> Top / Rétrospective 2020
Sous couvert de pandémie, virus et confinements, 2020 m’a poussé à écouter beaucoup plus de musique que d’habitude, vu que rester chez soi est devenu la norme. Entre longues journées de télétaff et week-ends passés sur un canapé, cette année de merde a, au moins, été propice à l’avide découverte d’un max de nouvelles sorties musicales (tant que la santé est là, évidemment).
Cela faisait des années que je n’avais pas écouté de la musique pendant 8 à 10 heures quotidiennement, à fouiller les artères les plus sombres de datpiff ou watmm, et avec ce sentiment bizarre parfois de ne plus avoir assez de nouveau disque à écouter (et dire que je plaisantais là-dessus dans l’intro du top de l’année dernière).
Ce top est majoritairement composé de musique étonnamment calme, apaisée et moins fracturée que d’habitude. Parce que l’année ne fut pas forcément joyeuse, mais aussi car rester chez soi la majorité du temps influence forcément les écoutes, beaucoup plus étirées et contemplatives.
Comme d’habitude, ce top ne reflète que mes écoutes personnelles, n’a aucune ambition à prôner le bon goût, et vous aidera simplement à dépenser l’argent cadeau de mémé sur bandcamp (vous excuserez aussi la prose hésitante, voir un peu dégueulasse, de cet article, qui est littéralement le seul truc en français de plus de 5 lignes que j’ai écrit en 2020).
J’espère enfin que vous êtes tous en bonne santé, votre famille aussi, c’est évidemment l’unique priorité.
Il y a donc: un top 12 albums 2020 sans distinction de genre, les Top Tracks 2020, l’oublié de 2019, les best EP et le produit français à exporter pour 2021.
> TOP ALBUMS 2020
– CS+Kreme – Snoopy
Dans une année 2020 lugubre, hors norme, troublante, avec seulement quelques pointes de lumière sous un océan d’inquiétudes, il n’est pas surprenant que mon disque préféré de cette année soit aussi un objet complètement déviant. Impossible à décrire, difficile à conseiller, ce Snoopy de CS+Kreme pue la mort, le renoncement, la dépression, la re-descente de drogue. Mais le duo Australien arrive pourtant à captiver, insufflant dans chaque morceau une mélodie incroyable, un synthé qui enchante, une éclaircie qui redonne espoir: du premier morceau “Saint” et sa litanie imparable, ses orgues chelous et choeurs cristallins (impossible de ne pas tomber amoureux de cette track dès les premières secondes), au hip hop de fin du monde de “Blue Flu”, en passant par l’electronica cheloue et aérienne de “Slug”, ou le cours de Yoga pour zombies cancéreux via “Time is a Bozo”, l’entièreté disque te balance une mixture ambiant-émo visqueuse et viscérale, quasi-repoussante par moment, souvent belle à crever, toujours captivante.
Et après 40 min de sombre mélasse audio à couper au couteau, le duo te balance “Mount Warning”, une conclusion sublime, rayonnante, pleine d’espoir, longue montée de 8 minutes explosant sans sommation sur des synthés cristallins lumineux.
Avec Snoopy, CS+Kreme sort un disque important, unique, métaphore d’une nuit passée sous paralysie du sommeil à regarder la voûte céleste en chialant, espérant qu’une supernova apparaisse pour engloutir le monde.
– Oklou – Galore
Si Oklou était low-key sur mon radar depuis bien des années, via des sorties mi-pop mi-expérimentales, j’étais franchement impatient d’écouter un véritable album, une galette long format qui permettrait de se plonger dans son univers sur plus de 4 morceaux:
Pas de suspense, Galore, sorti au beau milieu de cette année 2020 toute claquée, m’a foutu une mornifle gigantesque. Je m’enflammerai même en soutenant que ce disque est la meilleure chose qui soit arrivée à l’electro/pop depuis des années, humiliant la concurrence, Galore étant un album qui va foutre la mort à un bon nombre de musiciens, forcés de re-taffer dur leur recette pour se remettre à niveau, un peu comme Clark l’avait fait à l’electronica lors de sa sortie de son Body Riddle à l’époque.
Oui, les morceaux sont beaux à pleurer, claquant les synthés les plus séduisants de 2020, entre bedroom pop à chanter sous la douche et mélodies electro lumineuses. Mais il y a un truc en plus, fascinant et troublant, sur ce Galore:
Tout est dans les silences, les respirations. Le disque est extrêmement calme/apaisé, et pourtant gronde hardcore, à en faire trembler vos murs comme une prod de gabber. Pop ultra violente dans son mutisme, calme avant la tempête, Galore est un album rare, à double facette, pouvant aussi bien s’écouter à volume minimum, ou à fond les ballons, donnant deux versions toutes aussi incroyables de lui même: une pop timide à écouter avant de dormir, ou un monolithe émo implacable écrasant tout sur son passage.
– Subheim – ΠΟΛΙΣ
Plus personne ne s’étonne de naviguer en pleine dystopie depuis quelques mois, avec dans la lorgnette une année 2021 qui va sûrement rendre soudainement réaliste bien des livres de science fictions. Damasio doit se régaler. Certains disques se sont naturellement emboîtés à merveille sur le contexte anxiogène et ultra sécuritaire d’une pandémie mondiale.
ΠΟΛΙΣ, de Subheim, pourrait être la soundtrack parfaite d’un “Les Fils de l’homme” réactualisé façon 2020, a coup de contamination rampante dans la ville, cadavres à peine cachés dans des impasses crasses, fêtes underground clandestines, accès aux magasins limités via passports immunitaires, et classes sociales séparées non plus par la richesse mais par la facilité d’accès au suivi médical.
Entre ambiant aérien (“Daughter”, “When” ou l’affolant “Park Inn”…), fresque nocturne Burial-isée (l’exceptionnel “Light” et son dernier-tiers à faire friser les nuques) ou electronica émo-cyberpunk (le limpide “Vertigo”, le sombre “Old Blade”, l’énorme conclusion “Supernova”), l’album ne se débarrassera jamais de cette aura de BO de film futuriste et sale, où humains fracassés par les nouvelles technologies errent sans but dans une mégalopole quasi-sentiente, déshumanisée, bardée d’hologrammes et grouillant de vies sans espoirs. Tu as attendu un album de Lorn pendant tout ton confinement, sans succès? Tu viens d’en trouver le parfait suppléant.
Timide, presque de façon trop discrète, ΠΟΛΙΣ se place sans hésitation dans les albums les plus beaux et émouvants de l’année, indispensable pour toutes oreilles en manque de musique ambiant-cyberpunk.
– Ben Lukas Boysen – Mirage
Parce que s’enfiler du CS+Kreme quotidiennement en matant les news de 2020, c’était presque aussi drôle que de pisser pendant une cystite, j’ai dû vite trouver un album plus positif et lumineux, pour éviter de sucer la dépression et me décapsuler le cerveau avec une balle bien placée. Oh boy, ce Mirage ne m’a pas déçu. Ben Lukas Boysen, sort sous son vrai nom un sublime album d’electronica ambiant aux mélodies à chialer, lorgnant sur des fresques tire-larmes flinguant trop efficacement les coeurs fragiles, à l’opposé de son projet Hecq (indus/IDM/dubstep).
Le disque, à la tracklist ramassée, enfile diamants sur diamants: “Empyrean”, parfait morceau ambiant aux arpèges de synthés et voix angéliques qui s’enroulent à n’en plus finir. “Medela”, grondement sombre et apaisant, finissant sur une longue outro jazz/classique qui donne l’impression de dériver dans l’espace, en s’éloignant peu à peu de toute source de vie. Ou le sublime “Venia”, en mode soundtrack de Blade Runner remixée par une collégienne hypersensible.
Mais c’est la conclusion “Love” qui porte l’album au firmament, pouvant prétendre à la plus belle tirade electronica de l’année, et qui explosera instantanément la colonne vertébrale de tous les amoureux d’IDM mélancolique. Une conclusion d’une beauté infinie, qui m’a complètement déboité la tronche à la première écoute, pour me laisser abasourdi, devant mon ordi, à tenter de calmer des tympans en pleine crise de sanglots.
6 tracks seulement, toutes grandioses, pour un même résultat: à chaque nuit passée chez moi à ne rien faire, à chaque weekend confiné à chercher un truc à écouter, ce Mirage LP était là, à portée de clic, pour me réconforter et me broyer le palpitant.
– Dj Lycox – Kyzas Do Ly
Certes, Kyzas Do Ly n’est qu’un EP de 4 titres. Oui, je place sans pression un EP dans le top album 2020, alors qu’il y a une liste des meilleurs EP plus bas. Pourquoi? Parce que ce mini album est sûrement le disque que j’ai le plus écouté cette année, en boucle, quasiment ad nauseam, jusqu’à en devenir fou. Ces quatre titres ont été poncé mille fois, à en bruler les statistiques de mon itunes.
Ce Kyzas Do Ly, je l’attendais comme le messie, car Dj Lycox avait déjà sorti en 2017 Sonhos & Pesadelos, un de mes albums préférés “all time”, un diamant de kuduro-pop-batida-house-insertnamehere aux mélodies affolantes, un petit chef d’oeuvre que j’écouterai encore en maison de retraite (comment rester insensible devant “Virgin Island” ou “Parabens Mo Baba”?).
Sur cet EP, Lycox s’est débarrassé des rythmes épileptiques et de la violence de ses anciennes prods pour balancer 4 morceaux tout simples, beaux comme la mort, et avec un max de soleil dedans. Presque r’n’b dans sa construction, ultra simple d’accès, Kyzas Do Ly te cajole à n’en plus finir, dépliant ses litanies jusqu’à ce qu’elles se gravent au fer chaud dans ton cortex, et le tout doré à l’or fin. Putain de chef d’oeuvre. DJ Lycox, superman de 2020, tu as sauvé mon moral, stp balance un nouvel LP au plus vite, on en a vraiment besoin là!
En attendant, avec Kyzas Do Ly, juste pour 15 minutes, le poids du monde sur tes épaules, c’est fini.
– Ital Tek – Outland
Même en écoutant religieusement chaque nouveau LP, j’avais perdu tout mon intérêt pour Ital Tek, fer de lance de la période post-dubstep de Planet Mu. Ultra fan du mec pendant la période 2007-2013, j’ai complètement décroché avec les deux albums suivants, Hollowed et Bodied, trop sombres et pas assez accrocheurs pour mes oreilles. Il était clair que l’anglais opérait une mutation inattendue, s’éloignant drastiquement de son dubstep/footwork mélodique de ses débuts, pour quelque chose de plus sinistre, gris et industriel.
Outland, sorti pile au moment où tout partait sacrement en couille sur cette année 2020 (Mars-Avril), est au départ arrivé dans mes oreilles presque par dépit, désespérant de trouver assez de musique à écouter pendant mes longues journées de télétravail. Et quelle claque. Ital Tek, avec ce disque, déboule dans le game de l’album cyberpunk avec une insolence et un talent fou, balançant des tracks futuristes absolument mirifiques. Quasiment beatless, apaisée sur la grande-totalité du disque, Outland déploie ses claviers parfaits pour ne cracher que de la mélodies sur 10 titres, et se place directement à côté des références du genre (Severant de Kuedo, Remnant ou Vessel de Lorn etc.) Etonnamment, le seul mini point faible du disque étant les deux morceaux plus cadencés de l’album.
Tu es dégouté d’avoir acheté la version toute pourrie et buggée de CyberPunk 2077 sur PS4? Ital Tek avait la solution avant tout le monde: Outland est la vraie expérience futuriste de 2020, le disque parfait pour se plonger mentalement dans les strip clubs dépressifs, les artères cradingues pleurant la solitude et les avenues bordées de néons d’une mégalopole en fusion.
– Bucky – Foreign Block
Ah, fidèle lecteur, si tu cherchais dans ce top l’inévitable disque de future-garage émo Burial-isé vs voix puputes pitchées, voici l’incontournable du genre pour 2020. Bucky continue son petit bonhomme de chemin, à balancer disque sur disque son spleen Londonien, et sa musique parfaite pour balades en sorties de club a 3am. Bucky sonnait légèrement référencé par le passé, mais il a soudainement passé un cap en sortant deux très bons albums pour encadrer les confinements, “Come Back” et “Foreign Blocks”. Si les deux disques partagent la même atmosphère de future-garage ultra émo (malgré un Come Back partant sur une approche plus ambiant et éthérée), c’est bien Foreign Block qui m’a déboulonné les entrailles avec son UK Garage au coeur brisé, passant avec grace du 2step Grime Noir pour dancefloor (Le morceau titre “Foreign Block”, “Underdog”, “Playing Games”…) aux fresques plus émotionnelles, qui rendraient un Clubroot jaloux (“Dissolution”, “Eclipse”, “Forever”). Mais cet album, c’est surtout trois diamants absolus, trois morceaux qui foutent à genoux les prods les plus mélancoliques de 2020: “Heatwave”, sombre ballade nocturne en mode je-rentre-chez-moi-la-clope-au-bec-apres-m’etre-senti tellement-seul-dans-ce-club-de-merde; “Never The Same”, lente chute UK Garage, prod que n’aurait pas renié Grimes après une sale rupture; mais surtout, “Nobody”, l’un des plus beaux morceaux de 2step émo-décharné tombé dans mes esgourdes depuis un bail.
Le Londonien introduisait l’un de ses anciens LP comme “this album is for anyone who has been living someone else’s life doing that 9-5 job and seeing all your time and energy disappear in front of you”.
Bucky, c’est toujours exactement ça: il n’y a surement pas mieux que ses deux LP cuvée 2020 pour te rappeler que la vie, c’est un peu nul, mais parfois drôlement beau quand même.
– Pa Salieu – Send them to Coventry
Il n’y a pas eu plus balaise en hip-hop pour moi cette année. Fin du débat. Il suffit de lancer l’affolant “Frontline” pour s’en convaincre, brûlot absolu qui a roulé sur tout le rap de 2020, avec sa prod façon sirène de fin du monde toute droit sorti d’un Duntisbourne Abbots Soulmate remixé drill, ses choeurs cancéreux chelous et ce flow au charisme puissance mille.
Inclassable, Send Them to Coventry oscille constamment entre grime sale, drill brute et dancehall aguicheur, sans jamais faire de compromis ni tomber dans la soupe formatée, et aligne sans discontinuer mandales sur mandales pendant 15 morceaux, sans un seul faux pas (ou presque, seul “More Paper” fait légèrement pâle figure).
D’autant plus que l’album déborde de prods abruptes et pourtant affolantes de détails, synthétisant tout ce qui se fait de mieux dans le hip-hop UK (et donc mondial) en ce moment.
Send Them To Coventry se permettra même de surprendre sur toute sa longueur, driftant entre les genres, avec un “Betty” pouvant se targuer d’utiliser la plus belle ligne de synthé de l’année pendant seulement 10 secondes (1min15-25), un “T.T.M” qui prouve que faire de la drill ultra sombre tout en faisant remuer les culs est possible, ou un “My Family” qui fout encore plus la pression que de faire la queue 3 heures pour un test PCR.
Énorme premier album, possible futur classique du rap UK, on place tous nos espoirs sur Pa Salieu pour les années à suivre.
– Aho Ssan – Simulacrum
La guerre des étoiles. La tête dans une machine à laver, cerveau noyé dans la drogue, à regarder ta vie défiler. Androïdes qui déboulent de partout et tabassent tout ce qui bouge. Blockparty sauvage aux enceintes immenses, beats sourds à faire exploser toutes les vitres façon supernova. Ambiant décharné, orgue d’église, éruption solaire et bruit blanc. Ce Simulacrum d’Aho Ssan terrifie, fascine, hallucine et donne envie de chialer, sur à peine 7 morceaux.
Alors par contre, je ne te cache pas que l’on est pas sur de l’écoute facile. Il va falloir rentrer dans ce disque avec les protège dents, les gants cloutés et la rage au ventre. En pressant “play” de façon curieuse, la bouche en coeur, tu vas te faire méchamment bolosser à la première visite, c’est une certitude. Ça va flipper sur les montées noise, vomir sous les déchirures, capituler devant les effets chelous. On est loin de la BO rêvée pour ta dernière story instagram à Cancun.
Mais sous les violentes escarmouches et les envolées stridentes de Simulacrum, il a les mélodies, l’embrasement, la clarté: les paysages désolés et émotionnels de “Intro”. Les basses assourdissantes cassant les mélodies cristallines de “Simulacrum IV”, en mode Lorn gangbangué par Arca. La cavalcade mélancolique de fin du monde sur “Blind Power”. Mais surtout, surtout, oh mon dieu, surtout “Simulacrum II”, claque absolue, tube hiphop mutant complètement maniaque, explosion de verre pilé dans la tronche, pour l’une des fresques expérimentales les plus impressionnantes de l’année.
Aho Ssan, future star de l’electronica, nouveau sponsor de Max/MSP, remixeur officiel d’Ariana Grande, dynamiteur de stades? Une évidence.
– E.M.M.A – Indigo
Il paraît que Saturn et Jupiter vont se chevaucher le temps d’une nuit, pour un événement extraordinaire, potentiellement unique dans une vie. Alors je suis perché sur mon toit, télescope à la main, pour tenter d’avoir un aperçu du phénomène. Mais la ville est bien trop polluée par la lumière pour offrir ne serait-ce qu’un teaser du spectacle, et je cherche en vain, sautant de points lumineux en points lumineux, naviguant entre les nuages, qui semblent absolument vouloir gâcher la fête.
Point de planète dans mes rétines, alors je divague. Il fait doux sur mon toit, pour un mois de décembre. Une bière à la main, je lance le dernier E.M.M.A, histoire de planer sur des synthés en apesanteur. Mars est toujours aussi lumineuse, Polaris aussi, et je rêve d’Andromède. Je tente de relativiser l’immensité du bordel étendu au-dessus de ma tête. La vie est longue, parfois sympa, souvent merdique, mais au final insignifiante comparée à ce vide absolu. Mon existence, un simple blip dont personne ne se souviendra, dans cette timeline gigantesque, cela en filerait presque la gerbe. Le disque d’E.M.M.A, lui, est tout aussi anecdotique, chétif album de 30 min perdu dans un insondable océan de sorties musicales.
Mais pourtant, il habille parfaitement ce moment d’errance mentale, avec ses longues plages de synthés à la blade-runner défoncés par des rythmes trap / drill, boîte à rythmes réglées en mode mitraillette. Pas de surprise, cela rappelle fortement le Severant de Kuedo, en légèrement moins épique, et un peu plus glossy. Mais c’est fait avec tellement de maîtrise, et contenant des morceaux tellement beaux, qu’il est impossible de ne pas lancer cet album lors de longues insomnies, passées à regarder les étoiles.
Indigo Dream ne marquera pas l’histoire, loin de là. Mais il fera sûrement partie de ma vie pendant bien des années, à me tirer gentiment vers le haut lors de mes asthénies nocturnes. Une existence modeste? C’est déjà pas si mal.
– Laylow – Trinity
Si certains disques de rap fr (le Freeze, Ben PLG, Triplego en tête) ont pu percé le marasme de prods interchangeables grevant de plus en plus les “gros” albums, un disque a particulièrement défoncé la norme à coup de pelle: Trinity. A la première écoute très (trop?) inspiré de Kanye et Travis Scott (Megatron, restons sérieux, et seule faute de goût de Trinity), l’album de Laylow dévoile vite un concept assez ahurissant pour un simple projet rap balancé pépouze, oscillant entre réalité virtuelle, dystopie cradingue et effet de l’intelligence artificielle sur les relations humaines.
Même sans s’intéresser au concept, l’album reste sacrément solide, entre morceaux déprimés, trap belliqueuse et complaintes à l’autotune pour villes cyberpunkées (Dehors La Night, quelle track!). On lit peut être trop entre les lignes, mais Trinity est sûrement le seul album fr à se baser sans pression sur des références aussi contradictoires que Matrix et HER.
Mais ce qui fait surtout plaisir, c’est d’avoir un vrai album, avec un objectif à l’opposé du projet simplement construit pour faire kiffer les algorithmes de Spotify: Trinity s’écoute d’une traite, dans l’ordre, interludes compris, pour vraiment se prendre en pleine face l’étendu du bordel.
– Young Nudy – Anyways
Ce Anyways de Young Nudy est loin d’être l’album de l’année. Il n’est pas novateur. Il ne propose rien de spécial. Nudy n’est clairement pas le meilleur MC de sa génération. Alors pourquoi le classer dans un top?
Car Anyways, c’est juste un pur album de street rap, de trap dépouillée, de 808 en roue libre, un truc sale qui tape dur et déroule une unique recette pendant une heure, non-stop. Avec en bonus une légère atmosphère enjouée sur pas mal de titres, pour trancher avec le pessimisme d’une grande partie de la trap actuelle.
Pas de feat interchangeable, pas de morceau pop pour draguer les streams, pas de refrain désespéré, et c’est en cela que l’album est au final ultra original, niché dans son semblant de banalité. Young Nudy déboule avec l’album de Rap US qui a le plus tourné dans mon ordi cette année, à l’écouter en boucle pendant des heures, à vaguement hocher la tête sans vraiment y prêter attention. Il y a eu de biens meilleurs albums (21 Savage, Westside Gunn, Freddie Gibbs, Denzel & Kenny…), mais Anyways fait de ces excellents albums street, jouissifs et attachants, qui passeront inaperçus (comme le Yung Mal ou Stove God Crooks), écrasés sous le poids des grosses sorties US clinquantes (et au final peu surprenantes) de 2020.
Les autres albums qui auraient du être dans le top car parfois objectivement meilleurs que certains au dessus, mais que je n’ai pas forcément écouté autant: Autechre – SIGN /// Roisin Murphy – Roisin Machine /// 21 Savage & Metro Boomin – Savage Mode II /// Space Afrika – hybtwibt?
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> Les meilleurs EP de 2020:
Overmono – Everything U Need: énorme EP d’IDM pour club, en mode Warp pour cœurs brisées. Un morceau titre qui fera chialer les amateurs de musique pour dancefloors tristes, et le reste qui donnera envie aux fans d’Aphex de filer au supermarché du coin pour acheter tonne de glowsticks et foncer dans des raves. Ah les clubs sont fermés pour cause de pandémie? Lance l’EP et danse seul, bourré comme un con dans ta chambre, tu vas aimer. Indispensable (et l’une des meilleures cover de l’année?).
Son Zept – A: Exceptionnel EP electronica-ambiant ultra mélodique, qui fait jeu égal avec les patrons du genre, tout en se permettant de balancer quelques chef d’oeuvres (Level, sublime morceau IDM épique et mélodique) ou des bizarreries electronica à faire frémir les colonnes vertébrales (Some Things Can’t Last façon accordéons vs The Caretaker, ou 1D2D Rise, longue montée émo). Le mec n’a plus qu’à sortir un album long format pour s’asseoir sur le trône, sans pression.
Squarepusher – Lamental EP: Si l’album Be Up a Hello sorti en début d’année était trop fracassé pour mes tympans, déjà laminés par trop d’années de violence sonore, Squarepusher a rapidement corrigé le tir avec un EP ultra mélancolique, quasiment beatless, étonnement tristounet. Et vu que Squarepusher, je l’aime à mourir quand il se veut tire-larmes, ce Lamental EP ne pouvait que m’écraser le palpitant à coup de baseball. IDM parfaite pour lire lettres de rupture.
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> Le produit français à exporter dans les supermarchés du monde entier en 2021: Ascendant Vierge – Vierge
Je vis à l’étranger depuis bien 10 ans. Et l’image de la France, dans mon cercle d’amis, est toujours limitée au vin rouge, au camembert et à l’adultère. Voir les grèves et les congés, pour mes potes américains. Que de clichés. Niveau musique? On ne parlera que des Daft Punk, Guetta, et Zaz.
Il faut changer tout ça. Prendre des mesures drastiques. Redorer notre image!
Que le ministère des affaires étrangères puisse promouvoir de façon agressive la musique d’Ascendant Vierge, partout. Dans les ambassades, dans les instituts culturels, dans les cours de langue, dans les avions Air France (pendant la petite vidéo de sécurité du décollage là).
Que les gens du monde ne nous prennent plus comme de simples figurants pourris dans Emily in Paris (Netflix™), mais nous voient comme des cinglés qui écoutent de la musique ultra violente tout en chantant façon Piaf, à moitié nus, se masturbant dans des tenues fluos. Oui, nous français, nous sommes tous des drogués qui se tapent sur la gueule tout en pleurant comme des madeleines, des tessons de bouteilles plein les mains.
Parce qu’en France, on aime la musique belliqueuse et belle, épique et de mauvais goût. Parce que Vierge, c’est un album complètement fou, qui te file la frousse, qui te casse la colonne et qui te crache au visage. C’est de la gabber et de la pop oui, mais c’est surtout une grenade dégoupillée sur la piste de nos musiques labellisées “club”, lambdas et nécrosées.
Vierge, un disque à caser dans tous les rayons de supermarchés du monde, dans la section “imported products from France”, entre le clacos surgelé et le sel de Guérande.
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> L’objet musical loupé en 2019, qui devrait être tout en haut dans le top:
TREN – The rising and setting of heavenly bodies
Bizarre vidéo uploadée sans prévenir en 2019: ce TREN que personne ne semble connaître, et qui n’a rien posté d’autre depuis (introuvable sur youtube, bandcamp, soundcloud etc.) semble:
1/ associé à Giegling, voir un potentiel nouvel alias de Traumprinz/DJ Healer etc.
2/ un mec dans sa chambre tellement fan de Giegling qu’il se met à produire de la musique frôlant le copier/coller.
Que ce The Rising and Setting of Heavenly Bodies soit une création originale ou le banal ripoff d’autres artistes, TREN te balance 50min de techno-émo-melodique magistrale, d’une beauté absolue, entre club de cathédrale et dancefloor dépressif. Pour dire, cette mixtape est devenue un indispensable pour habiller mes fréquentes errances nocturnes, aux côtés d’un This is Not de Metatron ou un Untrue de Burial. Hallucinant.
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> Best Tracks 2020:
Oklou – Unearth Me: Je n’ai pas l’habitude de mettre en valeur le morceau d’un album déjà dans le top plus haut, mais Unearth Me est simplement la track que j’ai le plus poncé cette année. Et après 94 écoutes (cf compteur itunes), je découvre encore mille détails, myriades de silences loupés, de petites notes qui me surprennent. Unearth Me, c’est un morceau d’un calme absolu, pourtant aussi imposant qu’une montagne. Un mini tube pop traumatisant défoncé par ses basses et synthés démesurés, porté par ce chant tout fragile. La violence silencieuse, nouveau concept by Oklou.
Autechre – R Catz: Dans une année aussi claquée que 2020, rien ne nous prédestinait à être cajolé par Autechre. De c’est pourtant ce que le duo anglais à fait: nous balancer un album sublime, quasi-beatless, fou de détails. Les habituels “où-est Charlie” de la mélodie ont décidé de mettre en pause la révolte des androides le temps d’un court disque, pour nous expliquer ce qu’est la béatitude cybernétique. Et au milieu de tout ça, un trésor absolu, un diamant ultime, sûrement l’un des plus beaux morceaux d’Autechre depuis bien des albums (Untilted?), avec R Catz, magnifique tirade ambiant, instant de recueillement pour religion blade-runnerienne, à te faire partir loin dans les étoiles, à en oublier de respirer, à en perdre conscience. R Catz, c’est plonger dans un trou noir, et ne jamais en ressortir.
Nidia – Capacidades: La musique, ça te rend heureux, ça te donne envie de danser, ça te pousse à balafrer ton visage de larmes. C’est la fête seule, la dépression à plusieurs. Ce Nídia, c’est tout ça, passé au mixeur. Capacidades, track nostalgique puant la fête et les couchers de soleils, suintant les moments ou tu pouvais gigoter avec tes potes devant des enceintes géantes sans flipper de te taper une pneumonie mortelle. Ce morceau est tellement formidable, qu’il desservirait presque le reste de l’album. Une des claques musicales de 2020.
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> Les autres morceaux de 2020, juke box pour ton début d’année
– Twinsmatic feat SCH – X2
– Burial – Chemz
– Playboi Carti – Over
– Lofty305 – Goose Game
– Burial, Four Tet, Thom Yorke – His Rope
– Dominique A – à la même place
– 13 block – Babi
– Future & Lil Uzi Vert – Plastic
– Andrew Prahlow – The Sun Station (les frissons absolus)
– Roisin Murphy – Incapable
– King Gizzard & the lizard wizard – Straws in The Winds / Intrasport
– Fivio Foreign – Big Drip (Duntisbourne Abbots vs Drill, ça donne à peu pres ça)
– A.K.Adrix – Espuma Nocturna
– 21 Savage & Metro Boomin – Many Men (le duo parfait)
– Gazo – Acte de Burberry
– Blood Orange & 박혜진 Park Hye Jin – Call Me
– Dead Peepol feat Rich Kent – Otan Hunu
– Vanyfox – Hot Summer
– Sebastien Forrester – MEH (Afraamix)
– Ultrademon – BKK (footwork sur andromede)
– Hyacinthe – Fin de Parcours
– Lala&Ce – Gargamel
– DJ Danifox – Dark Hope (c’est beau, la nuit)
– Beatking – Then Leave
– Arca – Time
– Tsuruda – Yacht Haven Grande
– Acuteparanoia – I’m in Love
– Yung Mal – Str8 out the pyrex // 100 missed calls
– Rone – Human
– Sufjan Stevens, Lowell Brahams – The Runaround
– Four Tet – Baby
– Did B feat Afro B – Puissant
– Baby Smoove – Akorn
– Regina Demina – Couzin
– Yelle – Je t’aime encore
– Blu & Exile – Miles Davis
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portez vous bien.
This entry was posted on Sunday, January 17th, 2021 at 10:12 pm and is filed under Chroniques. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.
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Merci pour la retro.. Tu m’as fait ajouter CS+Kreme et Subheim sur ma liste d’écoute. J’ai testé Light et, à genoux direct.
Oklou j’ai du mal.. j’écoute souvent son live Animal Crossing mais je crois que je préfère son côté brumeux bordélique où ça foire au milieu du morceau que son album trop bien enregistré mixé et masterisé. Trop joyeux pour moi au final..
Je savais pas pour Hecq ni pour Squarepusher ça me fait plaisir : ) .. Au final tu penses quoi de Chansons de Geste ? Je l’écoute tout le temps, tout le temps !..
Laylow on est d’accord, c’est lourd et Megatron, on est d’accord, c’est non. (il faut jeter une oreille là je crois https://www.youtube.com/watch?v=kUDN5PWx5l8)
Au final il surpassera jamais la deuxième partie de I Don’t Need U / Know pour ma part.
Merci pour Yung Mal ! Comment suis-je passé à côté ?
BORDEL Twinsmatic & SCH c’est ultra lourd comment j’ai pu louper ça…. Future & Lil Uzi Vert parfait merci.
De mon côté je me dois de citer James Blake – are you even real… j’ai déprimé tout l’été grâce à ça..
ARM – Rien que la rue, hé !…
Pour moi l’artiste de l’année comme celle de l’année précédent c’est le Retro X. Mettons de côté les scandales autour du mec, il est sur une autre planète c’est pas possible. Bordel la 5ième Symphonie cette claque… ENERVE LE MORCEAU. Neo est monstrueux énervé aussi, et puis…. Maya Maya…. ce retour drogué aux racines.. Esteban.. etc..
Comment ne pas citer Fortnite avec Jorrdee ? Ils veulent nous tuer !
Freeze Raël aussi. Philly flingo aussi !
yoyo SunRicq, merci pour les infos.
Chansons de Geste, j’aime beaucoup, mais c’est que en conditions tres speciales, genre tard la nuit etc, donc je l’ecoute pas souvent, mais il est a porté de main aha.
Yung Mal est vraiment ultra bien son album, mais effectivement passé inapercu. Il faut dire que le tout est porté par les prods, Yung Mal n’est pas le mec le plus charismatique du game.
Je n’etais pas DU TOUT au courant du morceau de Arm, je file checker ça.
Pour Retro, autant j’ai vraiment bien aimé la compil Emodrill, que je trouvais ultra interessante, mais son album ne m’a pas vraiment marqué.
Toujours une joie de lire tes retrospectives Dat’ !
Je ne manque jamais cette occasion de faire le plein de perles pour bien débuter l’année.
Merci pour toutes ces années, et au plaisir de te relire !
Yo Chavrou!
Mortel, en esperant que certains de ces disques (tous, soyons fous) t’accompagnent pour l’entièreté de 2021
Oh lala, je me régale !!!
ha cool ! j’attend toujours ton top pour découvrir le nouveau disque de future-garage émo Burial-isé vs voix puputes pitchées qui va me suivre pendant 6 mois 🙂
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