Pourquoi battait son coeur
Après 4 ou 5 chroniques traitant de Chris Clark dans ses pages, difficile de refaire une introduction bardée d’élèments servant à introduire le bonhomme. D’autant plus que tout le monde le connait, et que tout le monde attendait un nouvel album de l’anglais, qui n’avait pas donné de nouvelles depuis 3 ans. Car après avoir terminé une trilogie d’une qualité infinie, entre un Body Riddle parfait, un Turning Dragon apocalyptique et un Totems Flare rempli de tubes viciés, Clark a du se demander ce qu’il pouvait bien faire, et quelle direction arpenter. Celui qui a presque revolutionné la façon de percevoir le “son” avec Body Riddle, chef d’œuvre de production en 3D qui te ramassait les tympans, avant de partir dans la sauvagerie la plus totale, a du se reposer tranquillement dans sa campagne anglaise, une bière à la main, à regarder l’horizon sur fond de folk psyché. Car avec Iradelphic, c’est un nouveau visage que montre Clark.
A noté que le Clark est vendu au Japon avec un disque bonus, Throttle Monolith, regroupant les Ep Throttle Promoter, Throttle Furniture et une bonus track. Le packaging d’Iradelphic est lui est sacrement moche, avec une back cover qui m’a fait penser à des vieux disques genre The Black Dog, c’est dire…
L’album commence presque là ou l’on avait laissé Clark. Une guitare, seule, perdue das les échos. Henderson Wrench laisse parler une sorte de Flamenco lunaire, pas déplaisant, déboulant sur Com Touch, vrai morceau “à la Clark”. Mélodie de folie qui se déplie à n’en plus finir, dès le début on est happé dans ses arpèges lumineux, dansant dans nos tympans. Franchement, je trouve ça d’une beauté absolue. A remercier dieu que mes oreilles marchent encore assez pour entendre ce genre de truc. Le morceau reste au départ assez retenu, moins bourrin que ce que l’on avait depuis deux LP. Mais le morceau prend corps, Clark nous balance sa science sonore, et le tout débouche sur un rythme Hiphop de folie, un truc de fou furieux, accompagnant la mélodie de façon magistrale. Quand les petites voix perlent, c’est à chialer. Le morceau, comme bien souvent, va se nécroser et se retrouver bouffé par les parasites, histoire de nous laisser complètement sur le cul. Sérieusement, ce moment hiphop émo, c’est clairement le meilleur passage du disque.
Tooth Moves va se présenter comme une longue outro de Com Touch, en reprenant au départ la mélodie de cette dernière avec une guitare acoustique fragile. Le tout va se déployer tranquillement avant de partir dans un délire de synthés psychés. Le tout va se noyer tranquillement sur l’interlude Skyward Bruise (Descent), qui est pour moi le plus beau morceau du LP avec le Com Touch précité. Superbe pièce ambiant, post apocalytpique, ou seule une ligne mélodique chante au milieu des gravas, avec pour seuls compagnons quelques fragiles synthés. C’est superbe, à te dresser les cheveux sur la nuque. Quel dommage que ce morceau ne court pas pendant quelques minutes de plus.
Open sonne le retour des voix dans la musique de Clark, avec une invité, Martina Topley Bird, qui est presente sur 3 morceaux d’Iradelphic (Secret, The Pining 2 et Open donc). Si Open semble être une longue intro du titre qui va suivre, il surclasse sa suite, avec ce chant langoureux, ce rythme massif et surtout cette mélodie cristalline qui me flingue le moral, légitimant tout le morceau, incongrue et pourtant parfaitement placée. Secret va plus lorgner vers le Triphop enfumé des années 90, mais avec un son passé au nucléaire, et une Martina Topley Bird qui fait encore parfaitement le boulot (A croire qu’elle est toujours plus à l’aise chez les autres que sur ses propres sorties). Le morceau va rapidement basculer dans un flamenco de l’enfer, qui n’en finit plus de grincer dans tous les coins, c’est réussi. Ghosted restera par contre une énigme, longue et morne progression qui va déboucher sur un excellent passage chanté qui… s’arrête malheureusement au bout de 30 secondes (??). Le titre aurait pu avoir un sacré potentiel avec 2 minutes de plus. Black Stone et son piano solitaire servira de calme interlude (malgré tout clipé sur plus de 5 minutes), afin de nous laisser débarquer sur le trio The Pining 1, 2 & 3.
Alors là, attention, on tient l’autre pièce magistrale du LP. Enorme et épique montée faite d’instruments acoustiques concassés, The Pining 1 file une putain de frousse, sonnant la charge sur plus de 4 minutes. Ca commence de façon très retenue, avec plusieurs guitares acoustiques se tirant la bourre, pour tomber sur un rythme imparable, et des cuivres qui giclent dans tous les sens. Le tout mâtiné de nappes ambiant du plus bel effet. Le dernier quart arrachera tout coeur un peu mou, avec des synthés Dance qui se fraient un chemin dans tout ce bordel, pour une outro-émo affolante. Pas le temps de respirer, The Pining 2 entre en scène, on prend la même mélodie, mais on la démonte avec un rythme de folie, à faire trembler les murs. C’est encore plus épique (faut le faire) et entendre la Martina Topley Bird susurrer une petite litanie, arriver des tréfonds du morceau pour se retrouver au premier plan, ça t’arrache le palpitant direct. Le break est mirifique, d’une beauté folle, solaire en diable, flawless victory. The Pining 3 ne poussera pas les choses encore plus loin et c’est un peu dommage, mais on ne rechignera quand même pas devant cette jolie outro glacée, faite de guitares et petites clochettes. La conclusion du disque sera ambiant, et Broken Kite Footage nous servira des nappes religieuses et voix d’anges que l’on semblerait écouter avec la tête plongée sous l’eau. Le seul bémol, c’est que sur ces 5 belles minutes, il n’y a strictement aucune variation, Clark nous sert la même boucle de dix secondes ad-vitam eternam, sans un synthé de plus, une petite disgression. Juste une boucle, point.
Un conseil, ne cherchez pas la version Japonaise, pas besoin. Le titre bonus, Lysergic Plane n’a aucun intérêt, simple flatulence électronique passant par là pendant 3 minutes. En terme de surprise, on est loin du dernier Plaid ou du Autechre. Etonnant quand on sait que Clark a toujours filé de vraies bonus tracks vraiment énorme. Dommage.
L’album est bon. Il se déroule sans accroc. Très vite. Trop vite. L’album est beau. Le son est toujours aussi impressionant, la production hallucinante, les mélodies tires larmes. Mais l’album est surtout profondement incomplet. Pour schématiser, en écoutant ce Iradelphic, j’ai l’impression de me retrouver devant :
1/ Henderson Wrench – intro
2/ Com Touch – track
3/ Tooth Moves – outro
4/ Skyward Bruise – interlude
5/ Open – intro
6/ Secret – track
7/ Ghosted – demi track
8/ Black Stone – interlude
9/ The Pining 1 – track
10/ The Pining 2 – track
11/ The Pining 3 – outro
12/ Broken Kite Footage – outro
C’est cette impression d’avoir une enfilade d’interlude, d’intro et d’outro, avec 4 ou 5 morceaux au milieu, qui vice le disque. Ça flirte avec le syndrome du Mount Kimbie d’il y a deux ans. Iradelphic est sauvé par le fait que tout est beau, tout est reussi, pas un morceau n’est réellement à jeter (même si je ne comprendrai jamais l’arret soudain de Ghosted). Mais ça glisse trop vite, ça file comme le vent. A l’écoute, on a l’impression d’etre devant un album qui tente constamment de s’échapper, pour disparaitre au bout d’une vingtaine de minutes. Dans notre Itunes, le prochain disque commence à tonner alors que l’on se croiyait encore au milieu du Iradelphic. On a au final l’impression d’entendre un gros Ep, ou un LP super light… alors qu’il fait paradoxallement presque la même durée que Body Riddle.
En plus, certains interludes qui reprennent la recette de morceaux passés n’ont pas la force d’antan. Henderson Wrench est bien moins belle qu’Absence. Broken Kite Footage n’évolue pas, et fait beaucoup moins d’effet qu’un The Autumnal Crush. Black Stone coupe bien le disque, mais reste assez anodin face à pas mal d’interludes made in Clark. On est frustré. Frustré d’entendre ce sublime Skyward Bruise s’effacer au bout de deux minutes, alors qu’il en méritait deux fois plus. Enervé d’entendre Ghosted se dérober au moment où il commence vraiment. Déçu de voir que The Pining 3 ne pousse pas le bouchon encore plus loin.
Frustré, déçu, mais aussi ravi par la beauté folle d’un Com Touch, qui se glisse dans les meilleurs morceaux de Clark, conviant chaos et mélodie à pleurer comme seul ce dernier peut le faire. On est aux anges de voir les The Pining 1 & 2 se déplier à n’en plus finir, emportant Clark vers quelque chose de plus acoustique, mais tout aussi sublime dans sa construction, dans sa force. Content de voir que Clark sait toujours gérer les voix, et balancer des tracks flirtant avec le tube imparable (Open et Secret), même si moins dérangés et tire-larmes que sur Totems Flare. Album sur lequel Clark avait presque atteint sa forme ultime, que j’aurai aimé voir cristallisée sur un nouveau disque.
Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dis : je n’ai aucun problème avec la nouvelle orientation de Clark, à jouer de la guitare acoutisque dans ses morceaux et à flirter avec l’indie, car le mec se débrouille comme un chef, une fois encore. Juste que ce Iradelphic souffle constamment le chaud et le froid. Pas dans son contenu, qui se revèle maîtrisé et reussi de bout en bout, mais dans son contenant, dans sa façon d’être construit, organisé, formant un tout trop elliptique, fugace et tronquée.
Ce Iradelphic est un très bel album, contenant quelques pépites comme seul Clark peut les faire. Mais j’attendais bien plus que le seul plaisir éphémère de parcourir un album trop bref.
Clark – Com Touch
Clark – The Pining 2
Clark – Black Stone
11 Titres – Warp Records / Beat Records
Dat’
This entry was posted on Sunday, April 8th, 2012 at 7:56 pm and is filed under Chroniques. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.
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Je crois que je n’ai même pas été tenté de le réécouter. C’est dire.
belle chronique !
J’aime bien cet album, mais effectivement il semble très court 🙂
Com touch est sympa, mais mon passage préféré ce sont les 5 derniers morceaux 🙂
Super sinon le clip de “black stone”, je ne savais pas qu’il y en avait un, il est chouette 🙂 (même si clipé ce morceau est un choix étrange)
J’ai déjà dit ce que je pensais du CD en commentaire sur FB mais j’ai oublié un truc:
Je suis le seul auquel la mélodie de Skyward Bruise fait un peu penser à du Para One ? ^^’
C’est le seul problème de cet album: il est trop hétérogène ! Mais comme les morceaux pris a part sont géniaux, on se plaint pas.
Pour l’album de Para One c’était beaucoup plus déprimant, mais c’est dans le même style.
Broken Kite Footage est un excellent morceau !
ah oui marrant, je trouve au contraire que l’album est assez homogène, et qu’il glisse dans nos oreilles comme un tout, très facilement. Cette homogénéité étant renforcée par le fait que la moitié des morceaux sont des intro/outro et se rattachent entre eux… (Genre Open / Secret, les Pining, le Com Touch / Tooth Moves / Skyward…)
Pour Broken Kite Footage, c’est un morceau bien joli, mais je lui reproche le fait de n’etre qu’une simple boucle de 10 secondes qui est répétée pendant 5 minutes, sans variation, c’est dommage.
Je ne vois pas trop le lien avec Para One par contre…
Dat’
moi ça ma e rappelle dans l’ensemble bcp plus Bibio (son dernier album). Y a de vrais similitudes, sur le son, certaines mélodies, le fait qu’ils aient bosser ensemble ne doit pas y être étranger j’imagine.
[…] Chroniques Automatiques […]
Je trouve également que cet album est homogène, plus que Totems Flare par exemple.
Par contre, je dois dire que pour la première fois depuis l’avènement de l’homme, un album de Clark ne m’a pas plu. J’ai du mal avec ce Iradelphic.
Peut être parce que j’en attendais beaucoup, Clark ne m’ayant jamais déçu.
Peut-être car il arrive en même temps que beaucoup de sorties que j’attendais et que j’adore (citons pêle-même le High Damage, le Klub des Loosers, le Meshuggah, le Book of Angels 18 de Zorn/Krakauer…).
Mais là, je sais pas…J’accroche pas.
Je trouve certains morceaux jolis, mais aucun ne m’a mis de vraie claque. Morceaux comme interludes. Autant dans Clarence Park, le type faisait un morceau de 30 secondes avec trois notes et je trouvais ça beau comme la mort (Pleen 1930s, EmW ou Nostalgic Oblong), autant là les interludes/trucs ambients ne m’ont rien provoqué.
Avis bien sûr éminemment subjectif, cet album recevant me semble-t-il plutôt un bon accueil que je ne juge pas immérité.
D’autant que comme je suis un fan inconditionnel et immodéré de toutes ses productions précédentes, j’entends au fond de ma tête une petite voix qui me dit : “tu vas voir, tu penses ça maintenant mais laisse faire les choses, laisse les écoutes faire évoluer ton ressenti petit à petit, et tu verras, dans six mois c’est ton album préféré du monde de tous les les temps ! ”
…je sais pas, on verra, mais je doute. Pour la première fois avec l’ami Chris, je doute…
Oui je suis d’accord avec toi à dire vrai… J’en attendais peut etre beaucoup trop.
Moi aussi pour la premiere fois je ne suis pas emballé par un Clark. Je pense pas que cela va vraiment changer, je réécouterai nanmoins certains morceaux du disque avec plaisir. A dire vrai, surement tout le disque, vu comme il passe vite ahah.
En parlant de Clarence Park, il y a une nouvelle edition anniversaire je ne sais quoi qui va sortir, avec une dizaine de morceaux en plus !!
Dat’
“A remercier dieu que mes oreilles marchent encore assez pour entendre ce genre de truc.”
Prions le pour qu’elles marchent encore le plus longtemps possible cher ami ça m’embêterais de te savoir vaincu par l’acouphène. Super chronique pour album plus qu’attendu.
ahah, bah je t’annonce que c’est mal barré…
Un truc que j’ai remarqué concernant Broken Kite Footage, c’est le fait que cette “simple boucle de 10 secondes qui est répétée pendant 5 minutes, sans variation” nous permet de distinguer toutes les couches de sons condensées dans ces 10 secondes sans avoir à forcer notre attention. la première minute on entend les sons les plus superficiels mais plus on avance plus on devient intellectuellement actif jusqu’à percevoir les tout petit sons qui chuchottent au lointain (j’adore le son orgue qui s’affole tout derrière) .
Le son en soit n’évolue pas mais ce qu’on écoute évolue beaucoup pendant ces 4 min 54 secondes. C’est comme si t’avais un tableau devant toi.
Finalement, j’ai l’impression que : alors que les autres albums fonctionnaient comme un long films ou une longues vidéos (donc tout se jouait dans l’ “évolution au court du temps”), Iradelphic se présente plutôt comme un album photo ou un assemblage de tableaux de peintures, d’où son aspect répétitif et tronqué mais en même temps hypnotique, mystérieux et serein. Les transitions entre et au sein des morceaux sont beaucoup plus brutes que par exemple celles de Body riddle. C’est un changement de style qui est, pour moi, plus qu’intéressant pour Clark qui était plutôt le spécialiste de la “fluidité”.
J’écris juste pour exprimer mon amour pour ce bel album et tous les morceaux qui le constituent,
pas pour critiquer tes chroniques claires et précises et avant tout originales. J’ai adoré celui de Totems Flare
jo ==> Merci ! au contraire c’est cool d’avoir un avis divergent, ça enrichit l’article !
Alors je suis d’accord avec toi, Broken Kite Footage, c’est beau. Mais je ne peux m’empêcher de dire “il faut que ça évolue, il faut que ça évolue”… je trouve ça frustrant. Beau, mais frustrant.
C’est assez pertinent ta comparaison avec les tableaux. Mais par contre, ça serait comme si au bout de 3 minutes, on te retirait le tableau en disant d’aller voir ailleurs. Moi, je voulais être devant ces tableaux pendant 6 minutes ! (Genre Skyward Bruise ou Ghosted…)
dat’
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