C’est la punition
Reso fait parti des petits poucets ayant balancé pas mal d’EP depuis 3 ans, sans jamais avoir eu de réelle résonnance. Cet Anglais aurait pu rester dans l’ombre, à l’instar des tonnes de producteur Electro from UK, toujours aussi productifs depuis l’avènement du Dubstep et dérivé. Personnellement, je n’avais jamais entendu parlé de ce type, et son nouvel Ep aurait du rester (à tort) dans le ras de marée de vinyles déboulant chaque mois avec un tampon Fish & Chips apposé sur le dos. Mais voilà, l’artwork de ce Temjin Ep viole la rétine tant il est classe. Sorte de croisement entre une sortie Raster-Norton et une digression cyberpunk, cette araignée métallique connecte mes neurones à des souvenirs aux relents d’Amon Tobin, Fluke et Gunnm.
Mais Reso, ce n’est pas la nostalgie, c’est la punition. C’est les grosses basses, le pilon, la Wobble qui tressaute, les tympans qui abdiquent. Mais le plus drôle, c’est qu’au milieu, c’est beau.
Je parlais d’Amon Tobin dans l’introduction. Et bien à l’entame d’Otacon, on ne peut que penser au maitre brésilien, tant la première minute semble tout droit sortie d’un “Out From Nowhere” : Superbes nappes cristallines mi-cyberpunk mi-angelique, rythme électro cadencé aux apparats latins (mais dans un broyeur) et profondeur sonore impressionnante. Ca monte dur, on sent que cela va exploser genre breakbeat Tobinesque. Que neni, c’est un tsunami dubstep qui détruit tout, la ligne de basse est complètement folle, hystérique, ça explose dans tous les coins, les immeubles tombent, les gens hurlent, et au milieu du chaos, les androïdes de 10 mètres tabassent tout ce qui bouge. On a l’impression de se retrouver dans une ville assiégée, derniers survivants courant sous les lasers, évitant les blocs de bétons se désintégrant autour de nous. Moment d’accalmie, on pense avoir trouvé une bonne couverture, les machines cherchent de l’humain à étriper, mais l’on retrouve notre souffle derrière un mur dérouillé. Les Wobble se calment, les nappes reviennent, voix d’anges, le syndrome Amon Tobin revient, le calme est là, on commence presque penser espoir, mais notre couverture se fait désintégrer, la course reprend, nos oreilles se font se font rétamer, c’est absolument monstrueux. Ecouter ce morceau sur un système sonore peu avare en basse, c’est se prendre une réelle mandale.
Armored Core joue sur les mêmes ressorts, mais en délaissant les aspects éthérés et planants zébrant le titre d’ouverture. Ici, Reso nous rentre encore plus dans le lard, en précédant son explosion Dubstep hystérique par un “Power extreeeeeme !!!!” du plus bel effet, pour nous passer à tabac pendant 5 min 30. Les basses hurlent, ça s’entretue dans les enceintes, hallu totale. La grosse violence, on a l’impression que Reso te tire par les cheveux et te racle la tête contre mur en te criant dessus. Il y a du sang partout, cela semble lui faire plaisir, mais pas de problème, toi aussi tu prends ton pied. Je veux entendre ce morceau dans une soirée, ou en live. Ca doit être un vrai massacre, tu peux tuer des clubbeurs avec une torpille pareille.
Mais heuresement pour nos petits viscères, Reso n’est pas qu’un adepte chevronné du fusil à pompe, et sait aussi poser joliment l’ambiance, délaissant le Dubstep jouissif et rentre dedans pour quelques mélopées plus évasives et psychotropées. Hemisphere se la jouera jolie electronica dub-ée, avec une belle ligne mélodique à la guitare, des échos en mille-feuilles et un beat plus lancinant. Quelques samples de voix, mais du très discret, on n’est moins dans la (superbe) putasserie de ses potes Clubroot ou Ital Tek. Le morceau dodelinera en imprimant une progression discrète mais marquante, avec cette base grondante, son rythme plus appuyé et cette petite mélodie à crever qui finira de nous envoyer dans les étoiles, pour mourir sur une longue saturation, presque shoegaze, avec ce larsen cradingue tentant de noyer la petite gratte acoustique. Ca fourmille de détails, c’est vraiment travaillé avec minutie, du tout bon.
Ce glissement opéré par le titre du dessus n’est pas anodin. On n’attendait de Reso encore quelques missives enflammées, voilà que le bonhomme se dirige vers une toute autre facette avec Hyperglide. Le dubstep de bourrin est mis de coté, place au Nu-Abstract. Les synthés sont beaucoup plus présents, ils s’enroulent dans tous les sens, le beat est sec, handclap de grande classe. Pas si loin d’un Take ou d’un Dorian Concept, le tout parle directement à la nuque, surtout quand le titre prend le temps de se poser. Car attention, Reso reste un minimum terroriste, et secoue sa fresque de grosses zébrures bien rondes. Vous rêviez d’entendre Nosaj Thing remixé par Joker, c’est ici servi sur plateau d’argent. Le titre oscillera donc entre moments bien laidback, et roller-coaster electro, superbement mené, de bout en bout. Le plus court Channel Pressure lorgnera lui aussi avec prestance sur l’abstract, en plus classique plan-plan, évitant le dépeçage à la Wobble des autres tracks.
Dernier essai sur Temjin Ep (version digitale), Mind Games va encore surprendre par sa direction, partant rapidement dans un trip Drum’n bass de haute volée. Attention, pas de truc linéaire, le tout est encore une fois pétri comme jamais, avec une grosse ligne de basse caverneuse, un rythme parfait, en retrait, pas bourrin, mais parfaitement cadencé, hésitant constamment entre l’explosion et retenue timide, à la Interlope. Le morceau s’enrichira graduellement de sons cristallins, cavernes de glace, avant une conclusion breakbeat de folie, explosant de partout. Reso porte l’estocade finale, nous écrase le cervelet avant de nous laisser sur une jolie divagation aérienne.
Avec cet Ep, Reso fait carton plein. Le son est d’une puissance absolue, les basses sont littéralement écartelées dans nos tympans, on a l’impression, sur les premiers titres, à avoir affaire à un boucher du Dubstep. Le disque renverse, nous fout une claque, nous rassasie en terme de Dubstep frontal et sans concession. Mais Reso a l’intelligence de ne pas s’embourber dans sa propre recette, et propose sur Temjin un Ep intelligent, évolutif et mutant, dans ses sons comme dans sa tracklist. Apres une ouverture Amon Tobin vs Dubstep, Reso balance une vraie correction, puis filer vers une electronica-dub providentielle après de tels coup de butoirs. Le monsieur va ensuite proposer du Nu-abstract des grands soirs, pour finir sur un titre drum’n bass bien sombre. Le tout dans des morceaux à tiroirs, l’anglais aimant stopper la progression de ses morceaux, les entrecoupant de pauses atmosphériques avant de tout faire repartir avec violence. (Otacon est “mind-blowing” au casque, la même pour Armored Core et Hyperglide, fresques muti-couches phénomenales, ça chiale sous les explosions, nickel)
On en devient curieux de voir comment Reso pourrait agencer un espéré premier album, tant les facettes de ce Temjin sont multiples, et superbement maitrisées. A dire vrai, c’est grosse surprise pour ma pomme. Je ne connaissais pas le bonhomme, je me suis pris les deux premiers titres dans les dents, avant d’être charmé par la parfaite suite de l’Ep. Chez Reso, ça hurle, ça crisse, ça tire de partout, fusil à pompe dans le torax. Mais aussi ciselé à la perfection, beau, épique d’une façon presque déraisonnable. En espérant qu’une galette complète sera prévue avant la fin de l’année. Jouissif, il faut se le prendre en pleine poire au moins une fois sans broncher. Petit coup de cœur.
Reso – Otacon
6 Titres – Civil Music
Dat’
This entry was posted on Wednesday, June 30th, 2010 at 7:37 am and is filed under Chroniques. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.
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