The Bright Side of the Doom





Dillinger Escape Plan a connu, depuis dix ans de carrière, un parcours chaotique, d’un point de vu musical comme humain. Changement de chanteurs par trois fois, en se payant même le luxe d’accueillir Mike Patton pour un disque (en reprenant notamment, et admirablement, le mythique « Come To Daddy » d’Aphex Twin), guitariste malheureusement paralysé après un accident, batteur se faisant la belle pour un groupe un peu plus renommé avant l’enregistrement du dernier album, c’est bien simple, seul le guitariste Ben Weinman est encore membre « originel » de la formation à ce jour. La musique du groupe reflète bien cet éclatement, télescopant tout ce qu’ils peuvent trouver dans un rock rageur, et élaborant des structures parfois peu communes dans le milieux. « Miss Machine » avait même pas mal fait jazzer les fans de la première heure, le chanteur délaissant de plus en plus les hurlements pour un chant bien plus clair. (Ce qui, vous en conviendrez, est une chose absolument horrible.)
Le groupe s’est même alloué la liberté de sortir un album en format digital, reprenant des titres de Massive Attack, Nine Inch Nails ou Justin Timberlake ( ! ) à la sauce Dillinger.

Mi-novembre, sortie de « Ire Works ». Comment sortir le digne successeur d’un disque aussi perché que Miss Machine ? : En poussant le vice jusqu’au bout, bannissant toute règle de style, balayant Rock, Pop, Hardcore, Grind, Electro et autres expérimentations dans un joyeux bordel bien violent.












Artwork bien énigmatique que ce triangle, (quelqu’un peut m’expliquer le contenu du livret ?) avec un disque vous demandant expressément d?inscrire votre nom sur la galette avec un bon feutre noir, des paroles bien cachées et des crédits qui obligent à prendre le risque de casser le boîtier en deux pour être découverts : On s’amuse bien avec nos Américains.

Et je dois vous avouer que je ne m’attendais pas à la déflagration (c’est bien le mot) des deux premiers titres, Fix Your Face et Lurch à cause des premières impressions qui annonçaient un album plus ouvert.. Bons gros morceaux de Grindcore des familles, avec un batteur complètement fou (ils ont bien fait de le recruter celui-là), avec des vocaux hurlés et un mur de riffs violents en guise de ligne mélodique, avec un final presque apocalyptique pour le premier. Presque tétanisé par une ouverture pareille, Black Bubblegum opère un virage à 180°, versant dans le Rock presque « normal », avec couplets et refrains, habitude peu commune quand on connaît le groupe. Reste alors un morceau bien puissant, faisant inévitablement penser à certains titres de Faith No More dans sa période la plus énervée. Mais c’est surtout un titre drolement bien branlé, prouvant que DEP n’avait pas inclus des passages plus pop dans ses dernières productions pour rien, et que les petits gars savent réellement maîtriser ce domaine, pouvant donc s’ouvrir du morceau presque mainstream au Grindcore le plus rageur, excessif et jouissif…







En parlant de rock bien violent, il y avait cette année une sortie assez marquante dans le genre, avec le “Bambi’s Dilemma” des Melt Banana, a.k.a l’hystérie musicale poussée à son paroxysme. Les Dillinger ont du écouter ce disque à foison, car ils vont nous pondre la même façon d’enchaîner des morceaux oscillants entre 1 min 30 et 2 minutes maximum, en gardant une cohérence entre eux. Sick on Sunday, When Acting as a Particle, Nong Eye Gong, When Acting as a Wave et 82588 constitueront la brochette du jour, et dieu même sait combien cette enfilade est appétissante. C’est aussi sur ce pan du disque que l’on aperçoit les prémices d’une ouverture bien plus grande des directions du groupe.

Prenez l’incroyable Sick On Sunday, superposant une guitare étouffée à une ligne Drill’n bass ultra rapide, que l’on aurait plus croisé dans un album de The Flashbulb que de DEP, avant que le morceau parte dans un rock plus conventionnel et planant, zébré de parasites électriques. When Acting as a Particle commencera sur de l’ambiant inquiétant, avec la présence d’un violon très Hitchcockien, pour laisser débouler une rythmique de folie, avec un batteur en transe, martelant un rythme militaire avec une cadence infernale. Autre son de cloche pour Nong Eye Gong et 82588, gerbant deux petites pièces Grindcore d’une violence hallucinée, alors que When Acting as a Wave impressionnera avec cette guitare soutenant une ligne complètement déstructurée, virevoltant dans tout les coins tel un ballon crevé se vidant de son air, le tout écrasé de bombardements électroniques. En moins de dix minutes, on vient de se faire un parc d’attraction entier, les yeux fermés, avec de la coke dans le pif et des clous dans les pieds.








Que les aficionados se rassurent, les « longs » morceaux reprennent le dessus, avec Milk Lisard qui nous jette en pleine gueule un vrai brûlot, moins secoué que les attentats précédents, mais très Pattonien encore : Début ultra énervé, avec solo de gratte et bizarres notes de piano jetées au milieu du maelstrom, sans rapport apparent avec le reste, avant que le titre bascule dans une montée saisissante, superbe, presque Pop FM. Claque sur la joue gauche, DEP veut nous en foutre une double en repartant dans la rage de l’introduction, supplantée de la même envolée, cette fois complètement cartonnée par une batterie devenue folle, épileptique, laissant à peine perler ce piano timide, presque imperceptible. Juste sublime, un grand titre.

Quand à Dead As History c’est sûrement celui qui m’a le plus étonné à la première écoute. Atmosphère désolée avec ce vent soufflant dans vos oreilles, discrètement soutenu par des petites digressions électroniques, et un piano mortuaire, le rythme, encore une fois à ranger du coté d’Aphex Twin et ses congénères, se tortille, avance, tiens la main à un fond sonore brouillon. Explosion, décollage d’une guitare grandiloquente et d’un chant clair crachant un refrain encore bien efficace. L’équilibre entre agressivité mutante et accessibilité est encore parfaitement jaugé, pour lentement ralentir, et couler dans le socle de départ, entre électro expérimentale et douceur acoustique, accompagné de la voix de Greg Puciato, fantomatique, planante, presque juvénile.
Ambiance qui explose en morceau dès la première seconde de l’affolant Horse Hunter, qui déboule et tabasse tout ce qui passe avec une violence aberrante dans son introduction, pour trébucher sur un break Jazz bizarre qui va s’étirer dans une courte saturation, ouvrant la porte à un Métal bien bourrin, alternant susurrements et hurlements de damnés… et hop, parachutage dans une ligne très pop, rassurante, avec un chant qui se fredonnerait bien sous la douche. Douche qui se muerait rapidement en noyade tant le final est impressionnant, monstrueux, inhumain. Tout ça en 3 minutes chrono. Au secours.

La conclusion du disque, Mouth Of ghost, s’étalant sur 7 minutes, sera tout aussi affolante : décors feutré, façon piano-bar jazz de fin de siècle, étouffé par les fumées de cigarettes, et un chant superbe, angélique, avançant en pas ouatés, pour partir dans une longue ascension, où un sublime piano va divaguer sur une Drum & jazz acoustique. On tutoie la beauté absolue, quand Puciato va laisser petit à petit sa voix se faire avaler par le rythme, par cette guitare tissant de longues nappes en fond de paysage, pour une longue descente en spirale qui va se heurter à un gigantesque mur de guitare, stratosphérique, vous envoyant bouler dans l’infini d’une simple pichenette. Et l’on reste paralysé, comme un con, par ce que l’on vient de subir sur 13 Titres.










C’est bien simple, Dillinger Escape Plan réussit le pari de faire côtoyer le Hard le plus violent qui soit avec du rock mainstream sans AUCUN raté ou faute de goût, en ouvrant en plus le tout à des incartades électroniques et acoustiques du plus bel effet, transportant ce « Ire Works » dans des territoires presque jamais exploités. Les fans du premier visage du combo vont encore crier au scandale, mais ceux qui aiment la musique complètement dingue, celle qui passe du coq à l’âne sans crier gare, parfois une demi douzaine de fois dans un même titre, seront aux anges. Il est évident que Dillinger Escape Plan balance une musique encore trop agressive pour être appréciée du plus grand nombre, mais la formation s’ouvre avec Ire Works à un spectre tellement large et foisonnant, qui serait incompréhensible, voir totalement aberrant que le groupe n’ait pas, enfin, accouché du premier disque qui leur fera tutoyer les sommets… Un jour peut être…











13 Titres – Relapse Records
Dat’

This entry was posted on Sunday, December 9th, 2007 at 11:23 pm and is filed under Chroniques. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.