, semblant aussi débouler d’un trou noir. Je le regarde en me marrant, puis mon cerveau fond au bout de 10 secondes, c’est Waddy Jones qui canarde de nouveau, et semble bruler Internet. Un nouvel album est dispo, cette fois sous le nom de Die Antwoord, toujours accompagné de Landi Visser, et d’un mystérieux dj Hi-tek qui change de gueule à chaque fois. Waddy Jones veut encore se marrer avec un projet débile, cette fois plus accès sur le trip Sud-African-Slang. Le groupe file son album gratuitement sur le net, 16 titres completement craqués, totalement dans la continuité de ce que faisait le bonhomme auparavant, l’album de Die Antwoord contenant des morceaux datant de plusieurs années, (Dagga Puff, Beat Boy voir carrément une 3eme fois Super Evil, déjà inclus sur les Lp de Totally Rad et Maxnormal)
Filé gratuitement au départ, sans réel plan marketing, (et avec une pochette tellement immonde qui ne fait aucun doute sur le fait que le mec n’aurait jamais pensé commercialiser mondialement le truc) le groupe se voit dépassé par le Buzz gigantesque créé par Zef Side et Enter The Ninja, qui déferlent “all around the Interweb”. Le Lp gratos se doit de disparaître, on prévoit une ressortie mondiale, Mc Totally Rad est près à envahir le monde :
Du Twitter de Katy Perry à Pitchfork, en passant par un concert fait avec Aphex Twin, plus besoin de faire chier ses potes en foutant le Cd tous les samedi soirs, Waddy Jones s’occupe de parasiter le monde tout seul. Parfait.
Alors il faut savoir qu’entre la première version de $o$, gratos, et la nouvelle, il y a pas mal de modifications. Tracklisting changé, plus ramassé, nouveaux morceaux, et d’autres qui passent à la trappe, difficile de contenter tout le monde. Le packaging fait dans le simple, avec une cover qui défonce et des crédits de pochette bien débiles. Je m’attendais à un peu plus de folie, c’est dommage. Mais il y a un chat dans la pochette, donc c’est cool.
Le contenu diffère donc, et montre, mine de rien, les changements opérés le groupe avec leur exposition. Yo-Landi Visser, qui était sur le premier SOS (et sur MaxNormal.tv) une voix marrante plus qu’autre chose, se chargeant surtout des refrains et de quelques incursions vocales, a pris au moins autant d’importance que Waddy “ninja” Jones dans le groupe. Par son look surtout, par le buzz de la proposition de Fincher aussi, et les clips évidemment. Le projet devient duo à part entière, là où on percevait surtout le fantôme Hi-tek (et son pc computaaa) et Visser comme des éléments gravitant autour de Waddy.
Evidemment, c’est Enter The Ninja qui fait le beau sur ce disque, morceau complètement hors temps, reflétant parfaitement la dualité cramée de Die Antwoord. L’instrue est cheesy à mort, avec des synthés dance-pute parfaits, des petits bleeps electro émo qui te font frissonner l’échine de honte, mais en fait tu aimes ça tellement fort en secret que tu te sens bien. Bref. Les lyrics sont tellement pourris, égo-trip ultra crétin impossible à prendre au sérieux, avec un dernier couplet tellement foireux qu’il en devient culte : “Fuck, this is like / The coolest song I ever heard in my whole life / Fuck all of you who said I wouldn’t make it / Who said I was a loser / They said I was a no-one / They said I was a fuckin’ psycho / But look at me now: / All up on the interweb”. Quand le mec a écrit ça, c’était au départ pour les MJC sud-Africaines. Mais Waddy lit dans l’avenir, il est balaise. Ce morceau c’est donc la présentation de la nouvelle facette de Waddy. Il se fout de notre gueule, peut être. Sauf qu’il arrache l’instrue comme d’hab, avec son flow d’enfoiré qui sublimerait même une instrue de Richard Gotainer.
Et derrière la blague, il y a le respect, du flow certes, mais de la référence surtout. Le mec, il aime la Dance des 90’s, les synthés pourris, les minijupes roses. Il va se faire des biftons, devenir connu grâce à ça. Ce Enter The Ninja, ça ne peut pas être autre chose qu’un spoof, une reprise, non, un hommage à l’horriblement indispensable morceau de Smile.Dk, “Butterfly”, que tu as oublié parce que tu l’écoutais en prenant ton gouter au collège, mais que l’on t’a dis que c’était trop pourri, et qu’il fallait mieux se battre sur le fait que Smash de Offspring était mieux que le nouveau Oasis. Merci Die Antwoord.
Et la majorité des titres présents tapent dans ce délire. On ne le voit pas forcément, mais Die Antwoord, c’est aussi un hommage à Hit Machine. Une sorte de négatif de tubes des années 90. Je n’ai pas de preuves formelles, mais quand tu as vécu cette période, ton palpitant vibre tout du long, tu le sais, Waddy Jones te mord le lob d’oreille. Synthés cheesy, vieille dance cramoisie, “Next level beats” et un mc qui rappe comme un enfoiré :
$copie, et son “no means yes” qui a fait jazzer les féministes de tout poil, la terre entiere aime. Yo, c’est un remix de 20fingers et son Short Dick Man que tout le collège chantait à la récré. Même Bassline, même régression dans les lyrics. “Don’t Want a short dick man” se transforme en “I got whatcha you want boy / I got whatcha want / You never gonna get it / So you might as well forget it”. Waddy Jones est irrattrapable sur les couplets, il dit de la merde bien salace, et on ne comprend pas la moitié du texte vu que c’est du slang sud-africain, mais le balance tellement bien que c’est du miel pour tes tympans, tu te sens bien avec tes ray-ban et tu as envie d’ouvrir les fenêtres de ta bagnole pour le faire savoir sur la place du village. Tube parfait, irrattrapable.
Wat Kyk Jy ? Hommage au Tuning et la culture Zef sud-af, passera un ersatz du thème de Mortal Kombat en diagonale, et te balance un refrain de gros bourrin. Sauf qu’au milieu, Ninja te saigne les couplets avec un flow posé et lubrique, qui te caresse le bidou comme des draps en soie maculés de cyprine. Et encore, il n’y a pas le remix d’Enter The Ninja par le mystérieux Dj Fishsticks (…) qui te transporte dans le paradis des nappes trance-dance-émo que j’aimerai arpenter tous les deux jours.
Bon par contre, les choix de Tracklist ne sont pas toujours pertinents. Ne pas inclure Very Fancy, I Don’t Need You, Lie Maatjies et Wat Pomp sur la nouvelle édition, c’est une belle connerie, vu comme ces morceaux démontaient la $o$ première version, et tapaient dans une veine bien Mc Totally Rad. (L’urgent Wat Pomp a été réintègre au dernier moment en titre bonus dans la version deluxe, mais bon…). Il a fallu que les mecs gardent le dégueulasse Ritch Bitch, qui était franchement le pire morceau du Lp gratos. Ca se justifie par la place prise par Yo-Landi, vu que Ritch Bitch est le seul morceau qu’elle arpente de bout en bout, et qu’il en fallait bien un. Certes, mais il fait franchement pale figure comparé aux précités.
Heureusement, les bonhommes ont gardé Beat Boy, aka le meilleur titre de $O$, et surement l’un des toutes meilleurs phase de Waddy Jones. Déjà présent sur le Lp de MaxNormalTv sous le nom de RapRaveMegamix, ce monstre de 8min30 est une hallucination pure, un morceau de hiphop electro rave pute débile incroyable, avec un texte tellement graphique sexuellement que le 3éme étage des magasins Lammtarra passent pour des Disney Store. Donc oui, ce morceau devrait être placé dans le dico dans la définition du mot progression : L’instrue, booty synthétique, qui craque petit à petit pour se transformer en rave psychotique droguée. Le flow de ninja, qui devient de plus en plus haché et aléatoire, pour finir sur des incantations shamaniques. Et donc ce texte, qui passe du hiphop salace classique à la description de fantasmes qui feraient flipper Patrick Bateman. Je veux entendre ce truc en live. Jouissif et imparable.
L’album se termine sur l’excellent Doos Dronk, tranchant avec les ambiances tek-débiles du cd, pour partir sur une instrue façon filme de pirate psychotique avec chœurs et guitares métal finlandais en mode digressions noisy. Dégagé du Lp avec l’absence de Wat Pomp, l’excellent Jack Parow revient finalement taper la croute avec Die Antwoord et bouffe le beat avec sa voix d’alcoolo, et tout le monde saute sur la production avec des torches et des haches pour nous casser la tronche.
Avec la mise en lumière du groupe, les mecs ont du flipper un peu pour pondre de nouveaux morceaux, il doit y avoir une sacrée pression pour ne pas se planter. Manque de pot, c’est mi-figue mi-raisin. In Your Face est plombé par un refrain horrible. Fish Paste est sympathique dans le genre, banger Hiphop bien rentre dedans, mais qui n’a vraiment rien de spécial. Et fait franchement regretter l’absence de titres plus pertinents de $O$ première version.
Evil Boy, produite par Diplo, relève le niveau, mais le beatmaker de Major Lazer ramène Die Antwoord sur des terrains arpentés par une bonne centaine de groupes actuellement. Le titre est bon, mais n’a pas la saveur “Die Antwoord”, à cause d’un écrin efficace mais banal. D’autant plus que le dernier couplet de Ninja, présent dans le clip vidéo, est inexplicablement absent sur l’album. (Et c’est ce qui faisait pourtant passer le morceau de sympa à vraiment bon)
Mais, à l’instar de Beat Boy cité plus haut, Die Antwoord cache une autre gemme dans son entre-jambe, avec She Makes Me A Killer, inédit de 7 minutes absolument génial, justifiant à lui seul cette version Lp payante. Waddy Ninja Jones y narre ses errements amoureux avec un texte tellement débile que le tout devient œuvre d’art. A coté, American Pie, c’est la Pléiade. Encore une fois tout est parfait, le flow du mec est incroyable, l’instrue est une vraie bombe, et s’envole à chaque refrain dans les chœurs à la Gnarls Barkley complètement craqués. Kid Cudi aurait tué pour avoir ce morceau sur son dernier album, manque de pot, il ne savait pas qu’il fallait aller en Afrique du Sud pour avoir un truc aussi parfait. Le truc est épique, superbe, débile, et le morceau cristallise presque tout ce qui se faisait de mieux sur le disque Mc Totally Rad & Dj fuck.
Alors forcément, le grand jeu sur internet, c’est de savoir si le groupe est sérieux ou non. Si les bonhommes ne sont qu’une vaste parodie, de vrais cramés pensant être des ninjas-gangsta à coté de la plaque, ou un groupe qui sait parfaitement se placer dans les médias pour exploser. Evident, d’autant plus que l’on ne peut que saluer le talent de Waddy Jones pour brouiller les pistes. Les multiples interviews promotionnelles qu’il diffuse sur le net depuis quelques semaines sont les meilleurs exemples de son art pour construire le mythe. Le groupe va aborder le sujet de Evil Boy, parlant du problème de la circoncision obligatoire faite à l’arrache dans certaines “tribes” sud-africaines (dont celle de Wanga donc, en feat) comme étape pour passage à l’age à l’adulte. Puis aborder, sur le même ton, de sombres sujets sur le chien d’une voisine empêchant ninja de dormir ou discourir sur la chatte-à-ta-mère-gardée-dans-du-formol (si si). En allant même jusqu’à se tatouer ses punchlines les plus pourries/savoureuses sur son corps. Cette posture impossible à définir, Waddy l’avait déjà dans des rares interviews trouvables sur le net. Mais c’est l’ampleur du phénomène qui rend les choses intéressantes, là où il aurait pu passer pour un dingue hurluberlu auparavant.
Le nouveau disque, lui, est bon, et fait la gueule en même temps. Blessé par des choix franchement dommageables (Ne pas inclure certains titres de $O$ 1st version, enlever le dernier couplet de Evil Boy, mettre l’excellent morceau électro SOS en titre caché après 5 minutes de vide alors qu’il était morceau à part entière auparavant…), cette nouvelle version se révèle moins bonne que l’album filé gratuit il y a encore quelques mois, puis disparu quand le tout à commencé à trop flamber. Ce qui est un comble. Mais en même temps, on pourrait me contredire à cause de la présence du morceau She Makes Me A Killer, gigantesque, et de la ré-intégration de Wat Pomp en titre bonus.
De toute façon, si Die Antwoord peut en pousser certains à aller écouter l’album de Waddy Jones The Fantastic Kill / Mc Totally Rad & Dj Fuck, alors ce $O$ est la meilleure chose arrivée en 2010. Quand aux fans du disque précédant, ils peuvent se jeter sur ce nouvel LP sans soucis.
Die Antwoord, ce n’est évidemment pas sérieux. Mais c’est sacrément intelligent. Pretty Wise, comme dit le tatouage de Ninja sur sa gorge. Surement la création de groupe le plus pertinent depuis plusieurs années. Finalement Die Antwoord réussi le grand écart absolu. Le groupe pose sur de la techno ultra cheesy, puis va faire un concert avec Aphex Twin. Waddy Jones a un flow incroyable, mais va parler d’autographes sur nichons et d’éjaculations dans des verres à champagne. Les mecs sont les nouveaux chouchous de Pitchfork, mais rappent dans le LP sur des refontes de SmileDk ou Short Dick Man. Ce type qui a vu son disque sortir sur Jarring Effects se retrouve sur le Twitter de Katy Perry. Et ça, c’est beau.
De toute façon, il y a obligation de prêter allégeance à Waddy Jones, ce dernier devant sauver le monde dans les années qui viennent. You can’t fuck with the chosen one.
bam bam there a reminder (enfin surtout illustrer l’intro) :
Et l’ineffable “Visitor” :
10 Titres – CherryTree / Interscope
Dat’